Intervention de Jean-Jacques Candelier

Séance en hémicycle du 12 juin 2014 à 9h30
Maintien d'une administration et de politiques publiques dédiées aux français rapatriés d'outre-mer — Discussion d'une proposition de résolution

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

J’ai bien compris que le but était de flatter certains milieux, mais cela n’a rien à voir avec la satisfaction de l’intérêt général.

S’agissant du dispositif des emplois réservés pour les enfants d’anciens supplétifs qui sont encore à la recherche d’un emploi stable ou d’une formation, personne ne songe à le remettre en cause. Il est donc inutile d’agiter des peurs à ce sujet.

Je passe sur des points qui me paraissent secondaires. Le plus important me paraît la provocation qui consisterait à affirmer qu’il reviendrait aujourd’hui à l’Algérie de rembourser les biens perdus par les rapatriés. L’Algérie est la victime de la colonisation. Elle a payé un lourd tribut. Rappelons aussi les 300 000 à 400 000 morts algériens, en très grande partie des civils. Près de 30 000 soldats français ont payé de leur vie cette guerre absurde. La France s’est servie économiquement et financièrement sur la bête pendant la colonisation, monsieur Aboud.

Aujourd’hui, il faut rejeter catégoriquement les provocations et tentatives de division des Français, et prôner l’amitié entre les peuples. Cette proposition, tout au contraire, fleure bon l’impérialisme. Comment ne pas voir la résurgence du colonialisme économique dans la mise en avant d’un axe Paris-Alger et, aux termes de l’exposé des motifs, de « partenariats novateurs avec le sud de la Méditerranée » ?

Nous proposons une toute autre perspective sociale et économique, qui s’appuie sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et le juste partage des richesses en faveur du monde du travail. Il faut regarder lucidement le passé colonial, mais aussi toutes les nouvelles formes de colonialisme et de négationnisme qui oppriment encore de nos jours ou pervertissent les esprits : soutien à des dictatures, poursuite du pillage des richesses naturelles des anciennes colonies, engagement de nos soldats dans de lointains conflits, réhabilitation de l’OAS par une frange dure de la droite. Il faut instaurer une compréhension et un respect mutuels entre les deux rives de la Méditerranée.

« Un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre », disait Karl Marx. Parce qu’il n’aspire qu’au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le vrai patriotisme s’oppose au colonialisme, au capitalisme, à l’impérialisme, ainsi qu’à leurs instruments idéologiques, les défouloirs du racisme et de la xénophobie.

Nous profitons de l’occasion pour souhaiter que notre proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de la République française dans le massacre du 17 octobre 1961, jour où plusieurs centaines de travailleurs algériens manifestant pacifiquement furent froidement tués, soit inscrite à l’ordre du jour et votée.

Nous profitons également de ce débat pour honorer la mémoire de Maurice Audin, assassiné comme des milliers d’autres. Dans la nuit du 10 au 11 juin 1957, le jeune militant communiste Maurice Audin était kidnappé par des parachutistes à son domicile situé à Alger. Il fut emmené puis torturé pendant dix jours au centre de tri et de transit d’El Biar. Le 21 juin, il fut froidement assassiné à coups de poignard par l’aide de camp de Massu, le sous-lieutenant Gérard Garcet.

Maurice Audin était brillant. Il avait 25 ans et était père de trois enfants, enseignant-chercheur en mathématiques à la faculté d’Alger. Son combat pour la liberté d’un peuple était la première phase pour abolir les discriminations raciales et religieuses, mais aussi pour supprimer l’exploitation et la domination entretenues depuis environ un siècle par l’armée coloniale française. Comme ce fut le sort de milliers d’autres patriotes enlevés en 1957 et torturés à mort par l’armée durant la bataille d’Alger, le corps de Maurice Audin n’a jamais été retrouvé. Cela ne me fait pas rire, monsieur Aboud.

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