Il est vrai que les infrastructures de transport occupent une place importante dans l'histoire des expositions universelles. Ainsi, la première ligne du métropolitain parisien a été ouverte à l'occasion de l'exposition universelle de 1900. Par ailleurs, conformément à la finalité historique des expositions universelles, le projet de Grand Paris Express pourrait être l'occasion de mettre en avant la capacité d'innovation de notre pays dans le domaine des transports du xxie siècle.
La réalisation d'infrastructures de cette importance demande beaucoup de temps, en raison de l'extrême complexité des réglementations et des procédures, qui imposent de longues phases de concertation, des enquêtes publiques, des acquisitions foncières nombreuses et forcément difficiles en milieu urbain dense. Si les échéances semblent lointaines, le calendrier est en réalité extrêmement serré si on veut respecter les délais fixés.
La feuille de route a été fixée par le Gouvernement le 6 mars 2013, au terme de nombreuses discussions entre l'État et les élus d'Île-de-France. Le projet d'un réseau de deux cents kilomètres comptant soixante-douze gares issu de cette phase de discussion me semble un compromis très solide en ce qu'il conjugue trois objectifs.
Il vise d'abord à améliorer les transports de la région Île-de-France afin de faciliter la vie quotidienne des Franciliens, notamment en réduisant les temps de trajet entre le domicile et le travail. Dans cet objectif, au-delà des deux cents kilomètres de lignes nouvelles, le projet vise à améliorer les interconnexions avec les bassins d'emplois de la métropole parisienne au bénéfice des habitants de la grande couronne, voire des départements voisins de l'Île-de-France. Les gares de ce nouveau réseau de métro devront en outre être conçues pour favoriser l'intermodalité.
Ce nouveau réseau desservira en effet soixante-douze, ou plus exactement soixante-neuf gares, trois des gares initialement prévues sur le trajet de l'ex-ligne orange devant être désormais des stations de l'extension de la ligne 11 Est sur la section Rosny-Bois Perrier-Noisy-Champs. La fréquentation de ce nouveau réseau devrait être de 200 000 à 300 000 voyageurs en heures de pointe et sa fréquentation journalière de deux millions. sa mise en service devrait intervenir progressivement de 2020 à 2030, avec des étapes intermédiaires en 2023, 2025 et 2027 en fonction des parcours.
Ce projet a également pour objectif de désenclaver des territoires en difficulté, dont certains font l'objet d'opérations de renouvellement urbain. Je pense en particulier au projet de ligne 16 Est, qui doit desservir des communes aussi emblématiques que Clichy-Montfermeil, Aulnay ou le Blanc-Mesnil.
Le troisième objectif, et non le moindre, du Grand Paris Express est de soutenir le développement urbain et économique de la région Île-de-France, notamment du coeur de son agglomération. En effet nombre d'opérations d'aménagement seront accélérées, voire déclenchées par l'existence de ces nouvelles gares. Celles-ci renforceront par ailleurs l'attractivité des projets de développement économique.
La deuxième chance de ce projet, au-delà du consensus politique qui a accueilli ces trois objectifs, réside dans son mode de financement. En effet, par la loi de 2010, le Parlement a décidé que ce projet bénéficierait de ressources affectées, issues d'une part de la taxe sur les bureaux et d'autre part de la taxe spéciale d'équipement, TSE, taxe additionnelle aux prélèvements locaux pesant sur les ménages et les entreprises, et d'une imposition forfaitaire assise sur les matériels roulants de transport de la RATP. Le rendement de ces prélèvements est d'environ 500 millions d'euros par an. Il s'agit d'une ressource dynamique puisqu'elle est notamment fonction de la construction de bureaux. Il est peu probable en outre que le stock de bureaux en Île-de-France diminue dans les années à venir. On pourrait envisager par ailleurs de déplafonner le produit de la TSE, aujourd'hui limité à 120 millions d'euros.
Par ailleurs, la SGP percevra une redevance sur l'exploitation des nouvelles lignes par les opérateurs désignés par le Syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF, dont le produit est estimé à environ deux cents millions d'euros par an.
L'ensemble de ces ressources, ainsi que les recettes commerciales qui s'y ajouteront, permettront de rembourser les emprunts contractés par la SGP pour financer la réalisation du réseau de transport public du Grand Paris, dont le coût est estimé à 22,6 milliards, ainsi que l'adaptation aux interconnexions des stations de métro ou des gares SNCF, pour un coût estimé de 1,5 milliard d'euros.
Sur le plan économique, le chantier devrait générer chaque année 10 000 à 15 000 créations d'emplois permanents, dont deux tiers dans le bâtiment et les travaux publics et un tiers dans l'industrie ferroviaire. On estime au total que la réalisation du Grand Paris Express permettra la création de 200 000 à 300 000 emplois supplémentaires en Île-de-France.
L'ambition de ce projet est également de favoriser le développement du logement dans la Région. Je rappelle qu'aux termes de la loi de 2010, le projet, via les opérations d'aménagement qui pourraient être réalisées autour des nouvelles gares, devrait contribuer à la construction de 70 000 logements chaque année, objectif repris par le schéma directeur de la Région Île-de-France.
Je voudrais aussi évoquer les préoccupations liées au développement durable, qui sont également les vôtres dans le cadre de la promotion de la candidature de notre pays à l'organisation de l'exposition universelle de 2025. La réalisation de ce projet obéit à un schéma de développement durable qui s'applique, non seulement aux travaux mais à la conception même des infrastructures du réseau. Relèvent de cette thématique du développement durable des questions comme celle de l'évacuation des déblais du chantier ou de l'utilisation de matériaux recyclés pour la réalisation des infrastructures.
Vous avez évoqué la question des gares, monsieur le président. Notre projet est de réaliser, là où le tissu urbain le permet, non de simples stations, mais de véritables gares, conçues pour offrir aux voyageurs les services qui accompagneront le transport de demain. C'est la raison pour laquelle nous avons confié à Jacques Ferrier, qui était d'ailleurs l'architecte du pavillon français de la dernière exposition universelle, le soin d'élaborer une charte architecturale dont le respect s'imposera à l'ensemble des gares. Parmi elles, nous avons distingué les gares qui, par leur caractère emblématique, devaient faire l'objet d'une recherche architecturale particulière. C'est la raison pour laquelle le choix des architectes chargés de leur conception fait l'objet d'une consultation internationale. Deux architectes renommés ont déjà été désignés à l'issue de cette procédure : Duthilleul pour la gare de Noisy-Champs et Perrault pour celle de Villejuif. La conception des gares de Clichy-Montfermeil et du Bourget RER devrait également être confiée à de très grands noms de l'architecture. Près d'une centaine de candidatures, dont celles de grands noms de l'architecture mondiale, se sont manifestées à chacune de ces consultations, preuve de l'attractivité du Grand Paris.
La dimension numérique est également essentielle. Notre ambition est d'inventer le métro le plus digital au monde, et ceci dans toutes ses composantes. C'est l'objet de l'appel à manifestations d'intérêt lancé à la fin de l'année dernière, et qui a reçu plus de 120 réponses. Il s'agira de doubler les deux cents kilomètres du réseau d'une infrastructure numérique de très haut débit via le déploiement de câbles optiques, qui permettra d'innerver les alentours des gares qui ne seraient pas couverts par les opérateurs.
Ce réseau numérique permettrait d'informer en temps réel les voyageurs sur l'état du trafic, de leur offrir un accès permanent à l'internet et de mettre à leur disposition un ensemble de services facilitant la vie quotidienne. Cette infrastructure numérique permettrait par ailleurs de mettre en open data toutes les données générées par le trafic de deux millions de voyageurs. Pourront s'y ajouter des espaces de coworking ou des data center.
Je voudrais pour terminer souligner que nous travaillons, conformément à l'esprit du projet, dans une concertation extrêmement étroite avec les élus comme avec le grand public. Nous venons ainsi d'entamer une nouvelle phase de concertation sur le projet d'extension de la ligne 14 Sud jusqu'à Orly et sur le tronçon de ligne 15 Ouest reliant le Pont de Sèvres à la Défense. Une telle concertation approfondie en amont a le grand mérite de faciliter les enquêtes publiques ultérieures.