Intervention de Denis Jacquat

Réunion du 10 juin 2014 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Jacquat :

Merci, monsieur de Virville, pour votre exposé. Nous y avons retrouvé le sérieux qui vous caractérise.

Mes remarques s'adresseront davantage au Gouvernement, puisque c'est lui qui vous a passé commande. Le groupe UMP déplore un grand oubli en ce qui concerne la pénibilité. Nous l'avons vérifié une fois encore tout à l'heure, lors des questions d'actualité, avec la « question téléphonée » qui a été posée à Mme Marisol Touraine.

Le problème de la pénibilité a déjà été largement évoqué à l'occasion des réformes des retraites précédentes, notamment pour les carrières longues, c'est-à-dire les travailleurs ayant commencé à travailler à 13 ou 14 ans. Lors de la dernière réforme, le Gouvernement a étendu la mesure aux personnes ayant commencé à travailler entre 18 et 20 ans. Cela montre que les mesures que nous avions prises étaient excellentes.

D'autres avaient été prises concernant l'inaptitude au travail, l'incapacité au travail et les retraites des travailleurs handicapés. Nous avons par ailleurs insisté sur la santé au travail, afin que le problème de la pénibilité soit pris en compte dès la première seconde de la vie professionnelle. Nous tenions à le rappeler.

J'ai relevé deux termes dans vos propos : celui de simplification et celui de bureaucratie. Lors de l'examen de la loi sur les retraites en séance publique, nous avions martelé que ce nouveau texte était au mieux une « usine à gaz » et au pire un nid à contentieux. Nous avons tous été saisis par de nombreuses entreprises, en particulier des PME et des très petites entreprises (TPE), sur les difficultés d'application que ne manquerait pas de susciter ce texte. Le Gouvernement l'a compris, puisqu'il vous a confié cette mission.

Cependant, le dispositif me semble encore très compliqué, en particulier pour les PME et les TPE. Les trois observations qui vont suivre ne concernent pas uniquement vos préconisations, mais plutôt la façon dont le compte pénibilité est abordé par le Gouvernement.

Tout d'abord, comment appliquer – même si vous avez répondu partiellement à cette question – le principe de la fiche individualisée ? Les petits entrepreneurs n'ont pas de structure d'appui pour assurer ce suivi.

Ensuite, qui va payer le coût réel du dispositif ? Nous en avons déjà parlé, il y a une véritable insincérité dans les projections de financement du compte personnel de pénibilité inscrit à l'article 10 du texte. Le coût du dispositif est de 500 millions d'euros en 2020. Il sera couvert par une seule source de financement, une double cotisation à la charge des employeurs, dont le rendement est estimé à 500 millions d'euros à la même date. Mais à l'horizon 2040, le coût du dispositif devrait s'élever à 2,7 milliards d'euros, pour un rendement de la double cotisation des employeurs estimé à 800 millions d'euros. Or nous entendons dire que le patronat aurait obtenu l'assurance qu'il n'y aurait pas de cotisation en 2015, et que les deux années suivantes, les sommes dues seraient minimes. C'est une bonne nouvelle pour la compétitivité des entreprises, mais cela n'évacue pas la question du coût du dispositif.

Enfin, quel impact sur la compétitivité des entreprises ? Le compte pénibilité pose un problème de sécurité juridique ; il constitue un excès de réglementation qui risque de se retourner contre l'innovation et l'emploi. Bref, nous sommes loin du choc de simplification. À quoi sert-il de faire voter le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et d'y ajouter 10 milliards de baisses de charges supplémentaires dans le pacte de responsabilité, si c'est pour appliquer de l'autre côté un compte pénibilité qui va se traduire par une baisse des marges, des parts de marché et de l'emploi ?

Je terminerai par une note d'humour. Vous évoquez – en page 5 de votre document – le travail de nuit. Cela s'applique-t-il aux parlementaires et aux personnels des Assemblées ?

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