Mon exposé se concentrera particulièrement sur l'uranium naturel, c'est-à-dire sur l'activité minière d'AREVA, car les autres activités de l'entreprise – conversion, enrichissement et « assemblage » de combustible – sont réalisées en totalité dans nos installations situées sur le territoire français, ce qui les rend moins tributaires des difficultés géopolitiques et internationales.
Je dresserai donc rapidement un panorama du marché international de l'uranium naturel, avant d'évoquer son impact sur le coût de la filière, puis la place qu'occupe aujourd'hui AREVA dans ce domaine.
Les réserves identifiées d'uranium naturel sont aujourd'hui évaluées par l'OCDE à 130 années de consommation, compte non tenu des conséquences positives que pourraient avoir le développement de nouvelles technologies moins consommatrices d'uranium naturel, comme la quatrième génération de réacteurs, et la généralisation du retraitement tel qu'il est pratiqué en France. Que le chiffre retenu soit celui de 130 ou celui de 100 années, on peut le comparer aux évaluations des réserves de pétrole et de gaz – une cinquantaine d'années pour le pétrole et légèrement plus pour le gaz – et de celles de charbon, évaluées à 100 ou 110 années.
Quarante-quatre pour cent de ces ressources se situent dans des pays de l'OCDE, contre 17 % pour le pétrole et 8 % pour le gaz. Le pays qui en détient le plus est l'Australie, avec 31 % du total, suivie du Canada, avec 9 %, des États-Unis, avec 4 %, le Kazakhstan et le Niger comptant ensemble pour 20 %.
En 2013, le total de la production mondiale d'uranium naturel s'élevait à 54 000 tonnes, ce qui est peu par rapport à d'autres combustibles, mais c'est précisément une caractéristique de l'énergie nucléaire que de ne pas nécessiter la manipulation d'une importante quantité de matière pour obtenir un important potentiel énergétique.
La liste des principaux producteurs ne correspond pas à celle des principaux détenteurs de ressources. En tête vient le Kazakhstan, avec 40 % de la production mondiale. Dès le début des années 2000, en effet, ce pays a lancé une politique très agressive de développement de son potentiel, politique qui porte aujourd'hui ses fruits. Viennent ensuite le Canada, avec 15 % de la production mondiale, puis l'Australie avec 10 %, le Niger avec 8 % et la Russie avec 6 %.
Cette offre « primaire », c'est-à-dire issue des mines d'uranium naturel, est complétée par des ressources « secondaires », correspondant au recyclage de l'uranium très enrichi issu du démantèlement des arsenaux nucléaires russe et américain. En 2013, ces ressources ont représenté pour AREVA un montant très important. S'y ajoutent les matières issues du recyclage des combustibles usés et les stocks importants détenus par le Department of Energy américain, qui les relâche régulièrement sur le marché en fonction de ses propres besoins budgétaires. Enfin, les nouvelles technologies d'enrichissement permettent aujourd'hui de réenrichir l'uranium appauvri, qui constitue désormais une ressource assez significative.
On dénombre sur le marché de l'uranium peu de vendeurs et d'acheteurs – ces derniers étant, à l'exception de quelques traders, les compagnies électriques elles-mêmes. Les stocks sont importants : deux ans et demi de consommation aux États-Unis et trois ans et demi en Europe, tandis que la Chine a engagé une politique très agressive de constitution de stocks stratégiques pour accompagner le développement de son programme nucléaire.
La part de l'uranium naturel représente moins de 5 % du coût de production du kilowattheure nucléaire. En y ajoutant la transformation de cet uranium en combustible – conversion, enrichissement et assemblage –, cette part est encore inférieure à 10 % du coût complet du nucléaire. De fait, l'essentiel de ce coût – jusqu'à 70 % – est constitué par les dépenses d'investissement, les 30 % restants correspondant aux charges d'exploitation et de maintenance, dont 10 % donc pour le combustible. Ainsi, un doublement du coût de l'uranium naturel induirait une augmentation de moins de 5 % du coût total de la production d'énergie nucléaire – de l'ordre de 3 à 4 % au cours actuel.