Intervention de Gilles Savary

Séance en hémicycle du 17 juin 2014 à 15h00
Réforme ferroviaire - nomination des dirigeants de la sncf — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Je garde d’ailleurs quelques bons souvenirs de notre travail européen. Je pourrai lui apporter des réponses précises, puisqu’il s’interroge sur l’eurocompatibilité du texte de Frédéric Cuvillier, étant donné que j’ai également travaillé pendant trois ans pour la Commission européenne et que je peux donc faire quelques comparatifs. Ne nous le cachons pas, il existe deux philosophies. La première correspond à ce qui était jusqu’à une date récente l’orthodoxie de la Commission de Bruxelles, qui en réalité voulait démanteler les grandes entreprises ferroviaires, croyant naïvement que nous sommes dans un monde concurrentiel de Bisounours, celui que l’on étudie dans les écoles de sciences économiques qui nous expliquent que le monde est parfait, parce qu’il y a une atomicité du marché et que les petites entreprises font l’équilibre général de Léon Walras.

Cela ne s’est jamais passé ainsi : le capitalisme spontané a toujours créé des monstres, des oligopoles et des monopoles. Prenons l’exemple d’un pays où il est en train de démarrer : en Chine, tous les jours, les grandes entreprises dans tous les domaines prennent un tour de taille supplémentaire au point qu’Alstom, que l’on prenait pour un géant mondial, se révèle tout petit et incapable de se battre sur les marchés mondiaux. Le même clivage existe en Europe entre ceux qui pensent que plus on casse la grande entreprise – à condition qu’elle soit publique, puisque l’on ne casse pas les entreprises privées – plus le système est efficace et ceux qui considèrent, comme les Allemands, qu’au contraire, il faut des groupes dimensionnés.

La SNCF fait partie des grands historiques. Elle est le deuxième groupe le plus important, à défaut d’être le plus efficace des groupes de chemins de fer, j’en conviens. Les Anglais étaient en troisième position, mais ils ont préféré casser leur monopole historique. Leur chemin de fer intérieur ne fonctionne pas si mal, avec un modèle nouveau ; mais il n’existe plus sur le plan international et les Anglais seront incapables de faire face à la bagarre mondiale alors que la SNCF réalise 23 % de son chiffre d’affaires avec des marchés à l’étranger qui lui rapporteront de l’argent qui ne sera pas uniquement public, récupéré là où la mobilité se développe. Ces marchés sont considérables. Ce sont des milliards d’êtres humains qui s’éveillent tout juste à la mobilité et l’on voudrait leur envoyer une SNCF démembrée, cassée, en culotte courte, face au géant Deutsche Bahn qui a même racheté Arriva, l’un des plus gros opérateurs d’Europe centrale, et qui nous encercle aujourd’hui en Europe sur le fret ferroviaire, puisqu’il le possède de la Hollande jusqu’à l’Espagne. Nous avons attendu trop longtemps pour mener une stratégie européenne.

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