Il semble que les ingénieurs qui partent à l'international soient attirés par la perspective de trouver plus de disponibilité, une liberté plus grande, moins de contraintes administratives, et probablement des responsabilités beaucoup plus importantes.
S'agissant des frais de scolarité, j'avance sur un terrain miné car ce sujet est vraiment du domaine des directeurs d'écoles. Il est évident que la France n'a pas vocation à financer les études supérieures des élèves d'autres pays. Il n'y aurait rien de choquant à leur appliquer des tarifs plus élevés, de façon intelligente, en élevant les frais de scolarité pour tous, quitte à mettre en place un système de bourse pour les étudiants nationaux qui en auraient besoin. Les ordres de grandeur en ce domaine sont toutefois très différents : alors que les écoles de commerce privées coûtent près de 18 000 euros par an, Supélec est à 1 800 euros, tandis que les frais de scolarité à l'université sont de 200 euros. Laisser la possibilité aux écoles d'ingénieurs de percevoir 300 euros supplémentaires en frais de scolarité leur permettrait de sortir la tête de l'eau.
Certains secteurs économiques attirent plus volontiers les ingénieurs à l'international. Les industries extractives, qui ont des activités dans les mines ou la recherche pétrolière, emploient un ingénieur sur deux travaillant à l'international, les industries chimiques, un ingénieur sur cinq. Dans ces deux secteurs, il s'agit le plus souvent d'affectations à l'initiative de l'entreprise. Les banques, assurances et institutions financières, emploient un ingénieur sur quatre, et les industries pharmaceutiques, un ingénieur sur trois. Dans ces deux derniers cas, ce sont souvent les ingénieurs eux-mêmes qui ont démissionné pour accepter une proposition plus intéressante à l'international.
S'agissant de la prise en charge du réseau par le quai d'Orsay, il revient à Mme Pellerin de montrer tout ce qu'il est possible de faire.
Un certain nombre d'étudiants africains formés en France sont, en effet, sollicités par le Canada. Si nous voulons des personnes de qualité, il faut leur dire que nous sommes intéressés par leur candidature et leur proposer de venir dans notre pays. Je ne suis pas sûr que nous ayons cette démarche vis-à-vis des grands réservoirs d'étudiants et de professeurs du monde. Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche devrait mettre en place un programme en ce sens, en plus des traditionnels programmes d'échanges.
Je suis un fervent défenseur de notre langue, et je n'ai pas préconisé un complet basculement vers l'anglais. Pour autant, proposer certains cours en anglais est un élément de notre attractivité, d'autant qu'il est désormais acquis que la formation de base doit permettre à un jeune de lire, écrire, compter, utiliser un ordinateur et parler anglais.
Parmi les bonnes pratiques dont nous pourrions nous inspirer, je pense à l'année préparatoire mise en place en Israël. Les étrangers qui arrivent dans le pays et qui ne parlent pas l'hébreu passent six mois à un an dans une classe préparatoire pour apprendre la langue. Nous n'avons rien d'équivalent en France. Il serait intéressant de créer un organisme qui serait chargé d'enseigner notre langue de manière accélérée.
Les salaires versés aux ingénieurs qui travaillent à l'étranger sont supérieurs de 50 % à ceux qu'ils toucheraient en France. Dans l'hexagone, le salaire médian est de l'ordre de 52 000 euros ; à l'international, il avoisine les 75 000 euros, pouvant aller jusqu'à 100 000 euros pour un ingénieur de plus de 40 ans. Je ne saurais dire s'il y a des variantes selon les filières.
Le terme de « diaspora » me semble, en effet, préférable à celui d' « exil ». Nous avons demandé aux ingénieurs travaillant à l'étranger s'ils avaient envie de revenir en France : 38 % ne l'envisagent pas – contre 33 % en 2005 –, 40 % ont la ferme intention de revenir à plus ou moins brève échéance, et 25 % ne savent pas.
Quant à la durée des affectations, elle est extrêmement variable puisqu'elle va de deux ou trois ans à vingt-cinq ans.
À propos de bataille des mots, des Américains nous disaient récemment qu'ils appréciaient les choses extraordinaires que nous faisions en France, mais qu'ils regrettaient l'absence dans notre langue d'un mot pour désigner l'entrepreneur. Sur le terme d'ingénieur, une réflexion est en cours au niveau de l'Europe. Les associations d'ingénieurs de chaque pays européen et la Fédération européenne d'associations nationales d'ingénieurs – FEANI – travaillent sur ces sujets avec la Commission européenne.
D'une manière générale, la tendance est en faveur du modèle français à bac + 5, y compris aux États-Unis où les études d'ingénieur ne durent que quatre ans. Je souligne, à cet égard, le rôle prépondérant de la Commission des titres d'ingénieurs. Cet organisme paritaire, qui fonctionne remarquablement bien, est considéré comme la meilleure pratique au niveau mondial. De nombreux pays, en Europe et dans le monde, copient notre modèle et les trente-deux membres de la commission sont souvent sollicités par les autres pays, en particulier les pays émergents, pour expliquer leur modèle.
Enfin, si les pouvoirs publics s'appuient sur les conseillers du commerce extérieur, c'est qu'il est plus simple d'identifier les chefs d'entreprise que les ingénieurs salariés. En tout cas, c'est une population, et sans doute pas la seule, qui représente un capital non négligeable.