Le programme de Stockholm, qui établissait les priorités de l'Union européenne dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité pour la période 2010-2014, arrivant à son terme, il reviendra au prochain Conseil européen, lors de sa réunion des 26 et 27 juin prochains, de définir les futures orientations stratégiques en la matière pour les années 2015 à 2019. La proposition de résolution européenne que j'ai déposée, le 28 mai dernier, au nom de la commission des Affaires européennes, doit nous permettre d'indiquer au Conseil européen notre souhait que les priorités du prochain programme pluriannuel soient ambitieuses et que le citoyen soit au coeur de cette stratégie.
Je dresserai d'abord un bilan succinct du programme de Stockholm, vous renvoyant pour un exposé plus détaillé au rapport d'information que j'ai consacré à ce sujet au nom de la commission des Affaires européennes. J'aborderai ensuite la question des priorités qui devraient figurer dans le prochain programme pluriannuel et qui sont l'objet de la proposition de résolution européenne qui vous est soumise. Les travaux en cours en vue de procéder à l'élaboration de ce nouveau programme de travail s'inscrivent dorénavant dans le cadre du traité de Lisbonne, qui fait du renforcement de cet espace l'un des objectifs fondamentaux de l'Union européenne. En effet, aux termes de l'article 68 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Le Conseil européen définit les orientations stratégiques de la programmation législative et opérationnelle dans l'espace de liberté, de sécurité et de justice.
Le programme de Stockholm était axé sur des priorités relativement larges : promotion de la citoyenneté et des droits fondamentaux, Europe du droit et de la justice, Europe qui protège, accès à l'Europe et rôle de celle-ci à l'heure de la mondialisation ; était également mise en avant la nécessité pour l'Europe de faire preuve de responsabilité et de solidarité et de travailler en partenariat en matière d'immigration et d'asile. L'étendue de ces priorités n'a pas dû faciliter leur mise en oeuvre concrète.
Certes, beaucoup de textes ont été adoptés depuis 2009, que ce soit en matière d'asile, d'immigration, de lutte contre la criminalité ou de coopération judiciaire civile et pénale. On notera ainsi l'adoption du paquet « Asile », le renforcement d'Eurojust et d'Europol ainsi que la consolidation des droits procéduraux, en particulier le droit à l'information et le droit d'accès à l'avocat en matière pénale.
Cependant, les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des ambitions initialement poursuivies par le programme de Stockholm et beaucoup de progrès restent encore à accomplir. Un rapport d'évaluation de la mise en oeuvre du programme de Stockholm de 2013, établi à l'initiative de la Commission « Libertés civiles, justice et affaires intérieures » (LIBE) du Parlement européen, a relevé que l'espace de liberté, de sécurité et de justice se caractérisait par de nombreux déséquilibres : entre liberté et sécurité, en raison du décalage entre les normes protectrices des individus ainsi que la pratique et du retard accumulé dans l'adoption des normes relatives à la protection des données personnelles ; entre justice et sécurité, l'adoption d'une stratégie de sécurité intérieure contrastant avec l'absence d'un réel espace judiciaire européen ; déséquilibres entre États membres enfin, l'espace de liberté, de sécurité et de justice se trouvant morcelé en raison du refus de prendre en considération la géopolitique dans le cas des États méditerranéens et de la volonté de certains pays de mettre en oeuvre les « opt-out ». Dans sa résolution du 2 avril 2014 sur l'examen à mi-parcours du programme de Stockholm, le Parlement européen a d'ailleurs rappelé que le droit de l'Union européenne devrait être appliqué de manière uniforme et que les dérogations et régimes spéciaux devraient être évités.
Il convient également de regretter l'absence, au-delà d'une approche souvent quantitative, d'une politique d'évaluation systématique des politiques menées pour renforcer l'espace de liberté, de sécurité et de justice. On peut aussi regretter que les études d'impact qui accompagnent les propositions d'actes soient parfois insuffisantes pour dresser un véritable état des lieux des dispositions existantes. Ces évaluations devraient par ailleurs tenir compte des expériences des citoyens.
Préparer l'après-Stockholm suppose donc de recentrer les priorités du prochain programme pluriannuel et de donner une nouvelle impulsion à l'édification d'un espace de liberté, de sécurité et de justice
Il ne fait aucun doute qu'un recentrage sur des priorités politiques claires est aujourd'hui souhaitable. Il s'agit de rendre ces orientations plus visibles. L'enjeu de l'édification d'un espace citoyen est aujourd'hui occulté par le grand nombre de mesures qui apparaissent parfois lointaines par rapport à des préoccupations plus immédiates mais qui contribuent réellement à l'existence d'un État de droit efficace pour tous. C'est pourquoi la proposition de résolution souligne dans ses deux premiers points, d'une part, l'intérêt majeur de la définition d'orientations stratégiques pour l'élaboration de l'espace de liberté, de sécurité et de justice et, d'autre part, la nécessité de recentrer ces orientations sur des priorités moins nombreuses et plus clairement définies qu'elles ne l'étaient dans le programme de Stockholm.
Dans un contexte de crise profonde, la promotion et la défense des droits qui sont au coeur de la construction européenne sont impératives. Dans cette perspective, le point n° 4 de la proposition de résolution européenne rappelle que l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques européennes en matière de liberté, de sécurité et de justice sont soumises au respect des droits fondamentaux tels qu'ils sont définis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
C'est d'ailleurs dans cette même perspective d'une meilleure protection des droits fondamentaux des citoyens européens que l'adhésion de l'Union européenne à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la CEDH, doit être rapidement finalisée et que les deux propositions de règlement et de directive en matière de protection des données à caractère personnel doivent faire l'objet d'une adoption simultanée au plus tard en 2015. Cette position est réaffirmée aux points n° 5 et n° 6 de la proposition de résolution.
Le point n° 7 insiste sur le fait que les politiques tendant à l'édification de l'espace de liberté, de sécurité et de justice doivent faire l'objet d'une meilleure articulation avec d'autres politiques sectorielles de l'Union, notamment la politique extérieure de l'Union, la politique de l'emploi, la protection des consommateurs, la politique de recherche ou celle des transports.
S'agissant de la politique migratoire, la proposition de résolution demande, dans son point n° 8, que la priorité soit donnée à la mise en oeuvre rapide et au suivi rigoureux des mesures législatives adoptées en matière de droit d'asile. Plus largement, elle salue l'édification d'un espace de libre circulation sans frontières intérieures, plus connu sous le nom d'espace Schengen. Si l'apport que l'immigration légale représente pour les sociétés européennes doit être rappelé, la nécessité d'une politique européenne régulatrice et plus ambitieuse en la matière doit être aussi mieux affirmée. Dans cette perspective, les huitième et neuvième points de la proposition de résolution européenne appellent à un renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l'Union et, dans le même temps, à une politique européenne régulatrice et plus ambitieuse en matière d'immigration légale.
Certaines mesures sortent du seul champ de la mobilité des personnes et touchent des sujets très divers : intégration volontariste garantissant les droits des migrants, question de la concurrence salariale au sein des pays de l'Union ou encore politiques de coopération avec les pays tiers connaissant une émigration économique.
S'agissant de la coopération judiciaire en matière pénale, les travaux en matière de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme doivent être poursuivis avec détermination et la coopération opérationnelle entre les services répressifs des États membres doit être renforcée, comme le précise le point n° 11 de la proposition de résolution.
De manière plus générale, il est impératif de renforcer la reconnaissance mutuelle en matière de coopération judiciaire et de développer les coopérations concrètes, l'échange de bonnes pratiques et les formations européennes des magistrats et des professionnels du droit. C'est ce à quoi appelle le point n° 12 de la proposition de résolution.
Les droits procéduraux doivent également faire l'objet d'une attention particulière. À cet égard, le point n° 13 fait de l'aboutissement des négociations relatives aux propositions de directive déposées en matière de droits procéduraux des suspects et des personnes poursuivies une priorité.
La coopération judiciaire en matière pénale doit également permettre à l'Union de porter des projets ambitieux au service d'une plus grande intégration européenne. Je vous rappelle à cet égard, mes chers collègues, le soutien constant de l'Assemblée nationale, en particulier de notre Commission, à la création d'un Parquet européen, dont le fonctionnement serait collégial et dont les compétences devraient être étendues à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière, comme le précise à bon droit le point n° 14 de la proposition de résolution.
Enfin, celle-ci souligne, dans son point n° 15, l'importance de la confiance mutuelle, de la clarification et de l'harmonisation des règles de conflits de lois pour faciliter la vie quotidienne des citoyens, saluant notamment les progrès récemment accomplis par la coopération judiciaire en matière civile, qu'il s'agisse du droit des régimes matrimoniaux ou du droit des successions.
En conclusion, si le bilan des mesures adoptées dans le cadre du programme de Stockholm est loin d'être négligeable, ce programme pluriannuel est souvent apparu comme un « catalogue » de mesures aux priorités excessivement larges. Le choix de ne pas concentrer les efforts sur des thématiques clairement définies a pu être source de déception. C'est pourquoi il est nécessaire de resserrer les objectifs du prochain programme pluriannuel sur les termes du traité. Des priorités transversales, telles que la transposition rapide des nombreux textes adoptés en application du précédent programme, une meilleure formation des acteurs ainsi qu'une coopération accrue doivent également être défendues.