Le président de la Commission s'est réjoui de l'existence de ce PLFR alors qu'il n'y en avait pas eu l'année dernière. Nous vous avions pourtant expliqué qu'un collectif budgétaire n'avait de raison d'être que si nous prenions des mesures fiscales en cours d'année – ce qui n'était alors pas notre intention. Pour réaliser des économies de dépenses, il suffit pour le Gouvernement de s'appliquer à lui-même un gel de ces dépenses. C'est ce que nous avons fait en 2012 pour 2 milliards d'euros quand nous sommes arrivés au pouvoir, puis en 2013. Or, cette année, nous avons décidé d'instaurer une mesure fiscale importante, dont je souligne qu'elle est rétroactive puisqu'elle s'appliquera aux revenus 2013.
Pour ce qui concerne le changement du nombre de foyers concernés, je précise au préalable que le Conseil d'État ne nous a « obligés » à rien : il nous a donné un avis – que du reste nous n'avons pas attendu pour ajuster le dispositif. Il a en effet fallu corriger un effet de seuil et c'est pourquoi nous avons prévu un lissage du bénéfice de l'allégement qui diminue progressivement pour les revenus situés entre 1,1 SMIC et 1,13 SMIC.
Les informations dont nous disposons, monsieur de Courson, sont fondées sur les revenus 2012, puisque les revenus 2013 viennent tout juste d'être déclarés. J'en profite au passage pour signaler que le nombre de télédéclarants a augmenté de plus d'un million cette année pour atteindre le chiffre de 14 500 000 foyers fiscaux. J'en reviens aux simulations auxquelles nous procédons à partir des données de 2012 et que nous « vieillissons » notamment en fonction de l'inflation et de l'évolution des salaires. En effet, certaines informations ne sont pas disponibles : les heures supplémentaires pour 2013 ne sont pas encore recensées, par exemple. Nous en sommes donc réduits à faire des estimations. En outre, le dispositif qui vous est présenté a commencé d'être élaboré il y a un ou deux mois.
J'ai beaucoup de respect pour le Haut Conseil des finances publiques et ses avis sont rédigés de manière précise. Ainsi considère-t-il que « la prévision de croissance du Gouvernement paraît élevée sans être hors d'atteinte ». Vous prenez le morceau de phrase qui vous intéresse et moi je prends l'autre... Fort de la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et des toutes récentes décisions de la Banque centrale européenne concernant la politique monétaire, le Gouvernement compte bien que, même si la prévision de croissance paraît élevée, elle ne sera pas hors d'atteinte.
Je reviens sur les réductions d'impôts. Il convient de faire le tri entre les différentes mesures qui, pour certaines populations, se superposent. Aussi convient-il de rester prudent. Insistons néanmoins sur le fait que, pour la demi-part des veuves, l'effet continue cette année ; nous sommes sur la dernière marche de la descente aux enfers que vous avez programmée avant 2012, monsieur Mariton. Cette mesure fut dévastatrice.
Je passe à l'écotaxe. La dotation de 350 millions d'euros de l'État à l'AFITF a été inscrite dans la loi de finances pour 2014 ; elle devait déjà compenser l'absence de recettes due à la suspension de l'écotaxe. Le Gouvernement rendra dans les prochains jours son arbitrage concernant l'écotaxe et vous aurez tout loisir de le commenter.
Les économies du ministère de l'Écologie, madame Sas, ne sont pas plus importantes que pour les autres départements ministériels. Elles sont de 113 millions d'euros, ce qui reste largement inférieur au chiffre concernant notamment l'Éducation nationale, les Finances et la Défense. Sans doute avez-vous fait allusion aux investissements d'avenir, difficiles à identifier ministère par ministère puisque certains les chevauchent. Nous avons simplement constaté que plusieurs de ces programmes ne seraient pas réalisés en cours d'année et nous avons anticipé leur non-exécution ou pris acte de leur report.
La loi de programmation militaire prévoit, en cas de non-respect de la programmation, un abondement de 500 millions d'euros au titre du PIA. Les premiers 250 millions sont d'ores et déjà prévus dans ce PLFR pour compenser les 350 millions d'euros d'économies représentant la contribution du ministère de la Défense pour 2014. Les autres 250 millions d'euros figureront probablement dans le projet de loi de finances pour 2015.
Vous avez soutenu que nous financions le présent dispositif fiscal grâce à un « fusil à un coup », à savoir le produit de la lutte contre la fraude et notamment, surtout, du travail du service de traitement des déclarations rectificatives – STDR. Ce service, la semaine même où nous sommes venus en parler devant vous, a enregistré le dépôt de 850 dossiers – un record – alors que nous en étions à 600 ou 700 par semaine précédemment. Le flux continue. J'appelle en outre votre attention sur le fait que les avoirs déclarés donnent lieu à des rappels, des pénalités, et vont entrer dans l'assiette de l'ISF. Il y a donc un « effet base » sur l'ISF qui ne sera pas si négligeable. Le montant moyen des avoirs, au terme des premiers dossiers examinés, est de 900 000 euros. Aussi, pour 25 000 dossiers déjà traités, si nous arrondissons le montant moyen des avoirs à 1 million d'euros, nous en sommes à quelque 25 milliards de base, soit, avec un taux de l'ISF à 1 %, 250 millions d'euros par an – somme, j'y insiste, loin d'être négligeable quand on sait que nous cherchons des économies sur des montants portant parfois jusqu'à seulement 4 ou 5 millions d'euros. Je ne suis donc pas inquiet pour cette année et je ne le suis guère pour l'année prochaine non plus. Nous verrons bien ensuite.
Nous espérons avoir réalisé un travail intelligent, obéissant au principe : « Pas de rabot, un cerveau ». Nous avons examiné la nature des dépenses ministère par ministère. Ce n'est certes pas au moins de juin que nous allons réaliser des économies sur la masse salariale. Mais nous disposons d'une plus grande marge de manoeuvre sur les dépenses d'intervention – de « guichet », selon le président –, que nous avons finement analysées afin d'identifier celles déjà engagées et celles qui pourraient être différées, ou sur les dépenses liées aux prestations – qui évoluent en général à la hausse, à moins de décider de leur gel. Le dialogue a été franc et viril, selon l'expression consacrée, entre Bercy et les ministères concernés ; mais personne n'a claqué la porte, malgré quelques mécontentements.
Les services m'ont indiqué, madame la rapporteure générale, que les prévisions de croissance du programme de stabilité, fondées sur le modèle MESANGE, intègrent l'ensemble des données, y compris les programmes d'économies. Selon cette évaluation, le pacte de responsabilité, dans le programme de stabilité, se traduirait par un gain de croissance de 0,5 % et la création de 200 000 emplois marchands. Je reste prudent, mais ce sont les chiffres générés par les modèles, qui indiquent également que la croissance s'établirait, en prenant en compte l'impact du plan d'économies, à 1,7 % en 2015 et à 2,25 % à partir de 2016. Quant à l'impact pour les ménages, nous vous préciserons les données à mesure qu'elles nous parviendrons.
Le montant global du PIA, dont 400 millions de dépenses seront décalés dans le temps, est de 2,5 milliards d'euros.
L'idée selon laquelle l'ensemble des données fiscales n'auraient pas été fournies est un mauvais procès : elles l'ont été de façon régulière, et le sont cette fois encore, en particulier sur les pertes de recettes. M. Lefebvre a donc eu raison d'insister sur cet aspect, que vous aviez vous-même évoqué, monsieur le président, il y a une quinzaine de jours.
M. Mariton souhaite une inscription budgétaire sur trois ans ; ses voeux seront bientôt satisfaits puisque le projet de loi de programmation des finances publiques, que votre assemblée examinera dans quelques semaines, inclura une trajectoire. La confiance n'excluant pas le contrôle, selon l'expression consacrée, nous avons souhaité que la mise en oeuvre du pacte de responsabilité s'inscrive dans un cadre et un calendrier précis. Celui-ci est connu, qu'il s'agisse de la prolongation d'un an seulement de la surtaxe de l'impôt sur les sociétés, de la suppression par étapes de la C3S – 1 milliard d'euros en 2015, 1 milliard en 2016 et le reste en 2017 – ou des réductions de charges.
Afin d'envoyer un signal, nous avons souhaité mettre en oeuvre ces mesures dès 2015 et sans attendre le projet de loi de finances initial ou le PLFSS. Nous payons – passez-moi l'expression – un an pour voir. Si chacun joue le jeu, nous passerons aux étapes suivantes, qui, je le répète, sont connues. Ce qu'une loi a fait, une autre peut le défaire ; mais soumettre à vos suffrages l'ensemble du dispositif avant de retrancher, le cas échéant, telle ou telle de ses composantes aurait un peu relevé de la politique de gribouille.
Vous proposez, monsieur de Courson, de porter le montant des économies de 3,4 à 4,8 milliards d'euros. Vous serez comblé au-delà de vos espérances puisque, je le rappelle, l'objectif de réduction des dépenses est de 50 milliards d'euros, dont 18 milliards pour le budget de l'État. Quant à la note de bas de page à laquelle vous avez fait allusion, nous ne travaillons, je le répète, que sur les données dont nous disposons.
Mme Sas m'a interrogé sur l'efficacité du CICE que M. Sansu, pour sa part, souhaite voir supprimé pour les grandes entreprises ou le secteur de la grande distribution. Pardonnez-moi d'être un peu professoral, mais un crédit d'impôt doit respecter des principes constitutionnels ; et il se trouve que le juge constitutionnel nous a souvent rappelé celui de l'égalité devant l'impôt, principe auquel je suis confronté au quotidien dans l'examen des dossiers fiscaux. Certains d'entre eux mériteraient à coup sûr une attention toute particulière, mais la loi définit des règles générales qui s'imposent sans discrimination à tous les contribuables. Un amendement qui exclurait du CICE tel ou tel secteur, ou modulerait l'impôt sur les bénéfices en fonction des entreprises, entraînerait un rappel à l'ordre certain du juge constitutionnel. Même si des raisons morales, sociales ou économiques justifieraient à mes yeux que certains dossiers, que le secret fiscal m'interdit de révéler, fassent l'objet de remises d'impôt, je suis comme vous tenu, et c'est heureux, au respect des règles constitutionnelles – et Bruxelles n'a rien à voir dans cette affaire. La défiance que peut inspirer l'utilisation du CICE par telle ou telle catégorie d'entreprises ne saurait remettre en cause cette obligation.
Vous avez tout à fait le droit de dire et de penser, par ailleurs, que c'est la conception du CICE qui mène à cette impasse. Vous pouvez aussi imaginer des stratégies de contournement ou des mesures de compensation, qui auront pour effet d'accroître la complexité de la loi, à laquelle on reprochera alors d'être illisible : c'est là le cruel dilemme du législateur en matière fiscale. En tout état de cause, je vous invite à ne pas entretenir le mythe selon lequel le législateur pourrait, en matière d'impôts, réserver un traitement différent à tel ou tel secteur économique. Il peut le faire, à certaines conditions, sur des cotisations sociales par exemple, mais pas sur les impôts.