Intervention de Serge Grouard

Séance en hémicycle du 7 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Grouard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l'air :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le ministre, il est bien difficile de présenter le budget de l'armée de l'air en quelques minutes. Je me permettrai donc de renvoyer à mon rapport et aux propos plus détaillés que j'ai pu tenir en commission.

Je voudrais situer mon intervention à un autre niveau, complémentaire, je crois, des précédentes, en posant trois questions : quel est le contexte géostratégique aujourd'hui ? Quel est l'enjeu majeur pour le budget de la défense et pour la future loi de programmation militaire ? Quelles réponses apporterez-vous, monsieur le ministre ?

Au plan mondial, le contexte géostratégique se résume en une phrase : la puissance bascule vers l'Asie, au détriment du monde occidental. Comment y faire face ? Au plan européen, nous assistons à une sorte de fatalité, celle de l'émiettement politique et stratégique, alors qu'il nous faut réunir nos forces pour nous porter à l'échelle du monde. Comment y parvenir ? Au plan national, l'outil de défense est opérationnel, au prix d'un formidable effort d'adaptation de nos forces armées consenti depuis vingt ans, peut-être davantage. L'opération Harmattan, que nous avons étudiée dans le détail, l'a montré. Elle impose la reconnaissance de la nation à l'égard de nos militaires engagés. Comment pérenniser l'outil de défense dans un contexte budgétaire particulièrement contraint ?

Cette analyse, très sommaire, je m'en excuse, nous conduit à nous interroger sur l'enjeu auquel vous êtes confronté, monsieur le ministre.

Cet enjeu est simple. Soit l'on réduit dans les années qui viennent les moyens financiers consacrés à la défense, et – il est de notre responsabilité politique de le dire, indépendamment des sensibilités qui sont les nôtres – cela mènera immanquablement à un déclassement stratégique, accompagné de ruptures capacitaires et d'un décrochage technologique, donc à l'abaissement de la France ; soit l'on préserve ce budget, et les fondamentaux de notre défense – la dissuasion et la capacité conventionnelle d'intervention – demeureront intacts, le modèle et le format d'armée définis dans le précédent Livre blanc resteront les mêmes, le risque de rupture capacitaire, bien réel, sera évité et la France sera dotée d'une capacité de remontée en puissance, le cas échéant.

Notre pays serait alors un vecteur crédible de la réunion des forces européennes, essentielle dans le contexte stratégique de basculement de la puissance vers l'Asie.

Face à cet enjeu, votre budget est un budget d'attente. Nous pouvons dire, monsieur le ministre, qu'en maintenant les crédits à 31,4 milliards d'euros, vous préservez le champ des possibles, et c'est une bonne chose. Le véritable rendez-vous sera celui de la prochaine loi de programmation militaire. S'agissant du programme 178, action 4, les autorisations d'engagement sont en augmentation de 5,7 % ; les crédits de paiement sont en baisse de 0,8 %.

Je note des points positifs : l'arrivée des premiers A400M, tant attendus, et le lancement du programme d'avions ravitailleurs en vol, fondamental, comme l'opération Harmattan l'a démontré.

En revanche, je souhaite exercer mon devoir d'alerte. D'abord sur les effectifs, la formation et l'entraînement des forces de l'armée de l'air : nous atteignons l'étiage. Nous ne pourrons plus diminuer les moyens qui y sont consacrés, au-delà de ce qui est prévu par la présente loi de programmation militaire, sans toucher à la compétence de nos militaires. Ensuite sur les équipements : autant j'ai salué les efforts qui avaient été faits, autant j'estime que le risque de rupture capacitaire existe toujours, en matière de transport, de ravitaillement. Je pense aussi au sujet, moins évoqué, de la surveillance du territoire, aux moyens anti-missiles sol-air et aux drones, dont a parlé notre collègue Le Déaut.

Il s'agit d'un budget d'attente. J'ai donc proposé à la commission ce qui ressemblerait à un vote d'attente, dans la perspective de la prochaine loi de programmation : l'abstention.

La France a été capable du meilleur et du pire. Elle a connu l'impréparation de 1870, les erreurs de 1914, le drame de 1940. Mais elle a connu aussi la grande période gaullienne, avec la construction de notre dissuasion, les choix courageux de Jacques Chirac, avec la professionnalisation des forces. Nous sommes confrontés à des choix de même ampleur. J'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez les porter comme il convient, pour la France, pour son rang et pour sa crédibilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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