En des termes peut-être un peu différents de ceux qu’il a utilisés, je souhaiterais revenir sur ces questions, sur ces interrogations. Comment préparons-nous le système ferroviaire de notre pays aux enjeux de la prochaine décennie afin qu’il s’adapte aux préconisations du quatrième paquet ferroviaire de l’Union européenne ? Voulons-nous mettre fin à la dérive que connaît aujourd’hui le fret ferroviaire de marchandises ? Acceptons-nous de reconnaître que la réforme de 1997 n’a pas abouti aux résultats escomptés et que la répartition des compétences entre SNCF et RFF a au contraire engendré des dysfonctionnements, voire des effets pervers de gouvernance ? Allons-nous refuser au système ferroviaire les moyens lui permettant de faire face au défi de son financement et de la gestion de sa dette ? Sommes-nous prêts à renforcer les compétences de l’autorité de régulation, l’ARAF, et à la doter de tous les moyens juridiques et humains pour remplir ses missions essentielles, sans toutefois la transformer en une autorité qui priverait l’État de ses prérogatives, par exemple mais pas seulement en situation de crise, et de son rôle de stratège du système ferroviaire ? Souhaitons-nous clarifier le rôle et les missions des régions en tant qu’autorités organisatrices de transports dans la mesure où la part qu’elles consacrent au financement des transports est croissante ?
C’est bien dans ce cadre que le projet de loi vise, d’un côté, à réunifier les métiers directement liés aux infrastructures ferroviaires en créant un gestionnaire d’infrastructures unifié, la future SNCF Réseau et, de l’autre côté, à créer un groupe public intégré avec à sa tête un EPIC mère de deux autres EPIC, SNCF Réseau, propriétaire de l’infrastructure, et SNCF Mobilités, opérateur de transport.
Le texte présenté par le Gouvernement est ambitieux. Il est nécessaire sur un double plan, national et européen. Nos travaux en commission ont soutenu et accentué cette ambition et nous avons souvent suivi les propositions de notre rapporteur pour les conforter et prolonger les dispositions initiales, et c’est à une grande majorité que ce projet de loi a été adopté.
Toutes les interrogations soulevées lors de nos débats en commission, tant par Gilles Savary que par d’autres commissaires, n’ont pas trouvé de réponse. Je souhaite d’autant plus que l’examen en séance publique de ce texte soit l’occasion de le compléter et de le renforcer.
Je dirai également un mot sur la proposition de loi organique que j’ai déposée avec Jean-Jacques Urvoas et Gilles Savary sur la nomination des dirigeants de la SNCF.
L’ensemble de trois entités, juridiquement et économiquement coordonnées, que crée le projet de loi viendra remplacer les deux établissements publics industriels et commerciaux actuels. Les travaux préparatoires de notre rapporteur ont permis de relever une lacune dans le projet gouvernemental, qui n’a pas pris en compte le mécanisme institué par l’article 13 de la Constitution et ses textes d’application pour la nomination des dirigeants de la Société nationale des chemins de fer français et de Réseau ferré de France. Ainsi, la réforme aboutirait à la disparition du contrôle parlementaire sur la nomination des dirigeants du nouvel ensemble.
Enfin, afin que les commissions compétentes en matière de transport, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, conservent leurs prérogatives au regard des trois établissements publics issus de la réforme, il convient de modifier non seulement la loi du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, mais également la loi organique du même jour, qui fixe la liste des emplois ou des fonctions concernés.
La modification de la loi organique suppose une procédure particulière, d’où le dépôt d’un second texte et la saisine au fond de la commission des lois. La proposition de loi organique vise à coordonner le droit existant avec les ambitions de la réforme ferroviaire. Elle prend en compte le mécanisme selon lequel « la nomination en qualité de président du directoire emporte nomination au sein du conseil d’administration de SNCF Mobilités et désignation en qualité de président de ce conseil d’administration », tandis que « la nomination en qualité de vice-président du directoire emporte nomination au sein du conseil d’administration de SNCF Réseau et désignation en qualité de président de ce conseil d’administration ». Elle tire également les conséquences de la nouvelle architecture, qui institue un conseil de surveillance de la SNCF et qui dote son président de pouvoirs exécutifs. Un contrôle parlementaire de sa nomination nous est donc apparu cohérent.
Tels sont les raisons pour lesquelles, à mon tour, je demande à l’Assemblée d’adopter ces deux textes.