Intervention de Alain Marty

Séance en hémicycle du 7 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Marty, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour le soutien et la logistique interarmées :

Monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, les crédits que j'ai pour mission de vous présenter au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées sont ceux qui contribuent au soutien et à la logistique interarmées ; ils correspondent au programme 212 « Soutien de la politique de défense » et à quatre des sept actions du programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

Les crédits consacrés au soutien et à la logistique interarmées s'élèvent à 9,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 8,960 milliards en crédits de paiement. Comme vous l'aviez indiqué devant la commission, monsieur le ministre, le budget pour 2013 est stable par rapport à celui de 2012. Il s'agit, selon vos propos, d'un budget de transition, en attendant la nouvelle loi de programmation militaire.

J'insisterai sur quatre points. Le premier concerne le projet Balard. Vous avez confirmé le partenariat public-privé et engagé les discussions avec la mairie de Paris pour aplanir les difficultés de ce dossier. Je suis pour ma part satisfait de cette orientation, car nos armées et les services du ministère ont besoin de locaux modernes et adaptés pour pallier l'inconvénient d'implantations dispersées et parfois anciennes.

C'est aussi un signe fort de la réforme en profondeur du ministère, avec une identité architecturale dans le paysage parisien marquant le rassemblement du ministère et de l'ensemble de ses personnels. Je rejoins la présidente de la commission, qui a fait remarquer que la difficulté de ce partenariat résidait probablement dans le suivi des avenants qui risquent d'intervenir avec Opale Défense. Nous devrons être vigilants sur ce point.

Le deuxième point est celui des tensions marquées au niveau du financement des infrastructures, un financement sous-calibré par rapport aux besoins. En 2013, si l'on neutralise l'effet comptable de la procédure des engagements par tranches fonctionnelles, on observe une baisse de 160 millions d'euros des crédits. Cette baisse conduit le ministère à geler plusieurs opérations pour un total de 351 millions d'euros, après un gel de 393 millions d'euros en 2012. Il m'a été confirmé que ces baisses n'entraînaient pas de rupture dans le fonctionnement de nos armées, mais rendaient plus difficile l'utilisation des nouveaux matériels dont disposent les forces – je pense par exemple au VBCI ou encore aux pontons destinés à amarrer les frégates dans les rades de Brest et Toulon. Je prends cependant acte des travaux importants réalisés en vue de l'accueil du NH90 à Phalsbourg, de l'A400M à Orléans ou encore du sous-marin d'attaque à Toulon.

Le troisième point concerne les crédits de fonctionnement des bases de défense. Une réforme considérable a été menée par nos armées dans le domaine du soutien logistique. Dans le budget pour 2013, vous portez la dotation de fonctionnement à 720 millions d'euros, alors qu'un audit du contrôle général des armées fixe les besoins à 770 millions. La nette progression des crédits va cependant dans le bon sens : alors qu'il est important que les personnels disposent de moyens financiers leur permettant de mener correctement leurs actions, ils étaient jusqu'alors quelque peu démoralisés par les conditions de mise en oeuvre des bases de défense.

J'en viens au quatrième point. Il m'a paru utile, comme le souhaitait la présidente de notre commission, de faire une évaluation plus approfondie d'une des politiques financées par les crédits que je rapporte. Le rapport public thématique de la Cour des comptes d'octobre 2010 a été jugé sévère, parfois même injuste, par les membres du service de santé des armées. Ce service est, rappelons-le, avant tout un outil militaire. Il s'agit d'un service interarmées dont la vocation première est de pourvoir au soutien sanitaire de nos forces. Fort de ses 16 000 agents, de ses hôpitaux d'instruction des armées, de ses centres médicaux des armées, le SSA assure sa mission au service de nos forces.

Je ne vais pas développer ici les critiques de la Cour des comptes, largement exposées dans mon rapport, ni le détail des mesures prises par le service de santé des armées pour y répondre, mais je tiens à signaler que le SSA a entrepris une adaptation en profondeur : rassemblement de la formation médicale sur un seul site à Lyon ; concentration sur un seul site de la logistique et, bientôt, de la recherche ; services médicaux d'unité regroupés en centres médicaux des armées au sein des bases de défense ; actions importantes en vue de la réduction des déficits des hôpitaux d'instruction des armées, qui ont tous conclu avec la direction centrale du SSA un « contrat de retour à l'équilibre ». Ces contrats se traduisent par une augmentation importante de l'activité, avec une recherche de financement au niveau de l'assurance maladie et des mutuelles, une meilleure insertion dans l'offre de soins territoriale et une réduction des dépenses.

Je salue les efforts accomplis et le dévouement des femmes et des hommes qui servent à tous les niveaux. Toutefois, il me semble que l'on ne peut pas transposer les grilles d'analyse des hôpitaux publics aux hôpitaux d'instruction des armées. Je formule donc trois propositions : premièrement, chiffrer l'impact financier des missions régaliennes des hôpitaux d'instruction des armées, car on m'a fait remarquer que, lorsque des équipes médicales sont absentes, c'est autant d'activité qui ne se fait pas au niveau de l'hôpital, ce dont il convient de tenir compte dans le bilan ; deuxièmement, déconcentrer en partie la gestion des hôpitaux d'instruction des armées pour favoriser les adaptations et les coopérations avec les hôpitaux publics – recourir à un personnel temporaire pour suppléer à des départs en opération est très compliqué : la réponse n'arrive souvent qu'après le retour d'opération des personnels concernés ; troisièmement, enfin, réaffirmer notre attachement au service de santé des armées, qui permet de disposer d'un outil militaire en supportant son coût de possession.

Tels sont les éléments issus de mon rapport, sur lesquels la commission a émis un avis favorable. En conclusion, j'élargirai quelque peu mon propos, en espérant que M. le ministre ne m'en voudra pas. Si la majorité et l'opposition ont d'importantes divergences de vues, elles ont en commun la volonté de maintenir un outil de défense et de sécurité nationale avec des capacités opérationnelles, des moyens matériels et humains permettant à notre pays d'assurer son rang et sa sécurité. J'ai conscience que la tâche est difficile, dès lors que d'autres priorités sont énoncées. Je pense à cette proposition, qui m'apparaît déraisonnable, de recruter 60 000 enseignants supplémentaires pour un ministère comptant déjà un million de fonctionnaires. Chaque fois que vous défendrez notre outil de défense, monsieur le ministre, nous serons à vos côtés.

Permettez-moi, pour finir, d'évoquer les inquiétudes des personnels. Étant un élu de l'Est, je rencontre souvent des militaires de l'armée de terre, qui redoutent que l'armée soit, une fois de plus, une variable d'ajustement à des préoccupations financières. L'armée de terre a déjà connu, dans l'Est, de très fortes réductions de son format après une restructuration vécue difficilement par de nombreux territoires. Comme vous l'avez déjà fait devant la commission, monsieur le ministre, vous nous répondrez certainement sur ce point en nous exposant votre opinion.

Je rappelle les propos de notre rapporteur pour l'armée de terre, qui évoque un format juste suffisant. Après une réforme en profondeur comprenant une déflation des effectifs, les personnels ne comprennent pas le gel des avancements. Sur ce point aussi, sans doute avez-vous des informations à nous communiquer, monsieur le ministre. Dans un contexte morose, nous comptons sur votre détermination et votre engagement pour gagner les fréquents arbitrages ayant lieu au niveau des plus hautes autorités de l'État. J'insiste sur le fait que, bien qu'étant de l'opposition, je vous fais pleinement confiance pour gagner ces arbitrages au service de notre outil de défense.

Je conclurai en rapportant les propos de nos chefs militaires. L'amiral Guillaud a rappelé que l'effort de défense était de 2 % du produit intérieur brut en 1997 pour se stabiliser durant une dizaine d'années entre 1,6 % et 1,7 %. En 2012, il est de 1,55 % – ce qui, j'en conviens, n'est pas de votre responsabilité. À l'horizon 2015, il risque de dépasser à peine 1,3 %, ce qui est préoccupant pour la qualité de notre outil de défense.

Quant au général Ract Madoux, il considère que « toutes les difficultés de l'armée de terre ont pour seule origine la lente et immuable érosion du budget de la défense » et énonce cette mise en garde : « De même que laisser la question de la dette à nos enfants est irresponsable, les laisser sans défense crédible le serait tout autant ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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