Intervention de Julien Roitman

Réunion du 22 mai 2014 à 9h00
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

Julien Roitman, président d'Ingénieurs et scientifiques de FranceIESF :

Nous n'avons pas d'escadrons d'ingénieurs prêts à s'enfuir à l'étranger. Nous avons appris aux jeunes à raisonner de manière très ouverte et globale : s'ils trouvent un emploi intéressant en France, ils l'acceptent ; s'ils trouvent mieux ailleurs, ils partent sans état d'âme. Les ingénieurs resteront ou reviendront dans notre pays si nous renforçons notre attractivité, si nous améliorons les conditions de travail et les possibilités d'entreprendre. Nous entendons beaucoup parler de fiscalité, mais c'est un aspect relativement marginal de leur choix.

Un million d'ingénieurs sortiraient chaque année des écoles de Chine et d'Inde. Or le terme d'ingénieur recouvre des niveaux d'études très différents. Il y a deux ans, à l'occasion du Prix de la Reine Elizabeth pour les sciences de l'ingénieur, j'ai rencontré l'ambassadeur de Grande-Bretagne. Il a loué l'excellent niveau des ingénieurs français, m'expliquant, afin d'établir une échelle de comparaison, que pour réparer la machine à laver, sa femme faisait appel à un ingénieur. Alors que la formation des ingénieurs dure trois ans, voire quatre, dans un certain nombre de pays, en France, nous considérons qu'elle doit être au minimum de cinq ans après le bac. C'est la raison pour laquelle le niveau des ingénieurs formés en Chine, par exemple, n'est pas comparable à celui des ingénieurs français.

Pour ce qui est de notre attractivité, il suffit de savoir, pour la mesurer, que les grandes entreprises internationales s'arrachent littéralement les ingénieurs français. Gardons-nous de trop attaquer nos écoles d'ingénieurs et nos grandes écoles en les considérant comme des bastions de privilégiés ; elles sont l'un des actifs les plus importants et les plus enviés de la France.

Les patrons des groupes étrangers s'intéressent aux ingénieurs français pour deux raisons principales qui tiennent à notre système original de formation. D'abord, nos ingénieurs sont formés dans des écoles spécifiques, alors qu'ailleurs ils le sont à l'université. Ces écoles sont accréditées par la Commission des titres d'ingénieurs – CTI –, qui a été créée par décret en 1934, et qui autorise les établissements à délivrer le diplôme d'ingénieur en vérifiant la durée de la scolarité et l'immersion au sein d'une entreprise. L'élève ingénieur français a une proximité pratiquement consanguine avec l'entreprise, ce qui le rend très rapidement opérationnel. Ce n'est pas le cas des ingénieurs formés dans les autres pays du monde.

Ensuite, les chefs d'entreprises étrangers retiennent comme autre caractéristique française le fait que nos écoles d'ingénieurs, même les plus spécialisées, dispensent un enseignement extrêmement généraliste : les deux années de classe préparatoire sont consacrées à la méthodologie, les deux premières années d'école à l'acquisition d'une très large culture et la troisième année à la spécialisation. Ainsi, un ingénieur électronicien français qui arrive en Chine ou en Afrique est très rapidement capable de conduire une équipe de génie civil si besoin est. C'est pourquoi nos ingénieurs n'ont aucun mal à se placer à l'international. On vient même les chercher.

Dans les choix qu'ils peuvent faire à l'international, les étudiants et les professeurs étrangers, s'ils trouvent certains attraits à notre pays, se heurtent à la barrière de la langue. L'écrasante majorité des enseignants dispense ses cours en anglais. Aujourd'hui, c'est une possibilité offerte par certaines universités et écoles françaises pour certains enseignements. C'est là un moyen de faire progresser notre attractivité plus efficace que de s'en tenir à un enseignement rigoureusement franco-français. Cela dit, je suis épaté par la capacité des Chinois à assimiler rapidement notre langue.

Pour ce qui est de l'animation du réseau et de la mise en oeuvre des bonnes pratiques, nous avons surtout besoin de directives et de la volonté de les appliquer. Je ne connais pas bien le personnel des ambassades françaises, mais il est certainement assez nombreux et compétent pour entraîner la communauté française locale dans une dynamique.

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