Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 17 juin 2014 à 15h00
Réforme ferroviaire - nomination des dirigeants de la sncf — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à l’heure où nous nous apprêtons à examiner un projet de loi relatif à la réforme de notre système ferroviaire, je voudrais réaffirmer avec force l’attachement des députés du groupe RRDP à l’ensemble du groupe public ferroviaire que représente la SNCF.

Ce groupe public a une belle histoire, une tradition d’excellence, un savoir-faire réputé dans le monde entier, et au nom de mon groupe, je tiens à saluer chaleureusement l’ensemble du monde cheminot pour son travail quotidien, parfois pénible et éloigné du foyer familial.

N’oublions pas que ce travail quotidien, grâce auquel des millions de personnes se déplacent pour des raisons professionnelles ou personnelles, a fait de notre système ferroviaire l’un des meilleurs du monde. Tous les classements internationaux nous placent en deuxième position, ex aequo avec l’Allemagne et derrière la Suisse, qui est par ailleurs championne du monde, y compris – on le dit moins souvent – en termes de contribution publique.

Si nous nous devons de constater les dysfonctionnements et les poches d’inefficacité, afin d’améliorer notre système, nous devons d’abord réaffirmer que nous pouvons être fiers de celui-ci.

Nous n’avons qu’un seul but, améliorer la productivité et la sécurité du système de transport ferroviaire, au meilleur coût pour la collectivité et pour l’usager.

Nous n’avons qu’un seul devoir : nous donner toutes les chances de réussir une réforme ferroviaire pour les cheminots et les groupes qui les emploient, mais aussi et surtout pour les clients que sont les usagers et les autorités organisatrices de transports.

Jusqu’alors, nous n’avons pas été brillants, puisque nous avons réussi à démanteler totalement l’organisation globale du système en séparant l’infrastructure de l’opérateur de transport, tout en fermant notre pays à l’arrivée de concurrents. Et ce, en créant avec Réseau ferré de France une boîte à dettes de 44 milliards qui n’a même pas autorité sur le service chargé des infrastructures de la SNCF, d’où des dysfonctionnements majeurs.

N’oublions pas que le transport ferroviaire n’a jamais été et ne peut pas être performant économiquement ou rentable sans l’aide de fonds publics importants. Partout il est financé aux alentours de 50 % par des capitaux publics. Cette règle se vérifie dans tous les pays du monde, et la chute continue de la part relative du chemin de fer par rapport à ses concurrents depuis le début du XXe siècle en atteste. Le fait que le transport ferroviaire de passager n’existe pas ou quasiment plus aux États-Unis en est une belle illustration.

La concurrence dans le secteur ferroviaire agit aussi comme un révélateur des insuffisances des financements publics, avec une hausse globale des fonds publics comme du coût pour les utilisateurs, ainsi que le montre l’exemple de la Grande-Bretagne, où les billets de train sont désormais réservés aux classes sociales moyennes et supérieures alors même que le contribuable a vu augmenter sa part dans le financement en raison de l’inefficacité globale du système.

Chaque développement du système ferroviaire crée une charge publique supplémentaire. Il est aussi vain qu’inutile de croire que le développement de la concurrence dans un secteur aussi particulier que le secteur du transport ferroviaire apportera des améliorations majeures.

C’est la raison pour laquelle ce texte n’est pas, tant s’en faut, le copier-coller d’une réforme qui avait fixé comme objectif à l’opérateur historique des télécommunications de réduire à 30 % sa part de marché. Nous en sommes bien loin, et c’est heureux.

Cela dit, faut-il pour autant nier des faits incontestables sur les dérives et les inefficacités du système actuel ? Je ne le crois pas.

En économie, nous constatons que les monopoles historiques ferroviaires ont naturellement tendance à jouir de leur position pour développer une bureaucratie lourde, limiter les pouvoirs des régulateurs ou des autorités organisatrices de transport et limiter la productivité.

Nous devons lutter contre ces phénomènes pour optimiser le service rendu aux utilisateurs et aux autorités organisatrices de transports à un coût le moins élevé possible, mais ne rêvons pas sur les effets vertueux que produirait la concurrence dans ce secteur avec de telles spécificités.

Au Royaume-Uni, le constat est sans appel : la libéralisation a abouti à une fragmentation du système entre les structures et les interfaces, produisant des poches d’inefficacité économique et une productivité moindre que dans tous les pays qui ont gardé leurs monopoles.

L’Union européenne nous impose d’organiser un système ouvert à la concurrence pour le transport de voyageurs à l’horizon 2019. Même si nous connaissons les limites de cette doctrine qui projette des paradigmes économiques valables sur une majorité des économies de réseau, nous sommes pleinement engagés dans cette voie et ne comptez pas sur les parlementaires radicaux, fermement attachés à la construction d’un édifice juridique commun, pour renier cet engagement français.

C’est pourquoi je salue l’action conjointe des gouvernements allemands et français, qui ont su négocier un quatrième paquet ferroviaire avec l’Union européenne qui rend l’architecture proposée dans ce texte eurocompatible.

Si la concurrence pourra avoir des effets positifs sur la stimulation de l’innovation, la transparence, l’efficacité et sur le service rendu aux utilisateurs, elle sera de fait limitée et nous devons réorganiser notre système ferroviaire en prenant soin de préserver un opérateur en mesure de remplir l’ensemble des missions de transport avec toutes les contraintes techniques exigées.

Enfin, la concurrence peut jouer et produire ses effets à condition d’éviter la désintégration entre la gestion de l’infrastructure et la production des services de transport.

Comme les exemples allemand ou suisse le montrent, nous pouvons introduire la concurrence sans pénaliser trop lourdement le système global en consolidant un gestionnaire d’infrastructure unifié dans un groupe intégré.

De fait, nous aboutirons inévitablement à une concurrence avec un mastodonte et des entreprises qui, au demeurant, ne cherchent pas à avaler ou à se venger de l’ogre historique. Ces déséquilibres n’impliquent pas nécessairement un mauvais fonctionnement de la concurrence. C’est le rôle majeur du régulateur que de l’organiser, notamment en veillant à la transparence des flux financiers relatifs à l’infrastructure et aux gares. C’est tout le sens de l’article 4 du projet de loi pour lequel nous devons avoir une attention très particulière.

Les Assises du ferroviaire de 2011 ont mis en lumière trois grands dysfonctionnements, auxquels ce projet de loi cherche à répondre.

D’abord, l’éclatement de l’infrastructure entre deux entreprises, une fragmentation d’une seule et unique fonction dans deux entités dont la sociologie des organisations nous enseigne qu’elles ne peuvent pas ne pas aboutir à une confrontation. Il est frappant de constater que nous sommes le seul pays au monde à avoir eu cette idée. C’est bien connu, en France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées. Elles ne sont cependant pas toutes brillantes.

Nous savons bien que le volume et la technicité des travaux exigent une collaboration étroite et permanente entre les différentes activités de l’infrastructure et entre l’infrastructure et l’exploitation.

Ensuite, nous sommes favorables à une distinction entre l’infrastructure et le transport, mais pas à une séparation.

Le secteur ferroviaire a des caractéristiques propres, dont nous devons désormais tenir compte : l’infrastructure et le transport sont intimement liés et doivent pouvoir dialoguer facilement pour éviter les incidents comme le Régiolis.

Ces dysfonctionnements ont été une cause importante de la dérive financière du système. Le projet de loi répond à cette problématique par la réunification de l’infrastructure avec un modèle intégré au sein d’une entité globale : c’était de loin la meilleure des solutions pour respecter à la fois nos engagements européens et les caractéristiques du transport ferroviaire. C’est par ailleurs ce que nos amis allemands ont compris quelques années avant nous.

Nous aurons désormais un gestionnaire d’infrastructures unifié intégré au sein d’un groupe sans être une branche de ce groupe. Son statut sera celui d’un EPIC, il sera donc autonome et responsable, avec son propre conseil d’administration, son président, son contrat de performance, son budget et son personnel, et sera sous le contrôle de l’ARAF.

C’est une équation compliquée et subtile mais le projet de loi prévoit bien que le GIU est distinct sans être séparé, au sens où il fait partie du groupe public intégré qui garantit la cohérence et l’unité du système ainsi que la cohésion sociale.

À ce sujet, permettez-moi de souligner l’apport important de l’amendement défendu par le groupe RRDP sur la mobilité des salariés entre les trois EPIC.

Cet amendement, adopté en commission du développement durable, est désormais inscrit à l’alinéa 35 de l’article 1er du projet de loi. Il précise que sans discrimination liée à leur statut d’emploi ou à leur origine professionnelle, les salariés de la SNCF, de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités peuvent pourvoir tout emploi ouvert dans l’un des établissements du groupe public ou dans leurs filiales.

C’est une avancée importante pour les cheminots, pour l’unité et la cohésion sociale du groupe public ferroviaire, auxquelles les députés RRDP sont très attachés.

Cela dit, nous savons aussi que nous devons préparer la possibilité d’une ouverture à la concurrence dans le transport voyageur et que le projet de loi doit préserver un des dogmes de la concurrence libre et non faussée, à savoir la possibilité pour un opérateur de transport d’entrer sur le marché.

Nous avons beaucoup avancé sur ce sujet en commission en donnant au régulateur, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF, les moyens d’exercer correctement son rôle.

Nous verrons qu’il reste encore quelques ajustements à effectuer, mais je tiens à saluer d’ores et déjà le fait que si nous respecterons nos engagements européens en laissant ouverte la possibilité d’entrée d’un nouvel acteur, par exemple, nous avons donné un avis conforme à l’ARAF sur la tarification – ce qui est important.

La question des pouvoirs du régulateur est complexe et nous comprenons parfaitement qu’il y a de très bons arguments dans chaque camp. Cela dit, globalement, nous pensons que l’ARAF doit être en mesure d’exercer pleinement son rôle de régulateur,…

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