Intervention de Frédéric Lefebvre

Réunion du 3 juin 2014 à 16h30
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Lefebvre :

L'intitulé de notre commission d'enquête me paraît, comme à vous, particulièrement mal choisi. Dans notre pays, on a, hélas, une vision culpabilisante de la mobilité étudiante mais aussi professionnelle alors que, dans le contexte de la mondialisation, ce serait un atout pour les jeunes Français que de travailler quelques années à l'étranger, après y avoir étudié par exemple. Ils l'ont bien compris d'ailleurs. Lorsqu'on interroge les étudiants français à l'étranger, ils expliquent qu'ils sont partis, non pas pour fuir la France, comme on l'entend parfois dire, mais parce qu'ils sont conscients que leur avenir est à l'échelle du monde et qu'il leur faut cumuler les expériences. Nos ingénieurs ont très bien compris le profit qu'ils pouvaient retirer de leur profil très généraliste, notamment par rapport aux ingénieux américains.

Qu'il existe deux agences me paraît, comme à vous, une aberration. Je ne comprends pas que la France n'investisse pas davantage sur la mobilité et que, comme les autres pays, elle ne resserre pas et ne restructure pas dans cette perspective l'ensemble des acteurs concernés et ne leur assigne pas d'objectifs précis, qui seraient bénéfiques pour tous.

Les étudiants étrangers venus étudier en France en deviennent ensuite les meilleurs ambassadeurs. Mais il est un pays qui ne mesure ni son devoir de réussir dans la mondialisation ni la chance qu'elle a de pouvoir y réussir : c'est la France. Une étude de chercheurs américains, publiée dans le magazine Forbes, indique qu'à l'horizon 2050, on comptera 750 millions de locuteurs français dans le monde, ce qui fera du français la première langue du monde devant l'anglais et le mandarin. Aujourd'hui, on bloque les programmes des chaînes de télévision françaises à l'étranger pour les Français alors même que Al-Jazira crée une chaîne en français, que la Corée et la Chine font de même, qu'aux États-Unis et au Canada, les entreprises, notamment du secteur de l'énergie, ont parfaitement compris que l'avenir, c'était l'Afrique et du coup, demandent à leurs cadres d'apprendre le français et la culture française ! Il y a bel et bien une croissance économique mondiale portée par le français et la Francophonie. Le seul pays à ne pas s'en rendre compte, c'est la France. On coupe nos investissements en matière d'éducation pour les Français à l'étranger – on commet de lourdes erreurs avec le système des bourses, on limite les détachements d'enseignants… On sape un investissement d'avenir au moment même où le monde « calcule français ».

Je tiens à profiter de cette commission d'enquête pour adresser ce message. Si la France a une réforme à faire, qu'elle se réorganise pour investir dans la mondialisation, dans la jeunesse qui croit à la mondialisation, pour être plus accueillante… Les initiatives françaises en matière de MOOC (massive open online course) rencontrent un énorme succès dans le monde entier, comme je le constate dans ma circonscription. Le programme d'enseignement mis en ligne par Sciences Po « fait un tabac ». Arrêtons de nous culpabiliser sans cesse ! Investissons dans le système !

Comment nos chercheurs pourraient-ils avoir envie de faire carrière en France où ils sont sous-payés ? Ils partent aux États-Unis, bien qu'ils regrettent le système français. Ils aimeraient pouvoir continuer de travailler en France, mais ils partent parce qu'on leur offre là-bas des conditions matérielles incomparablement meilleures.

La question qu'il faudrait se poser est de savoir si la France investit assez dans la mobilité, pas si les Français fuient la France.

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