Intervention de Martial Saddier

Séance en hémicycle du 17 juin 2014 à 15h00
Réforme ferroviaire - nomination des dirigeants de la sncf — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartial Saddier :

Je tiens également à remercier mes collègues de l’UMP membres de la commission du développement durable ainsi qu’Antoine Herth, membre de la commission des affaires économiques.

Près de huit mois quasiment jour pour jour après que le Gouvernement a mis sur les rails sa réforme du ferroviaire en la déposant, le 16 octobre 2013, sur le bureau de notre assemblée, nous voilà enfin tous réunis aujourd’hui pour l’examen de ce texte en séance publique.

Annoncé dans un premier temps au printemps 2014, l’examen du projet de loi portant réforme ferroviaire n’a, en effet, cessé d’être repoussé, d’abord après les élections municipales avec un examen prévu initialement au sein de la commission du développement durable le 6 mai dernier, pour être à nouveau décalé au 27 mai dernier.

Et voilà que maintenant, le Gouvernement, après de nombreuses tergiversations quant au bon calendrier parlementaire, décide de nous imposer un débat législatif à très grande vitesse en engageant, le 22 mai dernier, une nouvelle fois la procédure accélérée. Après avoir fait traîner son inscription à l’ordre du jour pendant plusieurs mois, on nous presse maintenant d’adopter le plus rapidement possible – mais comme l’a indiqué notre collègue Bussereau, nous jouerons le jeu sans faire d’obstruction – un texte très technique et particulièrement complexe, même pour les spécialistes des questions ferroviaires, pour qu’il puisse entrer en vigueur dès le 1er janvier 2015.

Nous n’avons donc pas intérêt à rater le train de la réforme – si vous me permettez cette expression – car nous n’aurons malheureusement pas droit à une deuxième lecture du projet de loi au sein de notre assemblée. Pour une réforme de cette envergure, et qui selon vos dires, monsieur le secrétaire d’État, a pour objectif de « moderniser et renforcer le secteur public du ferroviaire », il aurait été indispensable que nous puissions débattre sereinement et que la navette parlementaire vienne enrichir un texte qui n’est, nous vous l’avons déjà répété à de multiples reprises en commission, pas du tout satisfaisant en l’état.

Au vu de la technicité des dispositions inscrites dans ce projet de loi, recourir à la procédure accélérée ne présage pas vraiment un travail parlementaire sérieux, de qualité et de fond. Avec mes collègues du groupe UMP, nous aurions souhaité que le Gouvernement ne se presse pas et qu’il laisse à l’Assemblée nationale puis au Sénat le temps de débattre dans des conditions optimales sur une réforme qui aura des répercussions sur notre marché ferroviaire pour de nombreuses années à venir – je pense aux échéances de 2019.

J’ai bien peur, monsieur le secrétaire d’État, que votre texte ne connaisse au final le même sort que s’apprête à connaître la loi ALUR, adoptée en temps législatif programmé et en un temps record pour un des textes les plus complexes de cette législature, et dont le Premier ministre a annoncé vendredi qu’elle subirait prochainement un certain nombre de modifications en raison des effets négatifs qu’elle pourrait entraîner sur la construction de logements, ce que nous constatons déjà. Et ce n’était pas faute de vous l’avoir répété, avec mes collègues du groupe UMP, dans cet hémicycle. C’est pourquoi, il est impératif que nous retournions immédiatement travailler en commission.

Nous devons d’autant plus retravailler ce texte que – nous en sommes tous conscients sur les bancs de cet hémicycle – la nécessité de réformer notre système ferroviaire est désormais impérative. Depuis quelques années déjà, celui-ci ne répond plus aux attentes des voyageurs en termes de qualité, d’efficacité et d’efficience. Le fret ferroviaire est, lui aussi, en grande difficulté. Mais surtout, notre marché ferroviaire présente une situation financière inquiétante. Sa dette atteint, en effet, un niveau historique, s’élevant à plus de 43 milliards d’euros. Cette situation très dégradée plombe dangereusement l’investissement et pourrait conduire à une stagnation et à une contraction du réseau. En l’état actuel, et si aucune réforme n’aboutissait, le déficit de RFF s’alourdirait et se creuserait d’environ 1,5 milliard d’euros, voire 2 milliards d’euros.

Par ailleurs, l’activité ferroviaire de SNCF Geodis est également en chute de moitié. Je ne parle pas de l’absence à ce stade de dispositions concernant l’association des collectivités territoriales – je pense aux gares, aux dessertes des territoires ruraux, des territoires du littoral, de montagne. Nous pensons que ce texte n’est pas à la hauteur de l’enjeu, celui d’inscrire la France dans un grand réseau compatible à l’échelle de l’Union européenne.

Consciente que la séparation entre le gestionnaire d’infrastructure et l’entreprise ferroviaire introduite par la loi de 1997 portant création de RFF en vue du renouveau du transport ferroviaire n’a pas permis de réduire la dette et a, en pratique, révélé de multiples dysfonctionnements, notre majorité a mis en place, dès 2011, les assises du ferroviaire. Lancées par Nathalie Kosciusko-Morizet et Thierry Mariani, ces assises, auxquelles j’ai pris part en tant que membre de la commission travaillant sur la filière ferroviaire française, ont été indéniablement le fait générateur de la réflexion vers une profonde réforme de notre système ferroviaire.

À l’issue des travaux des quatre commissions en décembre 2011, l’idée d’un projet opérationnel d’unification du gestionnaire du Réseau ferré national, grand gestionnaire d’infrastructure, rassemblant tout ou partie des fonctions exercées par RFF, l’ensemble de la DCF et de SNCF Infra a été avancée. Les assises ont également conclu à la nécessité d’un système ferroviaire où l’État exerce un rôle de stratège, avec un régulateur fort, mais indépendant.

Malheureusement, les dispositions que vous nous présentez aujourd’hui, bien qu’elles aient subi quelques avancées en commission, n’atteindront pas ces objectifs. Vous partagerez, j’en suis sûr, mes chers collègues, mon point de vue, à la fin de cette motion de renvoi en commission, que vous voterez, je n’en doute pas une seconde.

Permettez-moi tout d’abord de commencer par une touche positive car les douze heures et les quatre réunions intenses de débats en commission du développement durable ont eu tout de même le mérite d’avoir permis d’améliorer sensiblement le projet de loi initial du Gouvernement sur de nombreux points – je pense à l’ARAF notamment. Permettez-moi d’y associer les députés UMP parce que nous avons pris toute notre part à ces avancées.

Lors des assises du ferroviaire, notre majorité avait proposé la mise en place d’une gouvernance publique claire et forte reposant sur un État stratège pour faciliter l’ouverture à la concurrence. Nous saluons donc les améliorations apportées à l’issue des travaux de la commission du développement durable sur ce point. Désormais, le projet de loi prévoit de nouvelles missions pour l’État. Ce dernier devra assurer la programmation des investissements d’infrastructures. Il est également chargé du développement du fret et du transport modal. Enfin, en tant qu’élu d’un territoire rural et de montagne, je salue la nouvelle rédaction de l’article 1er qui prévoit désormais que l’État assure la complémentarité entre les lignes à grande vitesse, les lignes d’équilibre du territoire et les lignes régionales. Cette nouvelle disposition permettra ainsi de garantir le développement équilibré de l’ensemble de nos territoires.

Autre avancée majeure et qui a suscité d’importants débats en commission : le renforcement du rôle de l’ARAF. Les dispositions initiales du projet de loi réduisaient considérablement les pouvoirs de ce régulateur. Alors qu’auparavant, l’ARAF pouvait émettre des avis conformes dans le domaine de la régulation, et de la tarification, le projet de loi initial ne retenait que la possibilité pour cette instance de donner un avis simple en matière de tarification, avis qui n’a qu’une portée indicative. Or un avis conforme est nécessaire pour donner plus de légitimité et ainsi éviter la multiplication de la contestation des tarifs par les opérateurs. L’Autorité ne disposait pas non plus de pouvoirs contraignants s’agissant de la surveillance du personnel et des questions financières. De telles dispositions allaient à l’encontre des mesures prévues dans le quatrième paquet ferroviaire qui préconise l’existence de régulateurs forts pour parvenir à l’ouverture à la concurrence du marché ferroviaire.

À la suite de nos débats fructueux en commission, l’ARAF peut désormais émettre un avis conforme sur la fixation des redevances et de la tarification. Elle dispose également de nouveaux pouvoirs. En plus d’émettre un avis sur les contrats conclus entre la SNCF et l’État mais également entre SNCF Réseau et l’État, l’ARAF pourra fixer les délais relatifs aux demandes d’accès aux infrastructures de services et aux services et elle disposera d’une possibilité de sanctions étendues à l’EPIC de tête. De plus, les rapports d’activité de SNCF et SNCF Réseau lui seront transmis.

Toutefois, bien que le projet de loi ait été amélioré concernant l’ARAF – vous reconnaîtrez, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, que j’ai le mérite de le souligner –, de nombreuses interrogations à son sujet demeurent. Quel est exactement le nombre de membres du collège pendant la période transitoire allant de la promulgation de la loi au renouvellement du mandat des membres actuels prévu en 2016 ? Une incohérence réside actuellement dans le projet de loi : l’article 4 fait état de cinq membres dont trois permanents, à savoir le président et deux vice-présidents durant la période provisoire, alors que l’article 17 prévoit, lui, que les sept membres en fonction de l’ARAF exercent leurs mandats jusqu’à leur terme, soit 2016. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, nous apporter des précisions – en commission, bien sûr, puisque nous allons y retourner – quant à la composition exacte du collège de l’ARAF durant la période transitoire ?

Enfin, nos travaux en commission ont permis d’améliorer les relations entre l’EPIC de tête et ses deux filiales en accentuant l’indépendance de SNCF Réseau par rapport à la SNCF et en l’inscrivant clairement dans le projet de loi, ce qui était absolument nécessaire, monsieur le secrétaire d’État.

Malgré les avancées apportées au projet de loi portant réforme ferroviaire, un retour en commission du développement durable s’impose tout de même. Le texte reste pour l’heure décevant sur le fond et nous craignons qu’il n’aille pas du tout dans le sens d’une véritable modernisation et d’une dynamisation de notre marché ferroviaire. Permettez-moi ici, mes chers collègues, de vous en faire la démonstration, laquelle nous conduira inévitablement à retrouver les bancs de notre commission pour y poursuivre nos travaux.

Tout d’abord, le projet de loi prévoit la création d’un grand groupe public ferroviaire composé d’un EPIC de tête appelé SNCF et de deux EPIC « filles » : un gestionnaire d’infrastructure unifié, SNCF Réseau, et un exploitant ferroviaire, SNCF Mobilités. Or, telle qu’elle est prévue dans le texte, cette nouvelle structure nous paraît particulièrement ambiguë. La répartition des rôles entre les trois EPIC, leurs relations et les fonctions qu’ils exercent en commun ne sont pas, à ce stade, clairement définies dans le texte. Un flou entoure également la structure de tête, dont même les promoteurs peinent à définir le contenu et les missions. Avec mes collègues du groupe UMP, nous sommes convaincus qu’elle fait courir le risque d’un effacement de l’État stratège et d’une mise sous tutelle du gestionnaire de réseau par l’opérateur SNCF. Nous craignons en outre qu’elle engendre une multiplication des conflits de fonctionnement et de pouvoir entre l’EPIC et ses deux filiales, entraînant d’importants surcoûts au lieu des économies que vous annoncez, et un certain immobilisme au lieu du dynamisme que nous attendons.

De plus – et cela vaut son pesant de cacahuètes –, avec un directoire à deux têtes composé du président de l’exploitation ferroviaire et du président du gestionnaire d’infrastructures, comment voulez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que les décisions soient opérantes ?

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