Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de préparation et d'emploi des forces navales du programme 178 s'élèveront en 2013 à 4,3 milliards d'euros, dans la continuité du budget précédent, où ils s'élevaient à 4,2 milliards d'euros. Les crédits destinés à la marine, hors équipements et hors soutien, constituent toujours un peu moins du cinquième des crédits du programme 178.
L'essentiel des crédits du programme – 2,5 milliards d'euros – est consacré aux dépenses de personnel. La réduction des effectifs se poursuit, suivant la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire, pour que la marine atteigne le format de 39 000 militaires et civils en 2015 : 520 postes sont supprimés dans le projet de loi de finances et 149 sont transférés vers d'autres programmes. Avec 41 145 personnes aujourd'hui – je ne sais quel stade pourrait les contenir (Sourires) –, la marine est très proche de sa cible.
Les crédits d'entretien programmé du matériel qui regroupent, hors dépenses de personnel, les dépenses du maintien en condition opérationnelle – le MCO – des équipements, s'élèvent pour 2013 à 1,4 milliard d'euros en crédits de paiement, dans la lignée du budget de l'année dernière.
Si ces crédits sont stables, j'aimerais attirer votre attention sur deux points. Les crédits de MCO servent toujours de variable d'ajustement lorsque les crédits de la marine sont touchés par des gels ou par des annulations en cours d'année, 42 millions pour l'année 2012. Le report de l'entretien programmé d'un bâtiment à l'année suivante ou l'annulation d'une petite réparation sont souvent indolores dans l'immédiat, puisqu'ils ne remettent pas en cause sa disponibilité à court terme. Mais ces coupes budgétaires fragilisent incontestablement la disponibilité à plus long terme des bâtiments de la marine car la somme de ces petites suppressions entame le « capital » des bâtiments.
Par ailleurs, avec le renouvellement des équipements en cours, la marine dispose à la fois de matériels très modernes, qui nécessitent dans les premières années un entretien plus coûteux, et de bâtiments très anciens, dont le coût d'entretien est également très élevé. C'est ce que les marins appellent la « courbe en baignoire ». La coexistence de plusieurs générations de navires et d'aéronefs, aux technologies très différentes, ne facilite pas leur entretien.
Il est donc important que la prochaine loi de programmation militaire fasse des choix de matériels cohérents, en commandant des séries, afin que l'entretien bénéficie d'un indispensable « effet de parc » et que son organisation soit facilitée par des synergies.
Je voudrais dire quelques mots sur le renouvellement des équipements. Avec les FREMM, les bâtiments de projection et de commandement ou le programme Barracuda de renouvellement des sous-marins nucléaires d'attaque, la marine est en voie de disposer de matériels modernes et performants.
Mais d'autres programmes mériteraient d'être lancés rapidement. Je pense à la flotte logistique : la moyenne d'âge des pétroliers ravitailleurs, clé de voûte de la capacité de projection du groupe aéronaval, est de 27 ans. Or le programme FLOTLOG ne devrait être lancé qu'à partir de 2018.
Les hélicoptères Alouette 3 sont également à bout de course, avec une moyenne d'âge de 45 ans. Il est de plus en plus difficile de trouver les compétences pour assurer leur entretien. Or le programme interarmées de remplacement des hélicoptères légers n'est pas encore lancé. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire part de vos intentions pour ces deux programmes ?
J'ai consacré une partie de mon rapport à l'examen des forces de souveraineté : au 1er juillet 2012, elles comprenaient un peu moins de 10 000 militaires, dont 1 731 marins. Leur format a été réduit de 20 % depuis 2008, à la suite du Livre blanc. Force est de constater que cette évolution est allée à contre-courant des enjeux croissants que représentent les océans. On peut regretter que le Livre blanc de 2008 ait sous-estimé la dimension stratégique des océans, leur importance pour la France, et la « maritimisation » du monde.
Aussi, les moyens nécessaires à l'exercice des missions de souveraineté n'ont pas été prévus dans la loi de programmation militaire. Aujourd'hui, ces forces, sous-dotées en patrouilleurs de surveillance et en avions, doivent faire face à des ruptures temporaires de capacité. Il est urgent de lancer, sans attendre la prochaine décennie, les programmes AVISMAR et BATISMAR. Monsieur le ministre, cette dimension maritime sera-t-elle bien prise en compte dans le futur Livre blanc ?
Pour conclure, je dirai que notre marine se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. Certes, la loi de programmation militaire 2009-2014 a consenti un effort important pour les équipements, mais la crise financière et la participation du budget de la défense à l'effort de redressement des comptes publics ont fait progressivement dévier l'exécution de sa trajectoire. Si nous poursuivons sur la même pente, la marine sera contrainte d'abandonner prochainement certaines fonctions et certains savoir-faire. Si la France renonçait à sa marine océanique à vocation mondiale, elle enverrait un triste signal au moment où le processus de maritimisation du monde s'accélère. Les choix opérés par le futur Livre blanc seront donc déterminants.
À l'issue de ses travaux, la commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits « Marine » du programme 178 « Préparation et emploi des forces » pour l'année 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)