AREVA ne pourrait que se réjouir d'une telle évolution – qui devrait du reste se produire, car les prix sont, à la suite de l'accident de Fukushima, très bas. C'est en tout cas une caractéristique de l'énergie nucléaire que son coût soit relativement insensible au prix de la matière première, à la différence de celui des centrales à charbon ou au gaz – où le coût de production dépend pour 60 % du coût du gaz.
Selon nos estimations – car AREVA ne fournit pas 100 % de l'uranium qu'utilise cette entreprise –, les importations d'uranium naturel coûtent annuellement à EDF entre 500 et 600 millions d'euros, ce qui est marginal par rapport à la facture énergétique française, laquelle se situe, selon le prix des combustibles, entre 60 et 70 milliards d'euros.
La proportion des transactions effectuées sur le marché spot de l'uranium naturel n'est que de 10 à 15 %, car la plupart des électriciens préfèrent signer des contrats d'approvisionnement de long terme. Nous avons ainsi signé en 2013 avec EDF un contrat portant sur des livraisons jusqu'en 2035 – EDF est à cet égard un bon client, car les électriciens américains préfèrent les achats à plus court terme. Ces 85 % de transactions à long terme sont assorties de prix mixtes associant un prix de long terme, un prix spot et, parfois, des composantes liées aux coûts.
Après l'arrêt de quelques réacteurs nucléaires allemands et, surtout, celui des réacteurs japonais à la suite de l'accident de Fukushima, le prix spot a connu une très forte diminution, passant de 73 dollars la livre avant Fukushima à 44 dollars à la fin de 2012, puis à 35 dollars à la fin de 2013 – soit une diminution de moitié. Cela ne signifie pas que le prix des approvisionnements a été divisé par deux, car le prix spot ne s'applique qu'à une partie des transactions. Elle montre cependant le très fort impact sur le marché du retrait des acheteurs japonais. Ce déséquilibre passager est partiellement compensé par les achats importants effectués par la Chine pour constituer des stocks stratégiques.
L'analyse réalisée par un organisme spécialisé a montré que le prix à long terme avait lui aussi diminué, passant de 56 dollars la livre à la fin de 2012 à 50 dollars à la fin de 2013. Face à cette situation, de nombreux producteurs miniers ont annoncé le report, voire l'annulation de projets de développement de nouvelles mines. D'ici à 2020, la croissance du marché, notamment avec l'augmentation des capacités nucléaires dans le monde, en particulier en Asie, devrait se traduire par une augmentation des besoins, et donc des prix de long terme – qui, selon les prévisions de la profession, devraient retrouver en 2020 leur niveau de la fin de 2012, soit 56 dollars la livre.
Les activités minières occupent une place très importante dans les activités d'AREVA qui, avec une production de 9 300 tonnes en 2013, fait partie des quatre principaux producteurs, avec le Kazakhstan, le Canadien CAMECO et le russe Rosatom. Sur une quarantaine de milliards d'euros de commandes pour l'ensemble des activités d'AREVA, l'uranium représente près de 10 milliards d'euros.
Notre entreprise bénéficie déjà d'une relative diversification géographique de sa production, avec un site au Kazakhstan, deux mines au Niger et un site au Canada. C'est là une spécificité par rapport à nos concurrents, qui sont généralement beaucoup plus concentrés géographiquement : KazAtomProm ne produit qu'au Kazakhstan et de grands concurrents comme Rio Tinto ne le font en général que dans deux pays.
Nous procédons également à des achats sur le marché. Nous avons ainsi acquis, à la suite de l'arrêt des centrales du pays, des stocks détenus par les consommateurs japonais et nous avons commercialisé, à des fins évidemment pacifiques, une partie de l'uranium hautement enrichi mis sur le marché au terme d'un programme de démantèlement des armes russes et américaines, soit 2 600 tonnes.
La diversification n'est cependant pas encore arrivée à son terme et nous avons engagé deux projets en vue de la poursuivre.
Le premier est celui de la mine de Cigar Lake, au Canada, que nous exploitons en partenariat avec l'un de nos concurrents – car, comme c'est le cas dans l'industrie pétrolière, la taille des projets pousse souvent les producteurs à s'associer – et où la production débutera en 2014. Cette mine présente des teneurs en uranium très élevées et son exploitation sera totalement automatisée. Les premiers indices géologiques révélateurs de ce gisement ont été découverts alors que je faisais mes premiers pas dans une mine d'uranium, au Gabon, en 1982 : ces trente années sont un délai particulièrement long, mais il n'est pas rare qu'il s'écoule une quinzaine d'années entre la découverte des premiers indices d'un gisement et sa mise en exploitation.
Le deuxième projet important sur lequel nous travaillons est celui de la mine d'Imouraren, au Niger, qui pourrait produire jusqu'à 5 000 tonnes par an. Afin d'éviter le risque de déséquilibre que pourrait avoir la mise immédiate sur le marché d'une telle quantité d'uranium, nous réfléchissons au moment qui serait le plus opportun pour le lancement de cette production.
Nous poursuivons en outre nos activités de développement et d'exploration. Au Canada, la loi qui interdisait à un opérateur étranger de posséder plus de 49 % d'un gisement minier et imposait donc systématiquement le recours à un opérateur canadien a été abrogée à la suite des négociations qui ont eu lieu avec l'Union européenne. Nous pourrons ainsi intensifier nos activités dans ce pays.
En Mongolie, après de nombreuses années d'efforts, nous avons constitué en octobre 2013, à la suite de la visite du ministre des affaires étrangères, une joint venture avec la société nationale pour commencer à développer des gisements qui entreront en production d'ici une dizaine d'années.
En Namibie, un projet achevé à 80 % a été mis sous cocon car nous pensons qu'il n'aurait pas de débouchés sur le marché.
Les explorations se poursuivent d'autre part au Gabon et au Canada, pour certaines en partenariat avec le groupe japonais Mitsubishi.
Nos réserves représentent actuellement 28 années de production, l'objectif étant de disposer toujours de réserves supérieures à vingt années de nos besoins. Mais l'activité d'exploration et de développement est également nécessaire pour maintenir la compétence des géologues et notre capacité à traiter les minerais afin d'en extraire l'uranium.
Partout où nous travaillons, nous adoptons une logique de long terme, ce qui suppose une attention particulière à la sécurité, à l'environnement et à la bonne insertion dans l'économie locale.
En matière de sécurité, nous appliquons partout la même norme, indépendamment des réglementations nationales, parfois moins exigeantes : nos personnels doivent recevoir moins de 18 millisieverts par an et font l'objet d'un contrôle individuel, effectué par des organismes indépendants. Au Niger, nos employés et sous-traitants ont reçu moins de 3 millisieverts, la dose maximale enregistrée par une personne étant de 16 millisieverts.
Nous sommes également très attentifs à la sécurité des activités minières souterraines ou à ciel ouvert. Le taux de fréquence des accidents est de 1,08, soit 24 fois moins que la moyenne de l'industrie française, toutes activités confondues.
En ce qui concerne l'environnement, nous développons dans tous les pays où nous sommes présents, notamment au Niger, des systèmes de surveillance constante de l'eau, de l'air, des sols et de la chaîne alimentaire et respectons la limite fixée de 1 millisievert par an de dose ajoutée pour le public, qui correspond à peu près au rayonnement naturel.
Sachant que notre présence dans ces pays est durable, nous veillons à assurer un développement de nos activités en harmonie avec l'environnement économique et social national. Au Niger, par exemple, nous avons construit des hôpitaux, que nous faisons fonctionner et dont l'accès est gratuit pour la population d'Arlit, les employés d'AREVA ne représentant que 30 % des consultants. Nous menons également de nombreuses actions dans les domaines de l'éducation et du développement économique, par exemple un programme d'irrigation lancé avec le gouvernement dans le nord du pays. Bien entendu, plus nous sommes avancés dans les projets miniers, plus ces partenariats économiques font l'objet de discussions avec les gouvernements locaux.
J'en viens à l'amont, c'est-à-dire aux trois étapes de la fabrication du combustible. La conversion est réalisée en France, à Malvési et au Tricastin. À Malvési, nous avons investi plusieurs centaines de millions d'euros, dans le cadre du projet Comurhex 2, pour renouveler nos installations et les rendre capables d'assurer dans la durée la sécurité de l'approvisionnement et de l'environnement. Au Tricastin aussi, nous avons investi plusieurs millions d'euros pour construire une nouvelle usine d'enrichissement, beaucoup moins énergivore, dénommée Georges-Besse II, qui utilise des technologies de centrifugation. Nous avons déjà atteint 75 % de la capacité d'enrichissement que nous visions. Quant à l'assemblage du combustible, il est principalement réalisé à l'usine de Romans, qui couvre la quasi-totalité des besoins d'EDF. À la différence de nos concurrents, nous assurons la mise en oeuvre du zirconium et des châssis d'assemblage d'une manière parfaitement intégrée entre différentes usines situées sur le territoire français.
La relation avec EDF est bien évidemment essentielle mais, comme pour l'ensemble de nos activités, notre objectif est d'être présents dans le monde entier auprès des électriciens nucléaires. Avec 25 % du chiffre d'affaires d'AREVA, EDF en est aujourd'hui le premier client, mais non le seul, les 75 % restants étant réalisés sur le marché international.