Intervention de Jacques Bompard

Séance en hémicycle du 7 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Bompard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, chers collègues, comme chaque année depuis plus d'une décennie, le budget de la défense est le parent pauvre de la loi de finances. La nouvelle majorité poursuit ainsi la politique des précédents gouvernements en pressurant les budgets d'équipement des forces armées. En effet, le budget de la défense est passé de 2 % du produit intérieur brut en 1997 à 1,55 % en 2012.

Dans un tel contexte, je tiens à rendre hommage aux militaires français, qui poursuivent leurs missions avec courage et dévouement en dépit des difficultés matérielles auxquelles ils sont confrontés. Il n'est d'ailleurs pas normal que les pannes à répétition du logiciel Louvois ne soient toujours pas résolues. Monsieur le ministre, vous avez vous-même qualifié ce problème « d'invraisemblable ». Il n'est pas admissible que des hommes et des femmes qui mettent leur vie au service de la France ne soient pas payés dans les temps et soient ainsi exposés à des situations de grave précarité.

Comme de coutume, le programme « Équipement des forces » subit une baisse d'environ 10 % des autorisations d'engagement par rapport à 2012, Les dépenses de personnel – titre 2 – augmentent de plus de 100 millions d'euros alors que les dépenses d'investissement et d'intervention sont fortement diminuées. Ainsi, les autorisations d'engagement en dépenses d'investissement du programme diminuent en 2013 de presque 20 %, soit 1,5 milliard d'euros.

Quant aux dépenses d'intervention, elles diminuent pour leur part de plus de 50 %.

Vous l'avouez vous-même, ce budget 2013 est un budget de transition puisque vous annoncez être dans l'attente des orientations stratégiques issues des travaux du futur Livre blanc. Mais les menaces auxquelles la France est soumise ne vont pas attendre la parution du Livre blanc ni le vote de la prochaine loi de programmation militaire de 2014 à 2019. Les attaques contre les intérêts français dans les zones sensibles et la protection des ressortissants français à l'étranger ne vont pas l'attendre non plus.

Le renouvellement des équipements et l'investissement dans de nouveaux matériels ne peuvent pas continuer à être sans cesse repoussés, alors même que les lois de programmation militaire, toujours de moins en moins ambitieuses, ne sont jamais respectées. Alors que la majorité des pays dans le monde augmentent leur budget militaire, la France, comme d'ailleurs la plupart des pays de l'Union européenne, poursuit dans une voie contraire.

Comme le rappelait l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées, lors de son audition devant la commission de la défense, le report de 4,5 milliards d'euros de commandes d'équipements prévues en 2012-2013 implique la prolongation d'équipements à bout de souffle. Pour maintenir ces équipements, le cannibalisme du matériel est devenu monnaie courante : il faut désosser tel engin pour maintenir un autre en état de fonctionner. Plus grave encore : le déficit d'entraînement de nos pilotes est dramatique et dangereux sur le plan de la sécurité.

La France dépense chaque année toujours moins pour investir dans de nouveaux matériels. Si ces dépenses aux montants très élevés ont un impact sur l'industrie française de l'armement et donc sur l'emploi, elles n'ont pas pour objectif principal de faire fonctionner l'industrie militaire française. Il s'agit en premier lieu de développer nos capacités d'intervention et de projection et de les adapter aux nouvelles menaces, tout en maintenant à haut niveau nos forces de dissuasion qui sont une composante essentielle de la défense du territoire national.

À quoi servent des capacités d'intervention et de projection ? Tout d'abord à défendre nos compatriotes et nos intérêts où qu'ils soient et non pas à être en permanence aux ordres de puissances étrangères pour défendre des causes qui ne nous concernent en rien. Les jeunes Français qui s'engagent dans notre armée le font pour servir la France et non pour servir telle ou telle puissance étrangère, comme les gouvernements successifs ne cessent de le faire.

Combien de centaines de millions d'euros ont-ils été dépensés dans une aventure aussi inconséquente que l'expédition libyenne ? Le Président de la République a évoqué récemment la situation au nord du Mali et on réfléchit à la participation de la France à une action internationale. Or la situation critique dans cette région est une conséquence directe de la désastreuse intervention en Libye.

En réponse à une question écrite que j'ai posée en septembre, vous m'avez répondu, monsieur le ministre, que le groupement médico-chirurgical installé dans le camp de réfugiés de Zaatari en Jordanie induisait un surcoût de 2 millions d'euros par période de six semaines. Ces millions servent en réalité à porter assistance à des djihadistes internationaux, ceux-là mêmes que nos soldats combattent depuis huit ans en Afghanistan. Là encore, où est la cohérence ?

La défense nationale a besoin d'investissements massifs mais surtout d'investissements intelligents car la France a besoin d'être défendue de manière efficace. Notre politique de défense a surtout besoin d'une ligne claire d'indépendance nationale et non d'une politique d'intervention systématique dans des conflits qui ne concernent ni la France ni les Français.

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