Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du 17 juin 2014 à 15h00
Réforme ferroviaire - nomination des dirigeants de la sncf — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le système ferroviaire actuel est une machine lancée à pleine vitesse vers un gouffre, celui de la dette, et roulant sur des infrastructures dépassées.

Cet état de fait est la conséquence d’un trop long désengagement de la part du politique et du choix fait en 1997 de scinder la SNCF et RFF, qui s’est révélé un échec sur les plans opérationnel et financier.

En effet, trop de dysfonctionnements naissent de la séparation du gestionnaire d’infrastructures et des exploitants. Trop de coûts sont engendrés par la duplication de certaines fonctions entre les deux structures, la difficulté de coordination des différents acteurs de la filière, les chevauchements dans leurs missions.

Le total de la dette de la SNCF et de RFF dépasse les 40 milliards d’euros, nous l’avons déjà tous en tête, et croît de 2 à 3 milliards par an, ne permettant plus d’investir dans la rénovation et la modernisation des lignes existantes.

Les usagers de la SNCF et les régions, comme autorités organisatrices de transport, souffrent depuis trop longtemps de ces dysfonctionnements et de ces incertitudes. Une réforme en profondeur était donc impérative, et il faut saluer l’initiative prise par le Gouvernement. Ce projet de réforme du secteur ferroviaire signe le retour du politique et il est, à bien des égards, une bonne réforme.

L’État reprend toute sa place dans la définition d’une stratégie ferroviaire. Mais j’y reviendrai. La nation aussi doit être présente, par l’intermédiaire du Parlement.

Ce projet de loi tend à créer un groupe public ferroviaire qui sera constitué d’un établissement public de tête, la future SNCF, et de deux établissements publics « filles » : le gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau, et l’exploitant ferroviaire, SNCF Mobilités.

L’établissement « mère », au sein duquel l’État est majoritaire, assurera le contrôle et le pilotage stratégiques, la cohérence économique, l’intégration industrielle et l’unité sociale du groupe public.

C’est donc tout l’inverse d’une privatisation, comme on a pu parfois l’entendre. Ainsi peut-on espérer remédier à l’enchevêtrement des responsabilités, qui rend difficile l’identification de l’interlocuteur pertinent, et simplifier les relations entre l’exploitant et le gestionnaire, tant on sait que les rapports entre SNCF et RFF sont complexes.

Si ce projet de loi ne résout pas le problème de la dette existante, on peut raisonnablement espérer qu’à moyen terme, la rationalisation du système par la création d’une nouvelle gouvernance permettra de la stabiliser. Les régions et les usagers doivent cesser de combler les trous.

Se pose tout de même la question de nouveaux financements et je tiens à rappeler ici toute l’importance de la redevance poids lourd, dont nous demandons fermement une mise en oeuvre dès que possible.

Ce texte, on l’a dit, a pour objectif de renforcer le secteur public et donc d’affirmer avec force la position de la France dans le débat européen, notamment dans le cadre de la discussion qui a commencé au Parlement européen sur le quatrième paquet ferroviaire et l’ouverture à la concurrence.

Si nous défendons l’idée, à terme, d’un grand réseau européen de transport, cela ne doit pas faire de nous des dogmatiques et il n’est pas question de nier la particularité de notre réseau, de nos infrastructures, et la qualité du personnel de la SNCF.

On doit se préparer à la concurrence d’une manière solide pour en tirer tous les bénéfices possibles : je pense que ce projet de loi le permet. Car au-delà des usagers, cette question est aussi celle de la situation de milliers d’agents publics, cheminots, collaborateurs des structures. Nous devons être vigilants quant à l’évolution de celle-ci, j’y reviendrai également.

Quoique nous apportions notre soutien à l’initiative de cette réforme, il n’en demeure pas moins qu’en l’état, ce texte comporte des lacunes.

Vous le savez, le groupe écologiste est extrêmement attaché au transport ferroviaire de voyageurs et de fret, qui permet de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, mais surtout de penser la mobilité durable.

La question ferroviaire est au coeur des politiques de développement durable. L’accès à la mobilité pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire est au centre du projet écologiste, notamment par des tarifs plus mesurés. Il nous faut réfléchir à la mise en place d’un système désirable de transports, qui participe de l’équilibre, de l’égalité et de la cohésion entre les territoires. Un système ferroviaire qui s’attache à ne pas laisser dépérir certaines lignes, mais plutôt à les moderniser. Un système de transport intelligent, dans lequel le transport ferroviaire s’articule et se coordonne pleinement avec les autres modes de mobilités, où les gares sont des centres névralgiques d’échange, de vie et de développement économique pour le territoire.

À l’heure de la décentralisation, les régions comme autorités organisatrices, principaux financeurs du système, et à qui seront bientôt transférées les compétences de transport détenues par les départements, doivent être au coeur d’un réseau piloté par un État stratège.

Il est cependant raisonnablement permis de croire que le travail constructif que nous avons eu entre les différents groupes de la majorité, en relation avec le rapporteur, Gilles Savary, et le Gouvernement, permettra d’aboutir à un texte satisfaisant sur l’ensemble des points suivants.

En premier lieu, l’État est stratège, mais il doit l’être avec la représentation nationale. Le rôle du Parlement doit être impérativement renforcé, car le développement de notre territoire national dépend étroitement de celui du transport ferroviaire.

C’est la raison pour laquelle une majorité d’entre nous demande l’introduction d’une loi d’orientation quinquennale relative au transport et à la mobilité multimodale. Notre amendement n’a malheureusement pas été admis à être discuté en séance, au prétexte que nous ne pourrions prévoir l’ordre du jour de l’Assemblée.

Cette loi d’orientation ne doit pas être abandonnée ou remplacée par un rapport de plus que le Gouvernement remettrait au Parlement.

À cette loi d’orientation, nous souhaitons adosser un schéma national des services de transport ferroviaires, pour que nous puissions avoir une vision claire des priorités nationales. Ce schéma ferroviaire s’articulerait, pour la partie fret, avec le schéma national directeur logistique décidé dans la loi « Transport » de 2013, dont la mise en application est programmée l’année prochaine, si je ne me trompe, monsieur le secrétaire d’État.

Un Parlement pouvant se prononcer sur une orientation globale du développement ferroviaire n’aurait sûrement pas autorisé certains choix en matière d’infrastructures, qui vont littéralement plomber le financement du système ferroviaire pour des années.

Je pense notamment au choix du « tout-TGV », ou à certains projets de lignes à grande vitesse. Pire : le projet de liaison Lyon-Turin, qui à lui seul coûtera plus de 14 milliards d’euros, voire 20 milliards.

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