Intervention de élisabeth Crépon

Réunion du 20 mai 2014 à 16h45
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

élisabeth Crépon, présidente de la Commission « développements et partenariat » de la CDEFI et de l'ENSTA Paris Tech :

Ensuite, une partie des étudiants, en particulier dans le cadre des doubles diplômes, terminent leur scolarité à l'étranger. Là encore, il ne s'agit pas d'un départ subi. Cela existe probablement, mais, très sincèrement, nous n'avons aucun élément nous permettant de nous prononcer dans un sens ou dans un autre.

Maintenant, la proportion d'étudiants étrangers est effectivement de 14 %, en moyenne, dans les formations d'ingénieurs. Elle est en très forte progression – de 40 %. Cela reflète l'attractivité des formations d'ingénieurs, et la mise en oeuvre de cette stratégie internationale par nos écoles.

Je voudrais insister sur la visibilité et la reconnaissance, à l'étranger, de la formation d'ingénieurs à la française et du diplôme d'ingénieur. Dans un certain nombre de pays, cette formation à la française est considérée comme une référence. Il nous est d'ailleurs demandé, en tant qu'écoles d'ingénieurs françaises, de travailler en partenariat avec des établissements étrangers sur la création de structures de formation d'ingénieurs délocalisées à l'étranger. Notre système de formation a donc une visibilité réelle à l'international. La CDEFI travaille sur cette visibilité et cette attractivité.

Plusieurs facteurs contribuent à cette attractivité : le développement des programmes de doubles diplômes et de diplômes conjoints ; l'accueil des étudiants, sous une double approche : accueil administratif et dispositif mis en place par les établissements français (logement, accompagnement, éventuellement tutorat) pour faciliter l'insertion dans le milieu académique. Un certain nombre de politiques locales de sites ont été engagées. Les communautés d'universités et établissements, dont j'ai parlé tout à l'heure, constituent des lieux où plusieurs établissements peuvent partager leurs initiatives.

Vous m'avez interrogé sur la circulaire Guéant et les démarches administratives. Depuis deux ans, la situation s'est améliorée et les démarches administratives ont été simplifiées – même s'il y a encore à faire en ce sens. Un titre de séjour pluriannuel a été mis en place pour un certain nombre de formations, évitant à l'étudiant de renouveler tous les ans son titre de séjour. La durée de l'autorisation provisoire de séjour – APS –, qui permet à un étudiant étranger, après ses études, et notamment avec un diplôme bac +5, donc un diplôme d'ingénieur, de rester sur le territoire pour rechercher un travail, a été allongée. C'est un dispositif important pour l'insertion professionnelle des étudiants étrangers en France.

Le bilan qualitatif des séjours à l'étranger fait partie des éléments d'évaluation de la Commission des titres d'ingénieurs. Plusieurs outils sont à la disposition des établissements : la signature d'un contrat d'étude pour les étudiants en mobilité à l'international – qui se fait naturellement dans le cadre des programmes de doubles diplômes ou de programmes conjoints ; la vérification de la cohérence et de l'adéquation de la formation à l'étranger par rapport au cursus, et de la qualité de la formation suivie par l'étudiant. Lorsque cette mobilité internationale se déroule dans le cadre d'un partenariat, la convention qui l'accompagne est assortie d'un certain nombre de clauses – dont le suivi régulier des cohortes d'étudiants et des programmes mis en place.

Vous m'avez demandé si les établissements accompagnaient l'insertion professionnelle de leurs diplômés. Oui, et ils le font notamment à travers ce que j'appellerais un « bureau des carrières ». Les associations des anciens élèves, elles aussi, jouent souvent un rôle dans cette insertion. Avec leurs sections étrangères, elles sont très certainement un point d'appui pour les diplômés qui souhaitent démarrer leur carrière à l'étranger. Cela dit, il n'y a pas, à ma connaissance, de section spécifique dans les écoles d'ingénieurs pour accompagner les étudiants pour une prise de fonctions à l'étranger. Et j'insiste à nouveau sur le rôle du stage de fin d'études, qui est un des vecteurs vers l'insertion professionnelle.

Vous m'avez demandé également si je considérais qu'il y avait un exode des diplômés à haut potentiel vers l'étranger. Les statistiques dont nous disposons montrent une augmentation, mais pas une explosion des départs à l'étranger.

Je dispose de quelques statistiques complémentaires, que je peux vous communiquer. Je pense notamment à l'enquête d'IESF, qui concerne la part des emplois hors de France, en fonction de l'avancée dans la carrière. S'agissant des débutants, de 2008 à 2011, cette part était d'environ 15 % ; en 2012, elle a un peu augmenté, puisqu'elle était de 19 %. Jusque-là, la situation était assez stable. Il faudra regarder ces chiffres avec attention pour savoir si cette augmentation a un sens. Je voudrais insister sur un autre point, même si je n'ai pas les statistiques : une part de ces emplois à l'étranger peut concerner des filiales d'entreprises françaises basées à l'étranger. Dans ce cas-là, on ne peut pas parler d'exode des jeunes talents vers l'étranger.

Pourquoi les jeunes ingénieurs seraient-ils attirés par l'étranger ? Plusieurs raisons ont été évoquées : une meilleure rémunération, une autre culture de travail, la France qui leur déplairait.

Nous sensibilisons nos ingénieurs à la dimension multiculturelle. Cela fait partie de leur formation. J'entends souvent dire qu'ils ont envie de pratiquer une autre culture de travail. Dans cette optique, occuper un poste à l'étranger peut leur apparaître comme valorisable dans le cadre d'une carrière professionnelle ultérieure, à l'étranger ou en France. La découverte d'une autre culture de travail est probablement une raison importante, qui amènerait les jeunes ingénieurs diplômés à choisir de démarrer leur insertion professionnelle à l'étranger.

Seraient-ils attirés par la perspective d'une meilleure rémunération ? Nous n'avons pas d'informations précises à ce sujet.

La France leur déplairait-elle ? Comme je l'ai déjà dit, nous n'avons pas d'informations montrant qu'un pourcentage significatif d'élèves ingénieurs quitterait la France pour cette raison. Les ingénieurs français sont confrontés tout au long de leur formation à plusieurs séjours à l'étranger. Ils entendent également le discours des entreprises qui valorisent une expérience internationale et c'est plutôt dans cette perspective, selon moi, que les jeunes diplômés trouveraient un intérêt à occuper un premier poste à l'étranger.

Vous avez mentionné le fait que celui qui a envie d'innover le fait plus volontiers à l'étranger. Je tiens à signaler les dispositifs récents que nous sommes en train de mettre en place dans les écoles d'ingénieurs pour favoriser l'esprit d'entreprise et d'innovation, et pour accompagner les jeunes, dès leur formation, dans une dynamique de création d'entreprises. Je pense notamment aux labels du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche – par exemple, le label Pépites – qui reconnaissent des dispositifs de formation innovants portés par plusieurs établissements, en particulier dans les communautés d'universités et établissements.

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