Tout d'abord, ne travaillant ni à la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) ni au cabinet de la ministre, je ne connais pas en détail les suites que celle-ci entend donner à mon rapport. Ce que je sais, pour avoir interrogé le cabinet et la DGMIC à plusieurs reprises, c'est que les propositions que la ministre a décidé de retenir, et qu'elle a présentées lors d'un communiqué de presse, seront mises en oeuvre dès que le véhicule législatif approprié sera disponible.
J'en viens à mes propositions de taxation de la VAD. Elles se fondent sur une analogie. Parlons de soutien, si le terme de taxe vous rebute : il ne s'agit que de redistribuer l'argent au moyen d'outils vertueux. Le Centre national du cinéma et de l'image animée en est un, que nombre de pays nous envient. Aujourd'hui, son compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels (COSIP) est alimenté par plusieurs recettes : taxe prélevée sur les billets en salle, taxe vidéo, TST-E (taxe sur les services de télévision « éditeurs ») et TST-D (taxe « distributeurs »). Il semble assez simple de l'alimenter par un canal supplémentaire.
La difficulté, c'est que celui-ci proviendrait de services financés par la publicité et, surtout, d'opérateurs installés à l'étranger. Car, après tout, TF1 aussi est financé par la publicité, mais il est assez facile de calculer la TST-E due sur son chiffre d'affaires dans la mesure où il s'agit d'une entreprise française. Nous ne devons pas pour autant renoncer à mettre à contribution le chiffre d'affaires réalisé en France par YouTube. Certes, il est difficile à évaluer puisque l'on ne connaît pas celui de Google en France : ses représentants n'ont pas voulu nous le fournir, mais il est estimé à 1,5 ou 2 milliards d'euros. Supposons que celui de YouTube s'élève à 10 ou 15 millions d'euros : il ne paraît pas déraisonnable de considérer que, en tant que service culturel numérique, YouTube, comme TF1, doivent contribuer à financer la création française en alimentant le même compte de soutien.
Est-ce praticable ? Ce n'est assurément pas très facile à réaliser dès lors que l'on rencontre des difficultés à localiser ce qui se passe sur les serveurs. Mais nous pouvons estimer au plus juste l'assiette, par exemple à partir de la déclaration de TVA, puisque celle-ci, qui concerne les prestations publicitaires, sera prélevée dans le pays de destination à compter de 2015. Si l'on parvient ainsi à déterminer l'assiette, à partir d'établissements installés en France, on limitera l'évasion fiscale en matière d'impôt sur les sociétés et de TVA, et on alimentera aussi davantage le compte de soutien. Le registre d'immatriculation que nous proposons d'instaurer serait essentiel à ce dispositif, puisqu'il permettrait d'identifier les adresses IP françaises et les oeuvres françaises diffusées.
Je n'ai guère d'éléments d'information sur la réforme du Centre national des variétés.
Je comprends que l'idée d'un malus irrite les radios, mais elles pourraient elles-mêmes y trouver un avantage dans la mesure où, contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, elles risquent de perdre de l'audience à force de surdiffuser les dix mêmes titres. La mesure pourrait leur fournir l'occasion de se poser davantage de questions dans un environnement reconfiguré par l'avènement du numérique.
Du point de vue technique, ma proposition est très simple à appliquer. Le CSA n'éprouve aucune difficulté à analyser les diffusions francophones par l'intermédiaire du prestataire Yacast : la captation radio est rapportée à une base de données d'empreintes digitales audio qui permet d'identifier les chansons et de reconstituer la liste de lecture. Si plus de 50 % de diffusions francophones appartiennent au Top 10, il est très facile de le déceler. Le programmateur lui-même, qui sait parfaitement ce qui est diffusé chaque matin à l'antenne, pourrait aisément modifier sa programmation.
Quant à la liberté éditoriale, c'est une question politique : lorsque l'on accorde une fréquence gratuite à un groupe de radios, ne peut-on lui demander de ne pas dépasser certaines limites ? C'est à vous qu'il appartient d'y répondre.
Il est exact que je n'ai pas accordé une grande place aux associations de consommateurs, car je ne voulais pas relancer le débat sur la contribution créative qui, pour moi, est clos. Il est significatif que l'on parle de « propriété » littéraire et artistique – celle des auteurs, des compositeurs, des paroliers, des auteurs-interprètes, des producteurs qui investissent.
La création de formats innovants pour les émissions musicales est essentielle : on ne cherche pas suffisamment à innover en matière musicale. Il faut encourager les groupes à le faire, y compris par des incitations financières.
S'agissant de France Télévisions, il est possible d'inscrire l'obligation dans le contrat d'objectifs et de moyens comme dans le cahier des charges. Je n'ai pas eu le sentiment que M. Rémy Pflimlin y était hostile, d'autant que les statistiques des deux dernières années montrent que l'on n'est pas très loin de l'objectif. Il faudrait simplement résoudre le problème posé par France 3 – en respectant les contraintes territoriales ; mais, après tout, il y a de la musique en région, comme partout. Nous devons donc maintenir la pression, et mieux comptabiliser les 2 200 heures de musique diffusées dans l'année, dont 700 heures de concerts, en globalisant le calcul des points ainsi que je l'ai proposé.
Je rappelle qu'il ne s'agit pas ici d'un malus, mais d'un moyen de s'assurer que le contrat d'objectifs et de moyens est respecté. Dans le cas contraire, des sanctions sont-elles nécessaires ? Je l'ai bien constaté comme directeur général délégué de l'INA : dans les objectifs, il y a toujours une part résiduelle difficile à atteindre. Je doute que quiconque s'expose à être limogé parce qu'il n'aurait pas programmé cinquante-deux émissions musicales dans l'année.
En ce qui concerne la lutte contre la piraterie, la pédagogie est fondamentale. J'ai cité l'exemple de comportements que leurs auteurs ne considèrent pas comme illégaux, mais qui entraînent une évaporation de valeur préjudiciable à tous. Je suis tout à fait favorable au partage et à la découverte, par la radio, par les services numériques, par les réseaux sociaux, qui peuvent déclencher un achat. Mais si aucun revenu n'est généré, ce n'est pas tenable.
Avec Spotify et Deezer, la musique n'est plus achetée : son écoute est financée par la publicité. Je ne sais si Spotify vaut 4 milliards de dollars, comme on le dit ; en tout cas, la valeur de ces sites est liée à l'existence d'une clientèle, dont très peu d'abonnés payants (10 % à 25 % selon les cas). Ce modèle de financement par la publicité ne doit pas se soustraire à l'obligation de soutien à l'industrie créative à l'heure où il l'emporte sur celui d'iTunes, comme en témoignent les exemples que j'ai cités. Ce n'est pas parce que ce revenu est facturé à partir de bases étrangères en Irlande ou au Luxembourg qu'il faut renoncer à le cerner, bien au contraire.