Le ton de ce rapport est plus mesuré que ce que l'on pouvait craindre : M. Baupin a retenu sa plume, et sans doute le président a-t-il lui-même joué un rôle modérateur.
Des questions restent néanmoins posées, ne serait-ce que parce que tout coûte. Même si le rapport a le mérite de faire litière de la fable des coûts cachés, propagée par certains amis de M. Baupin, il reste que les montants en jeu sont considérables : 200 milliards d'euros déjà dépensés et 80 milliards de dépenses prévisibles, dont environ 30 milliards pour le projet Cigéo de Bure. Le coût du démantèlement, que le rapporteur n'a pas chiffré, se monte à lui seul à 30 milliards également ; et EDF consent chaque année environ 9 milliards de dépenses. Les Anglais, sans doute éclairés par les exemples de Flamanville et de l'EPR finlandais, viennent de réévaluer à quelque 9,5 milliards d'euros le coût de chacun des deux réacteurs qu'ils construisent.
Ces chiffres doivent néanmoins être comparés avec d'autres. Les techniciens estiment le coût de la rénovation énergétique à 300 euros par mètre carré, si bien que la facture de la rénovation de 500 000 logements par an, selon l'objectif fixé par le Président de la République, atteindrait 15 milliards, et ce pour une économie de 7,5 térawattheures. Un EPR, rappelons-le, coûte de 6 à 8 milliards et produit 10 térawattheures. L'énergie la moins chère est celle que l'on économise, a-t-on coutume de dire : nous voyons qu'il n'en est rien. Tout a un coût, je le répète, y compris les économies !
L'arrêt de la production d'électricité nucléaire serait compensé par des importations d'hydrocarbures ou, à l'exemple des Allemands, de charbon. Or, s'agissant du pétrole et du gaz, le déficit de notre balance commerciale atteint 68 milliards d'euros par an, soit 80 % du déficit global du commerce extérieur. On pourrait multiplier les chiffres ; tous infirmeraient le préjugé selon lequel le nucléaire est une énergie très coûteuse, comparée à d'autres qui le seraient peu. J'ajoute qu'il faut aussi tenir compte du critère de la durée. Pour le nucléaire, l'unité de temps est de cinquante à soixante ans, alors que nos décisions politiques s'inscrivent dans le cadre d'un mandat de cinq ans.
L'effort en faveur du nucléaire, cher collègue gaulliste, a commencé bien avant le général de Gaulle : il remonte à la IVe République, les gouvernements de Pierre Mendès France et de Guy Mollet ayant précédé en ce domaine le général de Gaulle. Celui-ci a recueilli les fruits de cette politique, qu'on lui a ensuite attribuée grâce à un certain art de la propagande. François Mitterrand lui-même a poursuivi cet effort, tout comme Lionel Jospin.