Intervention de Pascal Cherki

Réunion du 11 juin 2014 à 10h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Cherki :

J'ai été très surpris par la décision du Conseil constitutionnel sur la notion d'abus de droit car son interprétation juridique me paraît extrêmement discutable. De même, l'argumentation que défend Charles de Courson relève du sophisme : selon lui, la substitution de « principalement » à « exclusivement » risquerait de déposséder la souveraineté nationale en remettant l'appréciation de la notion d'abus de droit exclusivement entre les mains de l'administration fiscale parce que le terme serait trop imprécis. Mais ce raisonnement est fondamentalement contraire à notre tradition juridique : en temps normal, lorsqu'il existe un désaccord avec une décision prise par l'administration fiscale, le contribuable a toujours la possibilité de contester la décision devant un tribunal. Aussi, ce n'est pas l'administration mais le juge qui rend le droit.

Cette flexibilité qui avait été introduite par amendement dans le droit n'était donc pas incompatible avec la modernisation et l'évolution de ce même droit ; elle n'empêchait pas le juge de trancher un conflit entre l'administration et le contribuable. De même, les critères de détermination du service public résultent d'une construction prétorienne où le juge recourt à un faisceau d'indices afin de déterminer si une activité relève ou non du service public. Je ne comprends donc pas sur quelles bases juridiques cette nouvelle définition de l'abus de droit constituait une rupture par rapport à la tradition juridique française, dans la mesure où la notion « principalement » aurait été progressivement fixée par la jurisprudence. J'invite en conséquence nos collègues à déposer de nouveau cet amendement. En effet, le critère de l'exclusivité ne permet pas aujourd'hui de qualifier correctement la notion d'abus de droit. Le terme « exclusivement » est un mot creux, et la représentation nationale se ridiculise lorsqu'elle affirme un principe qui ne trouve pas d'application effective.

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