Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens d’abord à rendre hommage aux agents de la SNCF et à l’ensemble des cheminots. Comme nous tous, je pense à eux aujourd’hui. On a souvent tendance à dire que l’on se souvient des trains qui arrivent en retard mais jamais de ceux qui sont à l’heure. Ce dicton populaire s’adresse évidemment en priorité à la SNCF. Je pense à la formidable aventure industrielle et humaine et à ce beau réseau fiable, envié par tous. C’est une chance pour le développement de ce grand groupe qu’est la SNCF de pouvoir compter sur des cheminots d’une très grande qualité.
À quelques jours de l’anniversaire du Débarquement, je pense aussi à la résistance des cheminots, à la bataille du rail que vous avez évoquée tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État. Lorsque les cheminots s’engagent, ils le font jusqu’au bout.
Je pense aussi à mon oncle, engagé à l’âge de quatorze ans comme apprenti pour alimenter une machine à vapeur, et qui a achevé sa carrière en tant que directeur régional de la SNCF dans une grande région. Ce sont de beaux parcours qu’ont fait et que continuent à faire les agents qui s’engagent à la SNCF.
Je me félicite que l’État puisse avoir – enfin, dirai-je – une stratégie ferroviaire. Ne boudons pas notre plaisir, même si nous ne sommes pas d’accord sur tout. Je m’interroge sur les raisons de la crise qui justifient qu’une réforme urgente soit nécessaire, même si celle-ci n’est peut-être pas suffisante.
L’histoire du secteur ferroviaire en France, c’est aussi, hélas, celle du train qui est entré dans le tunnel et qui n’en voit pas encore aujourd’hui le bout. Comment en sommes-nous arrivés à 1,5 milliard de déficit annuel – demain à 3 milliards –, et à 40 milliards de dettes ? Qui est responsable ?
Comme beaucoup de grands pans de l’économie nationale, le secteur du transport n’a pas vu l’évolution du monde, l’arrivée de la concurrence. La SNCF, c’est un service qui est en concurrence avec les autres modes de transport comme le covoiturage, le camion, le fret. Comment ne pas être frappé par l’arrivée de la concurrence du privé dans le secteur du transport de marchandises ? En six ans, il a pris 26 % de parts de marchés. Comment ne pas non plus être frappé par l’évolution des techniques et des méthodes qui nous font tous penser que la concurrence est toujours bénéfique, parce qu’elle permet de comparer, de s’adapter et de faire mieux, y compris dans le domaine du transport ?
Personne ne s’est intéressé à la dette parce que l’Union européenne ne s’en préoccupait pas. Dominique Bussereau en a parlé tout à l’heure. On aurait sans doute continué à faire de la dette si l’Union européenne n’avait pas sifflé la fin de la récré en disant que cela rentrait dans le cadre des critères de Maastricht. Chacun a réclamé des grandes infrastructures, chacun voulait sa gare TGV sans se soucier de savoir qui devait payer.
Enfin, comme l’a dit le rapporteur, notre système ferroviaire a baissé les bras face à des missions de bon sens comme le transport de proximité.
Il faut donc réformer, et de manière urgente. Il faut regrouper les métiers, éviter les doublons, poser les bases d’une convention collective évidemment indispensable, organiser l’indépendance du gestionnaire et ses relations par rapport aux opérateurs. Guillaume Pepy et Jacques Rapoport s’engagent à réaliser 1 milliard d’économies par an. Banco ! Nous faisons plutôt confiance en leur diagnostic. Compte tenu du chiffre d’affaires, un tel objectif n’est pas insurmontable. Nous les jugerons sur les actes. M. le secrétaire d’État a parlé tout à l’heure de ce pari de réaliser 500 millions d’économies.
Il reste évidemment beaucoup de questions, qui seront abordées au cours de la discussion. La réforme prévoit la création de trois EPIC. C’est un système complexe. Peut-être eût-il fallu aller plus loin en créant une société anonyme. C’eût été le bon sens. Mais si nous avions été au pouvoir, aurions-nous fait mieux, aurions-nous proposé d’emblée de créer une société anonyme ? Je n’en suis pas certain. C’est sans doute le prochain rendez-vous.
Il faudra que la nouvelle convention collective tienne compte de la réalité du monde d’aujourd’hui. Sur ce point, je suis d’accord avec mes amis et collègues du groupe UMP. C’est la question du décret-socle. Je rappelle qu’en Allemagne, un conducteur de train travaille quarante heures par semaine et explique qu’il est plus facile aujourd’hui de conduire un train qu’un camion, qu’on est formé en six mois. Faisons confiance au bon sens, aux capacités de négociation, mais posons-nous cette question.
Nous continuons à penser qu’il faut réfléchir à une véritable évolution du statut du personnel du groupe public ferroviaire. L’homogénéisation des régimes en matière de durée et de conditions de travail pourrait s’avérer contre-productive, notamment en termes de compétitivité, si elle était mal faite. Sur cette question, je suis d’accord avec l’analyse qu’a faite il y a quelques instants Dominique Bussereau.
Le groupe UDI souhaite obtenir davantage d’informations sur ce sujet car l’objectif n’est pas de continuer à perdre des parts de marchés en matière de transport de marchandises. Nous présenterons des amendements s’agissant de la future convention collective.
La reprise de la dette par l’État est une vraie question. Cela fait d’ailleurs partie des interrogations de bon sens de la CGT. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. On sait que 40 milliards de dettes ont été générés par notre système ferroviaire et que 11 milliards entrent maintenant dans les critères de Maastricht. Il va falloir payer. On se demande pourquoi le Gouvernement n’a pas saisi cette opportunité, car c’était l’une des quatre grandes revendications de la CGT et elle est de bon sens.
Le financement de la politique de transport public en France, après les désastreux loupés de l’écotaxe, est aussi une demande de la CGT. À cet égard, il est dommage que mon ami André Chassaigne ne soit plus là. C’est un sujet sensible. Le Gouvernement est en train de travailler sur des pistes de sortie. Monsieur le secrétaire d’État, vous auriez peut-être pu dire banco, il y a quelques jours, à ces organisations syndicales. Comment allons-nous pouvoir régler le problème ? Deux scénarios sont actuellement envisagés par le Gouvernement. Le rapport que nous avons commis pourrait être privilégié.
L’UDI avait conditionné son soutien à ce texte à deux avancées. La première concerne le renforcement du rôle de l’ARAF, ce qui est fait en grande partie. Le modèle choisi, c’est-à-dire celui des EPIC, pose la question de l’indépendance du gestionnaire par rapport à l’opérateur. En la matière, des amendements ont été adoptés par la commission du développement durable et sur lesquels nous ne souhaitons pas revenir.