Intervention de Rudy Salles

Séance en hémicycle du 12 juin 2014 à 9h30
Maintien d'une administration et de politiques publiques dédiées aux français rapatriés d'outre-mer — Discussion d'une proposition de résolution

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de résolution présentée par notre collègue Élie Aboud vise au maintien d’une administration et de politiques publiques dédiées aux Français rapatriés d’outre-mer pour prendre en compte leurs ultimes et légitimes attentes. Chacun d’entre nous mesure combien les liens entre les Français de la métropole et les Français rapatriés d’outre-mer, et singulièrement ceux d’Algérie, sont étroits. Ce sont des liens historiques, mais aussi humains, qui unissent la France et l’Algérie, deux nations qui auront traversé des périodes troubles et difficiles, et dont nous cherchons aujourd’hui, notamment à travers cette proposition de résolution, à réparer les conséquences. La décolonisation, les changements profonds qui se sont accomplis dans les pays autrefois placés sous l’autorité de la France, ont fait du rapatriement un phénomène majeur de notre pays.

Entre 1956 et 1961, 498 000 rapatriés ont rejoint la France. Ils venaient essentiellement d’Afrique du Nord et d’Indochine. Pour les seules années 1962 et 1963, ce sont 772 600 Français d’Algérie qui ont regagné la France. Au total, et sur une courte période, le rapatriement aura donc concerné près de 1,5 million de personnes, contraintes de retourner en France après avoir vécu, pour certaines d’entre elles, de véritables tragédies. Ces chiffres soulignent la place particulière qu’occupent en France les rapatriés d’Afrique du Nord, et particulièrement les rapatriés d’Algérie. Aujourd’hui encore, la communauté française en Algérie est très présente, puisque les Français étaient 28 900 au 31 décembre 2012. De même, plus d’un demi-million d’Algériens étaient titulaires d’un permis de séjour français au 31 décembre 2011.

Derrière ces chiffres, il y a surtout la souffrance de certains rapatriés, notamment des harkis, qui, en proie au déracinement, se sont séparés dans des conditions dramatiques des terres qui les ont vus naître et n’ont pas toujours trouvé la réparation des conséquences de leur engagement pour la France. Outre l’importance de ces liens humains, la France et l’Algérie sont unies par des enjeux économiques : la France demeure le premier fournisseur et le quatrième client de l’Algérie. Ces liens doivent être préservés car, ainsi que l’indique l’exposé des motifs de la proposition de résolution, un axe Paris-Alger peut être, au même titre que l’axe Paris-Berlin pour l’Europe, le moteur de « l’édification d’un espace méditerranéen de prospérité partagée, de paix, de sécurité et de démocratie ».

Entre le monde asiatique et le monde américain, il y a de la place pour un monde méditerranéen, à la convergence de toutes les cultures, de toutes les religions et de toutes les origines, un monde méditerranéen qui regarde à la fois vers l’Europe et vers l’Afrique. L’avenir de la France se trouve aussi en Méditerranée. C’est la raison pour laquelle nous devons nous tourner résolument vers ce pays et renforcer nos liens avec lui, par la mise en oeuvre de partenariats novateurs. Ces liens économiques n’en seront que renforcés s’ils s’accompagnent de liens humains solides entre nos deux peuples, libres des tensions et des malaises provoqués par l’histoire.

Ce nécessaire apaisement passe notamment par la reconnaissance de notre histoire mutuelle et de ses conséquences. Il est toujours délicat pour une nation de se tourner vers son passé, en particulier lorsque cela fait ressurgir des moments douloureux de son histoire. Mais l’histoire doit aussi servir à construire un avenir meilleur pour les générations futures. La France a déjà entrepris un important travail de reconnaissance. Tel était notamment l’une des ambitions de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. Cette loi avait deux objectifs principaux. Un objectif moral, tout d’abord : « témoigner aux Français rapatriés la reconnaissance de la nation ». Un objectif matériel, ensuite : « corriger des situations inéquitables nées de la succession des différentes lois d’indemnisation en faveur des rapatriés et prolonger l’effort de solidarité en faveur des harkis ».

En juin 2013, un rapport gouvernemental a été remis au Parlement afin d’éclairer les parlementaires sur l’application de cette loi. Au moment de sa publication, mon collègue Charles de Courson, avait eu l’occasion d’attirer l’attention du ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, sur les insuffisances de ce rapport, ainsi que sur « le climat d’incompréhension et d’inquiétude qu’[il avait] suscité au sein de la population des familles de harkis ». Ce sont précisément cette incompréhension et cette inquiétude que la présente proposition de résolution tente de dissiper, dans un esprit d’apaisement.

Selon l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer, les mesures successives de solidarité nationale n’ont compensé, en moyenne, que 58 % des préjudices subis. La proposition de résolution entend donc remédier aux manquements des précédentes mesures. Cette réparation est nécessaire si nous voulons, cinquante-deux ans après la guerre d’Algérie, clôturer de manière apaisée le dossier de l’indemnisation, afin de donner un nouveau souffle aux relations franco-algériennes. En outre, la fermeture du dossier de l’indemnisation et la reconnaissance pleine et entière des Français rapatriés aideront également à une meilleure intégration des descendants d’immigrés dans la France actuelle, et c’est peut-être le point le plus important, car il concerne tant le présent que l’avenir. Or cette intégration pleine et entière ne sera jamais achevée si ces Français de naissance continuent d’alimenter un certain ressentiment à l’égard de l’État.

La proposition de résolution présentée s’inscrit ainsi dans une double perspective de reconnaissance et d’aide sociale. D’abord, en proposant la création d’un collège ou d’un sous-collège représentant les Français rapatriés d’outre-mer au sein du futur Office national des anciens combattants, des victimes de guerre et des Français rapatriés d’outre-mer. Ensuite, en appelant à poursuivre l’action sociale destinée aux harkis et à l’étendre aux réinstallés dans une profession non salariée en situation de détresse sociale. Ce texte prend également en compte les enfants d’anciens supplétifs en affirmant la nécessité pour l’État de continuer à agir avec détermination et, tant que cela sera nécessaire, en faveur de ceux des enfants d’anciens supplétifs qui sont encore à la recherche d’un emploi stable ou d’une formation.

Il est légitime que ces combattants des anciennes colonies françaises et leurs enfants, longtemps relégués au rang de victimes oubliées de l’histoire, puissent obtenir la reconnaissance qu’ils sont en droit d’attendre. Nous saluons également la volonté affichée par le texte de faciliter les recherches sur les personnes d’origine européenne disparues en Algérie, surtout en 1962, et présumées décédées. En définitive, cette proposition de résolution ne fait que renforcer la reconnaissance de la nation à l’endroit des Français rapatriés d’outre-mer. Cette reconnaissance de la nation doit être à jamais gravée dans notre mémoire collective.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, les députés du groupe UDI voteront cette résolution sans réserve.

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