Intervention de Jean-Jacques Dordain

Réunion du 11 juin 2014 à 16h15
Commission des affaires européennes

Jean-Jacques Dordain, directeur général de l'Agence spatiale européenne :

Le sujet de la défense me tient à coeur. Lors de ma nomination à la direction de l'ESA, je m'étais fixé l'objectif de rapprocher l'ESA de l'Union européenne, de l'industrie, et du secteur de la défense. Contrairement à la légende, l'ESA n'est pas un organisme civil mais, selon les termes de sa Convention, une agence qui travaille à des fins pacifiques. Or « pacifique » ne veut pas dire « civil », et il n'y a pas plus pacifique que les politiques de défense européenne. Je crois avoir réussi à faire admettre que l'ESA pouvait travailler pour le secteur de la défense. Pour autant, les ressources que nous allouent les États membres demeurent presque exclusivement d'origine civile.

Nous sommes en mesure de satisfaire aux standards militaires, notamment pour le programme Galileo, sur lequel une charge utile est réservée à la défense, ainsi que pour le programme Copernicus. Nous avons du personnel habilité défense, des établissements protégés, nous pouvons échanger des données. En outre, j'ai signé un accord avec l'Agence de défense européenne en vertu duquel nous développons des activités communes, notamment sur la navigation des drones dans le trafic aérien.

La faiblesse des activités liées à la défense constitue une lacune de la politique spatiale européenne au regard de toutes les autres grandes puissances spatiales : le budget spatial du département de la défense américain est très largement supérieur à celui de la NASA ; il en est de même en Russie et il serait surprenant que ce ne soit pas le cas en Chine. Il est impératif que l'ESA s'implique davantage dans ce secteur. À cet égard, je me félicite des conclusions du dernier conseil européen dans lesquelles le nom de l'ESA est cité en matière de télécommunications. Les États-Unis utilisent de plus en plus des satellites de télécommunication civils pour transmettre des données militaires.

Le marché des lanceurs est en effet modifié par l'arrivée de nouveaux concurrents.

La concurrence américaine est la plus sérieuse. Le lanceur Falcon 9 de SpaceX est très compétitif, d'autant qu'il bénéficie de cinq lancements garantis par an vers la station spatiale internationale. Il en est de même du lanceur Antares d'Orbital Sciences qui tire également profit d'un marché garanti. Conséquence des problèmes politiques actuels, les États-Unis cherchent à réduire leur dépendance dans le domaine des moteurs : des discussions sont en cours pour trouver le moyen de remplacer les RD-180 russes dont sont équipés les Atlas, de même que les moteurs ukrainiens qui propulsent Antares.

Mais les États-Unis ne sont pas les seuls concurrents. Les Russes présenteront avant la fin du mois de juin, pour la première fois depuis trente-cinq ans, un nouveau lanceur Angara. Soyouz date de soixante ans et Proton de quarante ans. Il ne faut pas oublier les lanceurs indiens. En revanche, les restrictions à l'export américaines nous protègent heureusement des lanceurs chinois.

Le marché commercial des satellites représente en gros vingt satellites par an, pour dix lanceurs, dont Ariane. Il n'y a pas de place pour tout le monde.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion