Intervention de Martial Saddier

Séance en hémicycle du 17 juin 2014 à 15h00
Réforme ferroviaire - nomination des dirigeants de la sncf — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartial Saddier :

Autre question que nous nous posons depuis le début de l’examen de votre projet de loi : qu’en est-il exactement du financement de la réforme ? Pouvez-vous enfin nous apporter des éléments de réponse sur les économies réalisées grâce à la mise en oeuvre de la réforme ferroviaire ? Autant de questions pour lesquelles nous n’avons pas l’ombre d’un commencement de réponse ni de la part des élus de la majorité ni du Gouvernement. C’est pourquoi, en attendant que vous puissiez nous communiquer ces données chiffrées indispensables à un débat et un travail parlementaire pertinents, il nous faut retourner le plus vite possible en commission.

Votre texte, monsieur le secrétaire d’État, prévoit, pour stabiliser la dette du système ferroviaire qui s’élève à 43 milliards d’euros, la création d’un pot commun avec les bénéfices éventuels de SNCF Mobilités et des économies réalisées sur les coûts de production du gestionnaire intégré unifié de 2 % par an pendant cinq ans – sur lesquelles nous n’avons pas non plus le début d’un commencement d’explication –, soit 200 millions d’euros d’économies par an. Quelque chose m’échappe : comment l’équilibre parviendra-t-il à être atteint à moyen terme, mes chers collègues ? Selon mes calculs, qui sont exacts, je vous l’assure, avec un déficit structurel évalué à 1,4 milliard d’euros, la réintégration du résultat net de SNCF Mobilités à hauteur de 400 millions d’euros et les économies potentielles de 200 millions d’euros – dont nous attendons toujours le détail –, nous aboutissons à un déficit structurel d’un montant de 800 millions d’euros pour la première année de fonctionnement des trois EPIC. Qu’en sera-t-il pour les autres années ? Quel sera le montant exact de ces économies dans deux ou dans trois ans, par exemple ? Combien d’années seront nécessaires pour parvenir à résorber efficacement ce déficit ?

Nous attendons ardemment vos réponses à toutes ces questions, monsieur le secrétaire d’État. Hormis vos prévisions plus qu’optimistes, il faut le reconnaître, vous ne nous donnez pour l’instant aucun gage concernant l’équilibre financier du futur groupe intégré SNCF.

De prime abord, la création d’un système intégré regroupant SNCF et RFF peut nous faire croire que des économies seront inévitablement réalisées, du fait de la suppression des doublons entre RFF et SNCF ou de l’instauration d’une politique d’achat commune pour le gestionnaire unifié. En réalité, nous craignons qu’elle n’entraîne, au contraire, d’importants surcoûts et que les gains de performance soient minimes. Comment escompter des économies notables en rapprochant un gestionnaire d’infrastructures et un opérateur qui exercent deux activités différentes ? La création d’un nouvel établissement public et l’incertitude de son fonctionnement ne permettront au mieux que de réaliser des économies marginales et auront, au pire, l’effet inverse en entraînant des coûts multiples et non maîtrisés.

Enfin, qu’en est-il de l’euro-compatibilité de votre réforme ? Des progrès ont été réalisés, nous en convenons, à la suite de nos travaux en commission du développement durable, mais nous craignons vraiment – et certains de mes arguments l’ont déjà démontré – que votre texte ne rentre pas pleinement dans les futurs cadres fixés par l’Union européenne. Rôle du régulateur national, indépendance du gestionnaire d’infrastructure unifié, décret-socle, voilà autant de volets de votre projet de loi, mes chers collègues, qui poseront sans doute un problème de compatibilité avec la législation européenne. S’agissant notamment des questions sociales, il ne faudrait pas que le décret-socle et la convention collective nationale créent des barrières à l’entrée d’autres opérateurs, sous peine de voir votre projet de loi retoqué par la Commission européenne.

Il est impératif, mes chers collègues, que nous anticipions et préparions, dès aujourd’hui, au travers des différentes mesures figurant dans cette réforme, l’ouverture à la concurrence. Sinon, le risque est grand que nous courions droit vers un échec comme cela a été le cas au moment de l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, ce secteur s’étant depuis quelques années effondré malgré de nombreux plans de relance.

Un calendrier parlementaire inadapté à l’examen d’un projet de loi d’une trop grande technicité et qui aurait nettement mérité deux lectures au sein de chacune des chambres, un flou entourant les relations et les rôles des trois EPIC ainsi que les économies censées être réalisées à travers la réforme, un manque toujours flagrant d’indépendance entre le gestionnaire d’infrastructures et l’opérateur ferroviaire, un régulateur aux pouvoirs certes renforcés depuis l’examen en commission mais qui ne pourra pas faire figure de régulateur fort, une réforme qui risque, à très court terme, de ne pas être compatible avec la législation européenne pour ce qui regarde notamment la politique sociale pour les cheminots, le rôle du régulateur et l’indépendance du pôle public unifié : voilà, mes chers collègues, autant de raisons pour lesquelles il nous faut maintenant retourner en commission. Nous nous tiendrons à votre disposition, monsieur le président de la commission, toute cette nuit, toute la nuit de demain et toute celle de jeudi, s’il le faut.

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