Intervention de Annie Genevard

Réunion du 11 juin 2014 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

Le marché de la musique a connu d'importants bouleversements au cours de la dernière décennie. La révolution numérique a permis aux géants de l'internet de se positionner de manière agressive sur ce marché, tout en faisant émerger de nouveaux comportements chez les jeunes générations, qui ne conçoivent les contenus musicaux que comme des contenus gratuits. Les artistes ont quant à eux besoin d'exposition médiatique, la radio restant le premier média prescripteur, juste devant la télévision. Or ils se heurtent actuellement à deux problèmes majeurs.

Le premier est la trop forte concentration des titres diffusés à la radio. Vingt ans après son adoption, la loi instaurant des quotas de diffusion de titres francophones à la radio donne lieu à des comportements en totale contradiction avec son esprit, qui était de protéger les artistes et de favoriser l'émergence de nouveaux talents : en 2013, cinquante titres de trente-neuf artistes représentaient la moitié des diffusions francophones à la radio ; sur les réseaux fréquentés par les jeunes, la concentration était encore plus forte, dix titres représentant 66 % des diffusions. Tout en respectant l'obligation de diffusion de 40 % de titres francophones, les radios « matraquent » les auditeurs avec quelques titres dont ils font des « tubes ».

Pour pallier ce dévoiement de la loi, vous proposez – c'est l'objet de la proposition n° 3 – d'appliquer un système de malus aux radios qui surexposeraient un trop faible nombre de titres francophones, au détriment de la diversité musicale. Une telle solution nous semble plus satisfaisante que celle du CSA, qui vise à permettre aux radios de renégocier leurs conventions à la carte, et que les auteurs, artistes et producteurs ont dénoncée dans un communiqué commun. Comme pour leur donner raison, Chérie FM vient d'obtenir, il y a quelques jours, une réduction de 50 % à 40 % de ses obligations de diffusion d'oeuvres francophones, à la suite d'une simple décision du CSA !

La ministre de la culture et de la communication a rappelé à de nombreuses reprises – et encore récemment, à l'occasion du Marché international du disque et de l'édition musicale (MIDEM), le 3 février dernier – son attachement au système des quotas. À l'aune de ses déclarations, quel avenir voyez-vous pour votre proposition d'instaurer un mécanisme de malus, qui est peut-être l'une des plus importantes de ce rapport ?

Le deuxième problème est la réduction du nombre de programmes musicaux à la télévision. Beaucoup se sont émus de l'arrêt de la diffusion de Taratata. Selon une enquête réalisée par l'association Tous pour la musique (TPLM), les chaînes généralistes – TF1, France 2, France 3 et Canal Plus – ne consacrent que 1,3 % de leur temps d'antenne à la diffusion de concerts, d'émissions musicales ou de clips. Le volume de chansons diffusées sur les chaînes hertziennes a baissé de 32 % en moyenne entre 2000 et 2008, et il est en chute libre à la télévision publique, avec une baisse de 60 % sur France 2 et de 46 % sur France 3. Votre proposition de créer une obligation pour France Télévisions de diffuser au moins une émission musicale par semaine nous semble donc positive.

Vous suggérez de provoquer une réunion de la Commission de la rémunération équitable afin de réétudier ses barèmes. Vu l'état des finances publiques, il serait en effet nécessaire de revoir les modes de participation des différents acteurs au financement de la création musicale. Les ayants droit le réclament depuis plusieurs mois. Pourtant, il semble qu'il y ait en la matière une certaine inertie de la part du ministère de la culture et de la communication. Votre proposition a-t-elle des chances d'être retenue ?

J'émettrai en revanche quelques réserves sur votre proposition de créer une « taxe au clic » : il ne faudrait pas que la création d'une nouvelle taxe spécifiquement française fragilise les accords en matière de rémunération globale existant entre les plateformes, les maisons de disques et la SACEM.

La ministre de la communication vous a missionné en septembre dernier ; votre rapport, qui propose des solutions rapides pour un coût modéré, voire nul, est paru en mars ; il a reçu un accueil favorable de la ministre. Depuis, silence radio ! Que savez-vous de la feuille de route du ministère sur le sujet ?

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