Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 12 juin 2014 à 9h30
Maintien d'une administration et de politiques publiques dédiées aux français rapatriés d'outre-mer — Discussion d'une proposition de résolution

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, notre assemblée examine aujourd’hui la proposition de résolution de notre collègue Élie Aboud visant au maintien d’une administration et de politiques publiques dédiées aux Français rapatriés d’outre-mer. Plus de cinquante ans après l’indépendance de l’Algérie, la France et l’Algérie ont renoué le dialogue en établissant à nouveau des relations privilégiées.

Le hasard du calendrier fait que cet examen survient au lendemain d’une visite officielle de deux jours du chef de la diplomatie française à Alger. À cette occasion, le ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, a réaffirmé la volonté de la France de demeurer le principal partenaire économique de l’Algérie, poursuivant ainsi le renouveau des relations franco-algériennes amorcé ces dernières années par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.

À ce titre, l’effort mené pour renforcer le partenariat entre la France et l’Algérie doit être salué. En effet, l’Algérie est aujourd’hui un partenaire essentiel, en particulier dans le cadre du conflit au Mali et dans la lutte contre le terrorisme. Au-delà de ces relations, la France et l’Algérie ont tissé des liens étroits à travers leur histoire commune – qui a certes pu laisser des marques douloureuses au sein des deux peuples.

Aussi, aujourd’hui, malgré un contexte diplomatique renouvelé entre la France et l’Algérie, certaines tensions demeurent. De ce fait, beaucoup reste à faire pour panser les blessures de l’indépendance, notamment en matière de reconnaissance des rapatriés et, surtout, des droits des supplétifs de l’armée française. La proposition de résolution d’Élie Aboud, impliqué depuis des années sur ce sujet, est là pour nous le rappeler.

En effet, lors de la décolonisation, des centaines de milliers de personnes ont été contraintes de revenir en France dans la précipitation. En à peine deux ans, on a pu assister à un retour en masse de la très grande majorité des Français d’Algérie : 772 600 Français d’Algérie sont revenus en France entre 1962 et 1963, ce qui laisse deviner l’ampleur des moyens mobilisés pour assurer l’accueil de ces familles, pas toujours dans des conditions acceptables.

Par ailleurs, à défaut d’une « indemnisation équitable » prévue par les accords d’Évian, des mesures structurelles et des dispositifs particuliers ont été mis en place au nom de la solidarité nationale pour les Français rapatriés. D’autres mesures ont été adoptées pour les harkis – ces hommes qui ont combattu à nos côtés – ainsi que pour leurs familles.

Au-delà, de ces réparations matérielles, les Français rapatriés ont également obtenu une reconnaissance morale de la nation par la loi du 23 février 2005. Cependant, malgré l’intervention du législateur, les rapatriés se sentent souvent mal compris d’autant plus que la guerre d’Algérie a laissé des tensions dressant contre eux certains de leurs concitoyens métropolitains. Cette amertume a d’ailleurs été doublement attisée : tout d’abord, par le retard de la mise en oeuvre des mesures indemnitaires, notamment celles concernant les biens spoliés – un retard qui, soit dit en passant, est le résultat des controverses toujours d’actualité sur la légitimité de la colonisation française –, mais aussi par le désarroi des harkis et de leurs familles, accueillis en France de manière expéditive dans un climat – soyons honnêtes – peu fraternel.

Près de cinquante ans après l’indépendance de l’Algérie, perdure donc une certaine animosité. C’est pourquoi il est nécessaire, encore aujourd’hui, de calmer les esprits. Hélas, même si je sais votre implication personnelle sur le sujet, monsieur le secrétaire d’État, pour le Gouvernement, les rapatriés comme le monde des anciens combattants ne semblent pas une priorité. Alors que nous célébrons le centenaire de la Grande Guerre, nous, regrettons avec mes collègues du groupe UMP, le peu d’intérêt que représentent pour le Gouvernement, au-delà des cérémonies de commémoration, nos anciens combattants.

J’en veux pour preuve les dispositions adoptées ces derniers mois à leur égard : dans la loi de finances pour 2014, le Gouvernement a procédé à des coupes importantes dans le budget consacré à la « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », qui concerne directement le droit à réparation prévu pour les anciens combattants et les victimes de guerre.

Ainsi, pour la deuxième année consécutive, le budget consacré aux anciens combattants est en rupture avec la dynamique enclenchée en 2007. En effet, le Gouvernement prend ici le contre-pied de l’ancienne majorité, qui, en dépit d’un contexte budgétaire difficile, s’était montrée désireuse d’apporter à ses anciens combattants toute la reconnaissance de la nation qu’ils méritent. À l’époque, conformément aux engagements pris par Nicolas Sarkozy, l’ancienne majorité avait conduit une action décisive pour remédier aux insuffisances héritées des années passées témoignant ainsi son attachement au monde des anciens combattants.

Aujourd’hui, ce gouvernement et la majorité n’ont cessé d’adresser à l’ensemble de nos anciens combattants des signes qui ressemblent à du mépris. En effet, conformément à une décision du comité interministériel pour la modernisation de l’État du 11 juillet 2013, la loi de finances pour 2014 a supprimé l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer, l’ANIFOM, faisant ainsi disparaître la référence aux rapatriés français d’outre-mer de toute dénomination ministérielle ou administrative. Alors que les rapatriés attendent soutien et reconnaissance de la part de l’État, cette suppression est profondément maladroite.

Monsieur le secrétaire d’État, les rapatriés français d’outre-mer et leurs enfants ont aujourd’hui besoin avant tout de la reconnaissance de la nation. Le renouveau des rapports franco-algériens ne pourra se réaliser pleinement que dans un climat apaisé. En ce sens, le maintien d’une administration et de politiques publiques dédiées aux Français rapatriés d’outre-mer se justifie. Il s’agit de prouver réellement notre reconnaissance aux Français rapatriés d’outre-mer. C’est pourquoi le groupe UMP soutient pleinement l’excellente initiative d’Élie Aboud et votera en faveur de cette proposition de résolution.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion