Actualiser la stratégie de défense et de sécurité nationale de la France est sans aucun doute une nécessité. La dernière version du Livre blanc date de 2008. Ce n'est pas si lointain, et le précédent datait de 1994. Cependant, depuis lors, des changements majeurs sont intervenus dans notre environnement international et économique, nous obligeant à procéder à une nouvelle évaluation du contexte géostratégique – évaluation d'ailleurs prévue dans la version de 2008. Nouveau Livre blanc et loi de programmation militaire serviront en quelque sorte de viatique à la réflexion sur les nouveaux enjeux et nouvelles réponses en matière de stratégie de défense.
En période de rigueur budgétaire, chaque mission de l'État doit fournir des efforts pour atteindre la meilleure efficience face aux défis que notre pays doit relever. Les décisions prises aujourd'hui engageront les choix stratégiques de la France pendant les quinze ou vingt prochaines années. Elles seront inexorables, nous ne pourrons plus revenir en arrière. En matière d'armement, de recherche et de développement, le retard pris ne se rattrape pas. Sont en jeu la souveraineté de la France, sa sécurité, sa place et son rôle dans le monde, sa crédibilité sur la scène internationale, son rôle moteur au sein de l'Europe de la défense.
En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, en tant qu'acteur majeur de l'Union européenne et membre du commandement intégré de l'OTAN, la France a des responsabilités. Cela implique des droits et des devoirs sur la scène internationale. Notre pays et le Royaume-Uni sont les seuls États européens à entretenir des forces armées crédibles, au prix d'ailleurs d'un effort budgétaire considérable – 32 milliards par an, soit 50 % du total européen pour les deux États. Il faut préserver cette spécificité.
Le contexte stratégique est tout sauf favorable à une réduction des dépenses militaires. Dans un monde marqué par des bouleversements économiques et géopolitiques majeurs et de plus en plus menaçant – déstabilisation du Sahara, nucléarisation de l'Iran, piraterie dans le golfe d'Aden et au large des côtes somaliennes, terrorisme alimenté et protégé par des États complaisants, montée des intégrismes –, la France, et avec elle le monde occidental, risque de subir des évolutions sans en être un acteur majeur.
Un monde multipolaire a fait suite au monde bipolaire de l'après-guerre. Un monde où, comme le souligne l'excellent rapport sénatorial sur la réduction du format de nos armées, les alliances se font et se défont en fonction des intérêts du moment. La question qui se pose à la représentation nationale est donc à la fois simple et complexe : par quels moyens budgétaires assurer notre sécurité collective, et préserver le rang de cinquième puissance mondiale de la France ?
Nous le savons, monsieur le ministre, vous avez plaidé auprès du Premier ministre et du Président de la République pour que ce budget, que vous avez qualifié de transition, préserve nos capacités autant que faire se peut.
Avez-vous été entendu, en ces temps de contrainte budgétaire ? Nous ne le pensons pas. D'abord parce que votre ministère n'a pas été retenu comme prioritaire au même titre que l'éducation, la justice et l'intérieur. Ensuite, parce que la stabilité affichée n'est due qu'à d'hypothétiques recettes exceptionnelles, pour 1,3 milliard, alors même que des textes présentés par vos collègues du Gouvernement prévoient la gratuité des cessions foncières.
Parce que, encore, la baisse de plus de 14 % des crédits de paiement du programme « Équipement des forces » se traduit par le report de 4,5 milliards d'euros de commandes d'équipement prévues en 2012 et 2013, dont 40 % au titre de l'armée de terre, qui paye là encore un très lourd tribut. Parce que ce budget s'écarte inexorablement de la trajectoire budgétaire définie dans la loi de programmation militaire 2009-2014. Parce que, enfin, alors que le budget de la défense avait pu, au prix de très gros efforts déjà, être stabilisé à 1,6 % de notre PIB, vos prévisions nous amèneront autour de 1,3 % à l'horizon 2015.