Intervention de Patricia Adam

Séance en hémicycle du 7 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Monsieur le président, mesdames, messieurs, je tiens tout d'abord à remercier mes collègues rapporteurs pour l'excellence de leur travail. Il était essentiel de le préciser à l'occasion de l'examen de ce premier budget de la législature.

J'éviterai donc de répéter ce qui vient d'être excellemment exposé. Je tenterai pour ma part, simplement et humblement, d'éclairer les enjeux en matière de défense dans les mois et les années à venir pour notre pays.

Vous avez tous parlé du Livre blanc. Notre pays est entré dans cet exercice d'actualisation stratégique. Trois d'entre nous y participent avec trois collègues sénateurs. Il me semble utile d'en évoquer les enjeux et de rétablir peut-être un certain nombre de faits. Je m'adresserai tout d'abord à mes collègues de l'opposition. J'ai entendu et j'entends encore, ici ou là, que l'initiative de réécrire un Livre blanc serait hâtive, alors qu'elle est tout de même annoncée depuis 2008, donc depuis l'exercice du précédent Livre blanc. Nicolas Sarkozy, à l'époque Président de la République, en avait décidé ainsi. Vous comprendrez donc ma surprise quand j'entends dire que cet exercice est nouveau ! Je rappelle aussi que le candidat François Hollande l'avait explicitement annoncé lors de la campagne présidentielle. Il ne doit donc pas y avoir de faux débat entre nous. Ne déclassons pas les questions de défense et de stratégie en chicanes politiques. Notre culture de défense commune nous a enseigné, je le pense, mieux que cela !

Je veux vous dire aussi que, sous la présidence de M. Guéhenno, la commission travaille vite et beaucoup, tant en formation plénière qu'au sein des groupes de travail. Mes collègues peuvent vous le confirmer : la charge de travail est réelle. C'est ce qui explique que l'on puisse rendre un document de qualité au bout de cinq ou six mois de travail assidu. Ce rythme est rendu nécessaire par le quinquennat : nous ne sommes plus au temps où un Livre blanc avait une validité de quinze ou vingt ans. Nous devons en prendre acte. C'est à l'image de ce que font nos amis britanniques ou les États-Unis d'Amérique.

J'en viens au fond. J'ai remarqué que certains collègues interprétaient de façon souvent restrictive les termes de la lettre de mission confiée à M. Guéhenno. Là encore, gardons-nous des mauvaises polémiques. Cette lettre, courte par nature, doit au contraire être comprise de façon très large. La commission du Livre blanc a bel et bien pour tâche de rendre un document qui traite de tous les aspects utiles à la définition de la stratégie du pays. Il est vain de tenter de chercher dans la lettre de mission la mention ou les réponses à toutes les problématiques qui devraient être traitées. Ce n'est pas sa fonction. Si le Livre blanc n'est pas un exercice banal, il est néanmoins bien maîtrisé et tout sera abordé, y compris cette question européenne tellement mise en avant dans les discours en 2007 et tellement négligée dans les faits depuis lors. Il n'en va pas de même, et nous devons nous en féliciter, de l'accord de Lancaster, qui nous a permis de progresser avec nos amis britanniques.

Deux postures s'imposent à nous : la sincérité des chiffres et la responsabilité vis-à-vis des militaires et des civils de la défense quant aux missions que nous allons leur confier. J'ajoute que le passé doit être aussi un enseignement : le précédent Livre blanc s'est perdu dans les détails, en raison d'une prétention à l'exhaustivité. Il est certes vrai qu'en 2007 cela faisait très longtemps que nous n'avions pas réalisé cet exercice. Or faire de la stratégie n'est pas se contenter de décrire, c'est définir ce qu'on veut faire. C'est à quoi s'emploie la commission chargée de préparer ce livre.

Je vous livre maintenant quelques réflexions pour les débats et l'action.

Notre pays a des aspirations stratégiques qu'il n'envisage pas d'abdiquer. Néanmoins, nous avons tous conscience des difficultés de l'époque. J'ai suffisamment entendu, lorsque j'étais députée de l'opposition, les ministres nous expliquer que la crise était mondiale et que notre pays devait en prendre la mesure, pour être certaine que cette donnée n'échappe aujourd'hui à personne. La principale surprise stratégique de ces dernières années, c'est cette crise macroéconomique. Nous examinerons un projet de loi de programmation militaire en ayant à l'esprit cette dimension. Il n'est pas possible d'affecter à la défense des ressources qui n'existent tout simplement pas.

La dette publique, qui était de 1 200 milliards d'euros en 2007, dépasse les 1 800 milliards. Notre indépendance et notre souveraineté nationale en sont menacées. La décision du Gouvernement de ramener le déficit public à moins de 3 % du PIB l'an prochain participe de la restauration d'une liberté d'action stratégique, et j'insiste sur ce mot. La contrainte existe donc. Elle n'est pas un renoncement, mais il faut trouver une voie, une synthèse entre les ambitions que nous voulons grandes et les contraintes qui sont très fortes. Je rappelle les chiffres cités par M. François Cornut-Gentille : il manquera, fin 2013, au niveau de la loi de programmation militaire, près de 5 milliards – j'étais arrivée, pour ma part, à 4,5 milliards –, soit 50 milliards lorsqu'on examine la trajectoire financière à l'horizon 2020.

Le temps est venu de regarder la vérité en face et je vais m'expliquer sur ce point afin que chacun me comprenne bien. Refaisons un peu d'histoire. En 1996, le Président de la République Jacques Chirac a annoncé sa décision de suspendre le service national obligatoire. Notre collègue Voisin fut le rapporteur de ce projet de loi. Que s'est-il passé ensuite ? À partir de 1997, il a fallu financer une décision dont les conséquences budgétaires avaient été gravement sous-estimées. Ce fut, à l'époque, l'honneur d'Alain Richard, ministre de la défense, d'énoncer la vérité des chiffres et de mener à bien une réforme immense en douceur. Cela a eu un coût, à l'époque, financé par un transfert des crédits d'investissement vers les lignes de fonctionnement. Une revue de programmes a eu lieu pour tirer les conséquences de l'héritage de cet exercice.

La loi de programmation n'a d'ailleurs pas pu être parfaitement exécutée parce que, même après une revue de programmes, le coût de la professionnalisation, dans tous ses aspects, dépassait les prévisions. Je pense par exemple à la restructuration des services industriels du ministère de la défense.

Qu'avons-nous entendu à partir de 2002 – j'étais dans l'opposition – sur l'état dans lequel nous, socialistes, avions laissé la défense ? Pour ma part, je me souviens que Jean-Michel Boucheron avait qualifié la loi de programmation de Mme Alliot-Marie de lettre au Père Noël. On sait aujourd'hui combien il avait raison : la partie ressources a été défaillante et Mme Alliot-Marie nous a laissé en héritage collectif un monceau de commandes d'équipements (Protestations sur les bancs du groupe UMP) dont le coût dépassait les possibilités du budget de la défense.

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