Intervention de Bruno Léchevin

Réunion du 11 juin 2014 à 9h00
Commission des affaires économiques

Bruno Léchevin, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, ADEME :

Je vous prie par avance de m'excuser si je n'ai pas répondu à toutes les questions que vous m'avez posées, mais je prends l'engagement de vous adresser une réponse écrite dans les prochaines semaines. Le nombre de vos questions montre l'intérêt que vous portez à l'ADEME. Si toutes méritent une réponse appropriée, je suis dans l'incapacité de répondre à certaines d'entre elles, faute d'une expertise globale.

Monsieur Chassaigne, je suis horrifié par vos propos. Je pense qu'il est impossible que l'ADEME ait pu se livrer à un quelconque tripatouillage. Je vais regarder cela de très près.

La question du budget de l'ADEME, sujet d'actualité, est une préoccupation partagée par beaucoup d'entre vous. Je suis désolé de ne pouvoir vous répondre sur ce point car les arbitrages budgétaires concernant le budget de l'Agence ne sont pas encore rendus. Les discussions techniques entre le ministère de l'écologie et le ministère des finances ont montré de tels écarts qu'il faudra un arbitrage politique. Quoi qu'il en soit, il est évident qu'on ne peut demander à l'ADEME d'être l'opérateur de la transition énergétique et dans le même temps effectuer des coupes sombres dans son budget.

Nous avons fait un certain nombre de préconisations. Nous sommes déjà dans une dynamique de restriction budgétaire en termes de productivité et de limitation des coûts de fonctionnement. Il est juste que nous soyons plus opérationnels, plus efficaces, et nous demandons à nos collaborateurs de démontrer notre utilité. Pour cela, nous allons engager un processus de simplification afin de raccourcir les délais des services que nous rendons, sans pour autant annihiler leur qualité. Nous avons également procédé à une réduction de nos emplois, et cet exercice devra perdurer. Mais nous ne pouvons accepter que soient remis en cause les équilibres budgétaires sachant que l'essentiel de notre budget couvre le fonds déchets et le fonds chaleur, dont vous êtes nombreux à avoir reconnu qu'il devait être renforcé. S'il progresse mais que le budget de l'ADEME diminue significativement, nous nous trouverons dans une quadrature du cercle dont il nous sera difficile de sortir.

La répartition des fonds entre les quatre politiques centrales est la suivante : le budget chaleur renouvelable s'élève à 221 millions d'euros, celui du fonds déchets à 180 millions d'euros, le budget des bâtiments économes en énergie à 40 millions d'euros, celui de la communication et de la formation à 24 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 30 millions d'euros pour la R&D et 29 millions pour le traitement des sites pollués. Les 12 % restants sont répartis entre le développement de l'expertise de l'Agence, l'accompagnement des entreprises, les démarches territoriales énergie climat, le volet qualité de l'air ainsi que l'activité internationale.

Contrairement à ce qui a été dit, le budget 2014, en termes d'autorisations d'engagement, a été maintenu au niveau de 590 millions d'euros. Cela dit, une ponction sera peut-être opérée dans le collectif budgétaire.

L'Agence est prête à fournir des efforts, mais nous ne savons pas à quel niveau se situera la baisse du budget. Vous parlez de 100 millions d'euros. Nous serons très vigilants et nous pouvons compter sur la ministre de l'écologie pour défendre haut et fort ce budget lorsqu'elle présentera son projet de loi relatif à la transition énergétique.

Beaucoup a été dit sur le Plan de rénovation des bâtiments. Nous partageons votre souci de cohérence, de simplification et d'optimisation. Il faut souligner le travail de collaboration mis en place depuis l'automne dernier par le ministère de l'écologie et celui du logement pour mener, par le biais d'un comité opérationnel, une politique globale cohérente, dans une logique commune. Cette collaboration n'a pas encore porté ses fruits, mais tous les outils qui ont été mis en place – les PRIH, le numéro Azur, le pilotage national et la déclinaison locale – montrent que nous sommes sur le bon chemin. Un certain nombre de partenariats et de collaborations qui n'existaient pas auparavant ont vu le jour, comme le programme « Habiter mieux ». L'ADEME est impliquée dans le pilotage des EIE et nous avons un objectif commun de réussite.

Ce travail, qui nous concerne tous, doit être homogénéisé et simplifié. C'est l'objectif des plateformes territoriales de la rénovation énergétique qui accompagneront nos concitoyens de A à Z en leur donnant accès à l'ensemble des dispositifs.

Nos concitoyens doivent pouvoir compter sur des entreprises efficaces. C'est pourquoi nous avons créé la certification RGE, qui conditionne l'éco-conditionnalité des aides, et mis en place des dispositifs de formation dans le cadre notamment du programme Praxibat qui mobilise en région les acteurs de la formation initiale et continue ainsi que les entreprises.

Madame la députée, je me suis rendu à La Réunion il y a quelques semaines et j'ai pu constater tout ce qui avait été fait. Je suis étonné que les DOM soient exclus de l'application du décret sur l'éco-conditionnalité. Autant je suis généralement soucieux de la prise en compte de la spécificité des outre-mer, autant je considère qu'un engagement comme celui-là doit s'appliquer à tous nos territoires car la transition énergétique ne saurait faire l'objet d'aucune exclusion.

Dans son dossier sur les entreprises de rénovation, qui a provoqué quelques échos médiatiques, l'UFC Que choisir reproche aux entreprises d'avoir effectué des travaux inefficaces. Cet épisode souligne la nécessité, si nous voulons atteindre notre objectif, de réaliser des audits et d'aider les entreprises à se professionnaliser. Au-delà de l'accompagnement et des moyens financiers qui doivent être mis sur la table, le plus important sera de créer de la confiance pour que la rénovation énergétique des logements anciens puisse être réalisée massivement. Pour cela, il faut que les travaux effectués donnent des résultats car des travaux efficaces représentent a minima 50 % de baisse de la facture d'énergie.

La rénovation énergétique est une obligation de moyens : il faudra peut-être, progressivement, en faire une obligation de résultats. Nous aurons gagné le jour où nos concitoyens se diront satisfaits d'avoir rénové leur logement en prenant en compte les critères énergétiques et qu'ils seront convaincus que ces travaux ont valorisé leur patrimoine.

La réglementation thermique RT 2012, madame la députée, a été conçue pour les constructions neuves, et elle donne des résultats convaincants en matière de consommation énergétique. Nous irons peut-être plus loin avec les bâtiments à énergie positive, qui doivent être envisagés à un niveau collectif permettant de mutualiser l'énergie. En 2020 entrera en vigueur la RBR – Réflexion pour un bâtiment responsable. Pour l'instant, il s'agit d'aller progressivement vers des bâtiments de basse consommation, qui sont finalisés par étapes car les possibilités offertes à nos concitoyens ne sont pas au rendez-vous.

L'ADEME édite une brochure, disponible dans les espaces info énergie, qui présente tous les dispositifs existants. Ces espaces d'information accueillent tous les types de public. Si au départ, il s'agissait des plus motivés, de plus en plus de personnes viennent simplement rechercher des informations grâce aux campagnes de communication et aux dispositifs mis en place. Parmi elles se trouvent naturellement des publics précaires. Nous les orientons vers l'ANAH car il est important de mobiliser l'ensemble des forces disponibles et de définir des priorités afin de répondre au mieux aux demandes de plus en plus pressantes de nos concitoyens.

Vous connaissez tous l'intérêt que je porte à la problématique de la précarité énergétique, dont j'ai pris connaissance dans l'exercice de mes précédentes fonctions auprès du médiateur national de l'énergie. Il y a un peu moins d'un an, la ministre m'a demandé un rapport sur l'efficacité des dispositifs des tarifs sociaux, ceux qui ont été renforcés dans la proposition de loi de François Brottes. Ces dispositifs sont certes efficaces mais ils ne sont pas encore totalement à la hauteur des enjeux, et cela pour trois raisons.

La première est qu'il est toujours difficile d'atteindre les 4 millions de personnes en situation de précarité énergétique.

Par ailleurs, les aides ne sont pas suffisants. Pour un précaire éligible aux tarifs sociaux qui se chauffe à l'électricité, les augmentations intervenues ces dernières années couvrent la totalité de l'aide qu'il reçoit. Contrairement aux idées reçues, nous ne sommes pas un pays d'assistés puisque tous nos concitoyens contribuent aux charges de service public en payant la contribution sur le service public d'électricité (CSPE) sur leur facture. Or la contribution d'un citoyen bénéficiant du tarif social qui dispose d'un chauffage électrique est deux fois supérieure à l'aide qu'il perçoit. Il faut donc augmenter significativement les tarifs sociaux.

Enfin, ces dispositifs excluent ceux de nos concitoyens qui vivent en zone rurale dans la mesure où l'aide aux tarifs sociaux ne bénéficie qu'aux personnes chauffées au gaz et à l'électricité. Une personne pauvre éligible aux tarifs sociaux gagne à se chauffer au gaz, tandis qu'une personne qui n'est pas éligible aux tarifs sociaux, qu'elle soit chauffée au fioul ou au bois, ne reçoit rien. Le système est donc totalement inéquitable. C'est pourquoi nous vous suggérons, dans le projet de loi, de remplacer les tarifs sociaux par un chèque énergie, qui agirait comme un bouclier énergétique. Indépendamment des objectifs environnementaux, la transition énergétique est une question globale de société, un enjeu économique, écologique et social qui ne peut être pris en compte qu'en intégrant l'ensemble de nos concitoyens.

Pour traiter les problématiques liées à l'urgence sociale, l'essentiel est d'amplifier l'effort de rénovation des logements qui sont de véritables passoires énergétiques et qui abritent des populations en situation de précarité énergétique. Une partie de ces personnes vivent à la campagne dans des habitats anciens, souvent très mal isolés, et celles qui travaillent doivent faire chaque jour de longs trajets dans des véhicules anciens qui consomment énormément.

Le développement des EnR est un enjeu essentiel de la transition énergétique. Nos scénarios sont très ambitieux, mais nous devrions atteindre nos objectifs dans la mesure où en France le développement des EnR est supérieur à la moyenne des autres pays. Nous n'avons aucune raison de douter de notre réussite. Pour autant, il faut donner de la visibilité aux investisseurs. Les problèmes que nous avons rencontrés par le passé sont dus à des politiques erratiques. Dans un contexte de disette budgétaire, nous devons inventer de nouveaux modes de financement, stimuler les financements privés et envisager le développement des EnR partout, et pas uniquement dans les grandes collectivités et les grandes entreprises. Nous devons permettre à nos concitoyens, en particulier les agriculteurs, d'accéder à des dispositifs de financement et de devenir les acteurs des énergies renouvelables. Cela nécessite de simplifier les procédures, notamment en développant l'autorisation unique, et de promouvoir une communication positive.

L'ADEME n'a pas de point de vue sur la part de l'énergie nucléaire, mais selon nos scénarios, indépendamment de l'objectif de réduction massive de la consommation d'énergie, la part du nucléaire sera à l'horizon 2030 de 48 % de la production globale.

La biomasse est un élément fondamental de la transition énergétique qui nous permettra d'atteindre nos objectifs de rééquilibrage du mix énergétique. En dépit des difficultés apparues dans le montage des projets de développement de la biomasse, nous devrons à l'avenir poursuivre cette dynamique de développement des énergies renouvelables. Il y a encore quelques mois, nous visions le doublement des productions. Pour différentes raisons – manque de moyens, économies – la montée en charge sera plus progressive.

Au-delà de la problématique de l'énergie, il faut repenser l'ensemble de la filière bois dans sa globalité. Notre pays possède l'une des plus belles forêts d'Europe, mais elle est très insuffisamment exploitée. Il faudra dépasser certains archaïsmes et mettre fin au morcellement de la forêt en regroupant les propriétaires forestiers afin d'envisager le développement de la biomasse en fonction du stock de bois énergie disponible. Il faut penser la filière de manière globale, en englobant le bois matériau de construction.

Naturellement, il faut éviter de financement des projets à faible rendement. Les projets les plus performants ayant déjà été mis en route, il faudra revoir les critères de sélection, tout en gardant à l'esprit l'équilibre économique et l'efficacité des politiques publiques.

En ce qui concerne la méthanisation, notre approche, comme vous le savez, est différente de celle de l'Allemagne. L'ADEME associe ses aides à des tarifs d'achat et ne fait pas des cultures dédiées une priorité, considérant que celles-ci doivent rester limitées.

La filière de l'énergie solaire thermique est en difficulté et, selon les expertises que nous avons réalisées, tout n'a pas été parfaitement clair. Les coûts des installations restent beaucoup plus élevés qu'en Allemagne et leur entretien n'est pas toujours optimisé. Nous avons, avec les professionnels de la filière, mis en place un plan d'action pour mieux encadrer la construction des installations et leur suivi.

S'agissant des déchets, nous ne sommes pas favorables à une écologie punitive. Il serait paradoxal que le tri sélectif et la dynamique de diminution des déchets se traduisent par des surcoûts pour les populations. Si nous voulons que la politique de réduction des déchets soit appliquée concrètement et se poursuive dans le temps, elle doit être optimisée et ne pas se traduire par un alourdissement des charges pour les populations, même si, dans un premier temps, elle génère des surcoûts.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion