Intervention de élisabeth Crépon

Réunion du 20 mai 2014 à 16h45
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

élisabeth Crépon, présidente de la Commission « développements et partenariat » de la CDEFI et de l'ENSTA Paris Tech :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, c'est un honneur pour la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs d'être entendue par cette commission d'enquête.

Mon propos liminaire sera axé sur la politique internationale des écoles d'ingénieurs, qui passe par l'internationalisation des formations, c'est-à-dire la formation des étudiants français à l'international et par l'accueil d'étudiants étrangers au sein des écoles françaises d'ingénieurs et dans les formations d'ingénieurs. Il s'achèvera par quelques données statistiques sur l'insertion des jeunes diplômés des écoles d'ingénieurs en France et à l'étranger.

L'international est un axe stratégique des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, et donc des écoles d'ingénieurs. Encouragés par l'État, ceux-ci développent une stratégie internationale qui se décide au plus haut niveau – organes de gouvernance ou conseil d'administration, s'agissant des écoles externes au ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche.

Il me semble important de préciser que la stratégie internationale des écoles d'ingénieurs françaises est un des éléments pris en compte par la Commission des titres d'ingénieur – CTI. Cette commission indépendante est en effet chargée d'évaluer les formations dispensées par ces écoles, et de donner son avis sur leur habilitation à délivrer le titre d'ingénieur.

La commission s'appuie sur des documents de référence, dont je tiens à vous citer l'extrait suivant : « La compétitivité à l'international des écoles, des formations qu'elles dispensent et du titre d'ingénieur qu'elles délivrent passe par leur internationalisation. Au sein des écoles françaises, cette politique doit se traduire par l'organisation de relations internationales structurées, la mobilité entrante et sortante des étudiants, notamment par les cursus bidiplômants, des enseignants, notamment par des années sabbatiques, et des personnels, la création de nouvelles formations ou de nouveaux établissements à l'étranger ».

Je voudrais par ailleurs insister sur la demande qu'ont les entreprises vis-à-vis des écoles d'ingénieurs : d'une part, préparer des ingénieurs français à travailler à l'international ; d'autre part, préparer des ingénieurs d'origine étrangère possédant une double culture – acquise dans leur pays d'origine et en France – à travailler, notamment, dans leurs implantations à l'étranger. Les liens entre les écoles d'ingénieurs et les entreprises sont d'ailleurs très étroits, les entreprises participant, par exemple, à la gouvernance des écoles d'ingénieurs, aux différents conseils et à l'enseignement.

Comment cette stratégie à l'international se décline-t-elle dans les écoles d'ingénieurs ? Je commencerai par la préparation des diplômés français à l'international.

D'abord, l'apprentissage des langues : la Commission des titres d'ingénieurs demande que tous les ingénieurs diplômés aient atteint un niveau minimum – B2, selon le référentiel adéquat. Elle porte un intérêt tout particulier à l'apprentissage de l'anglais et conseille l'apprentissage d'une deuxième, voire d'une troisième langue. La plupart des écoles encouragent fortement l'apprentissage d'une seconde langue.

Ensuite, la mobilité des étudiants : c'est une façon de préparer les élèves au contexte international. La commission et les écoles veillent à ce que les étudiants séjournent à l'étranger – séjour d'études ou stage – au cours de leur scolarité. En pratique, ce séjour est d'au moins trois mois.

Je dispose de quelques statistiques sur la durée de ces séjours à l'étranger. Elles sont issues de ce que l'on appelle les « données certifiées CTI », fournies par les écoles, et des enquêtes annuelles de la Conférence des grandes écoles – CGE.

Les données certifiées CTI montrent qu'au cours de leur formation, les étudiants effectuent, dans le cadre d'un échange académique, un séjour d'études à l'étranger d'une durée significative : un trimestre, pour un peu moins de 10 % d'entre eux ; un semestre, pour un plus de 50 % d'entre eux ; et plus d'un semestre, pour 32 % d'entre eux.

Par ailleurs, 35 % des élèves effectuent un stage de un à trois mois à l'étranger, 52 % un stage de trois à six mois, et 13 % un stage de plus de six mois. Les destinations les plus fréquentes sont l'Europe, dans 50 % des cas, l'Amérique du Nord et l'Asie, dans environ 15 % des cas chacune.

Enfin, pour permettre à leurs étudiants d'effectuer ces séjours à l'étranger, les écoles d'ingénieurs ont développé un certain nombre de programmes – programmes de coopération, programmes bilatéraux avec des partenaires étrangers. Elles sont encouragées par la CDEFI à créer des formations en double diplôme. Elles mettent au point des partenariats bilatéraux, participent à des réseaux internationaux et créent des formations conjointes. Elles développent des implantations à l'étranger, qui peuvent accueillir des étudiants français. Les entreprises peuvent entrer dans ces partenariats : partenariats directs entre les écoles d'ingénieurs et les entreprises, ou partenariats avec des établissements étrangers qui intègrent des entreprises.

J'ajoute que dans le cadre de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche promulguée en juillet dernier, les établissements sont en train de se structurer en communautés d'universités et établissements – COMUE –, qui peuvent être des lieux de développement de politiques internationales, ou de mise en cohérence de politiques internationales sur un même territoire.

Les établissements s'appuient également sur des programmes nationaux et internationaux. Il peut s'agir d'accords de reconnaissance mutuelle, signés entre conférences d'écoles, qui permettent le positionnement des diplômes entre deux pays ; je pense au programme Erasmus+, qui concerne les études ou les stages. Il peut s'agir de programmes conclus entre États ; je pense aux programmes FITEC, et notamment au programme BRAFITEC, signé avec le Brésil, qui comporte des volets de mobilité sortante ou entrante.

Après la formation à l'international des étudiants français, j'en viens à l'accueil des étudiants étrangers. Commençons par quelques chiffres, issus de l'enquête de la Conférence des grandes écoles, et portant sur la période 2006-2013. En 2013, il y avait 13,8 % d'étudiants étrangers dans les écoles françaises d'ingénieurs : 15,9 % dans les écoles publiques, et 8,5 % dans les écoles privées. Le nombre des étudiants étrangers progresse plus vite que l'effectif global des étudiants. En six ans, les effectifs globaux dans les écoles ont progressé de 23 % et l'effectif des étudiants étrangers a progressé de 40 %. 80 % de ces étudiants étrangers sont en formation diplômante : ils ont donc vocation à obtenir le diplôme de nos établissements.

La provenance géographique de ces étudiants est la suivante : l'Asie, avec une progression, en six ans, de 63 % ; l'Afrique, avec une progression de 34 % ; les Amériques, avec la progression la plus forte, soit plus de 110 % ; l'Europe, relativement stable, avec une petite progression de 6 %. Ces étudiants étant soumis à un certain nombre de contraintes administratives, des établissements ont mis en place à leur intention un dispositif d'accompagnement.

Je signalerai enfin que les classements nationaux intègrent systématiquement cette dimension « stratégie internationale », que ce soit en termes de mobilité sortante ou de mobilité entrante.

J'en viens maintenant à mon dernier point : l'insertion professionnelle des diplômés. Les écoles suivent l'insertion professionnelle de leurs diplômés – cela fait d'ailleurs partie des critères de la Commission des titres d'ingénieurs. La Conférence des grandes écoles, quant à elle, mène, à l'intention de ses adhérents, une enquête assez détaillée sur le sujet.

Il ressort des chiffres de l'association Ingénieurs et scientifiques de France – IESF – que la proportion des diplômés partant à l'étranger pour leur premier emploi est passée de 10 % en 2012 à 12 % en 2013. Je précise que 37 % des jeunes diplômés travaillent en Île-de-France, et le reste en province. Il faut savoir aussi que ces statistiques concernent les diplômés des établissements, et intègrent donc des étudiants étrangers, sans qu'il soit possible de distinguer les uns des autres. En revanche, nous savons que 9 % des étudiants qui ont répondu à l'enquête de l'IESF sont des étudiants étrangers. Cela signifie que la proportion d'étudiants français, diplômés ingénieurs, partant à l'étranger pour leur premier emploi est inférieure à 12 %. Les pays étrangers de destination sont d'abord la Suisse, avec un peu plus de 14 %, le Royaume Uni avec 13,6 %, l'Allemagne avec 13,4 %, puis les États-Unis, avec 8,2 %, etc.

Je dispose de statistiques, fournies par l'enquête de la Conférence des grandes écoles, sur la rémunération en France et à l'étranger pour le premier emploi. La rémunération moyenne est de 36 742 euros pour l'ensemble, contre 46 870 euros à l'étranger.

Si l'on fait le lien entre ces chiffres, on s'aperçoit que le nombre des étudiants français qui occupent un premier poste à l'étranger et le nombre d'étudiants étrangers que nous accueillons dans les écoles d'ingénieurs sont du même ordre de grandeur. Il y a seulement un peu plus d'étudiants étrangers qui rejoignent les écoles d'ingénieurs que d'étudiants français qui quittent la France pour un premier poste à l'étranger.

Enfin, un certain nombre d'écoles ont des réseaux structurés d'anciens à l'étranger, soit individuellement, soit collectivement (par zone géographique). C'est un élément important, un point d'appui pour leur politique internationale.

Cela m'amène à citer l'initiative prise par un groupe d'écoles d'ingénieurs, Paris Tech, qui a signé deux accords avec Ubifrance : l'un en Chine et un autre, à la fin de l'année 2013, au Brésil. Le second, passé entre Paris Tech Alumni, c'est-à-dire les anciens de Paris Tech et Ubifrance pour le Brésil, répond de façon innovante et sur mesure aux besoins des entreprises françaises, entreprises de taille intermédiaire et PME, en mettant à leur disposition, au travers d'Ubifrance Brésil, un réseau de 700 alumni brésiliens et français de Paris Tech, couvrant un large champ d'expertise. C'est une illustration de la contribution d'un réseau d'anciens au développement économiques d'entreprises françaises à l'étranger.

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