Intervention de Hervé Mariton

Séance en hémicycle du 7 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton :

Monsieur le ministre, la politique de défense du précédent gouvernement n'est clairement pas celle qui justifie le plus de critiques. On peut dès lors comprendre que vous vous inscriviez dans un certain esprit de continuité. Les cinq dernières années ont permis, dans ce domaine, de clarifier un certain nombre d'enjeux sur les plans politique, stratégique, budgétaire et européen.

Sur le plan politique, il en reste une volonté très claire, à la fois de l'exécutif et de la majorité parlementaire, plus largement de nombre d'entre nous au Parlement, de faire en sorte que les enjeux de défense soient partagés par le plus grand nombre de Français. Vous ne vous inscrivez pas explicitement contre cette idée. Mais quand on écoute, au-delà de votre bonne volonté, qui n'est ni contestable ni contestée, les expressions diverses au sein de votre majorité, quand on regarde comment réagit encore une bonne part de votre base politique, et quand on est, comme nous le sommes, accablés de courriels qui semblent exiger une réduction violente de l'effort de défense, l'interrogation, monsieur le ministre, reste entière. Au-delà de la parole rassurante que le ministre de la défense peut avoir à l'égard de ses troupes et de parlementaires intéressés par ces sujets, il est donc important que l'exécutif partage constamment cet effort de pédagogie auprès des citoyens et fasse preuve de l'énergie nécessaire auprès des forces armées mais aussi du plus large public et au sein de sa propre majorité.

Les approches stratégiques du précédent gouvernement, en particulier avec le Livre blanc, devaient au minimum être actualisées, nous étions les premiers à le dire. Vous avez fait le choix d'aller au-delà de l'actualisation et de poser une ambition plus forte, celle de la rédaction d'un nouveau Livre blanc. Pourquoi pas ? Mais, sur la base de ce que l'on peut comprendre des travaux préparatoires, il ne semble pas que la clairvoyance et l'audace soient tout à fait au niveau de ce qui avait été préparé il y a cinq ans. J'entends que vous souhaitiez conduire votre démarche à un rythme assez rapide ; le travail du Livre blanc d'il y a cinq ans n'était probablement pas au-delà de toute critique.

Moi-même, à l'époque, j'avais trouvé qu'en termes de désignation d'enjeux et d'ennemis, le livre aurait pu être plus explicite, qu'assez curieusement le mot « guerre » n'y figurait qu'entouré d'infinies précautions et qu'un certain nombre de sujets auraient pu être davantage explicités. Mais il y avait une vraie force stratégique dans ce travail. Je ne peux pas dire, d'après ce que l'on comprend de l'approche choisie, que nous soyons tout à fait rassurés et persuadés que le travail que vous allez livrer sera à la hauteur.

Sur le plan des crédits, il n'y a pas, on vous en rendra justice, de rupture budgétaire. Tant mieux ! Mais il y a un certain nombre d'inquiétudes à propos de l'effort d'équipement.

Autant ce budget d'adaptation et de transition n'appelle pas d'inquiétudes extraordinaires, autant les incertitudes et les inquiétudes sont nombreuses pour l'avenir. Vous pouvez renvoyez tous les sujets au Livre blanc ; à ce stade, je vous l'ai dit, nous ne sommes pas convaincus par les travaux d'approche. Vous pouvez les renvoyer à la loi de programmation militaire. Pour ma part, je reste très inquiet, comme nombre de nos collègues de l'opposition, quant à votre capacité à articuler la contrainte budgétaire, la fuite de votre base électorale – car, hélas ! les sondages démontrent que votre base électorale reste, faute de pédagogie suffisante de votre part, extrêmement rétive à l'effort de défense –, et les conclusions que vous pourrez tirer de vos travaux.

J'ai donc une grande inquiétude sur le plan budgétaire.

En matière européenne, j'ai toujours été partisan des démonstrations par l'action. Plutôt que de disserter sur l'Europe et de tenter de mutualiser des moyens sans y parvenir, il est préférable d'agir par la preuve. Quand on sait qu'en dehors du Royaume-Uni, nos partenaires sont extrêmement discrets en matière de défense, le slogan de la mutualisation me parait au mieux vain, au pire de nature à préparer un désengagement.

La réalité est que la coopération doit se faire principalement avec nos amis britanniques. C'est un acquis majeur de la précédente législature que d'avoir fait une démonstration par l'action grâce à l'accord de Lancaster. Tout n'est pas parfait, des progrès restent encore à accomplir, mais des étapes ont déjà été utilement franchies dans le domaine industriel.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas vous accabler car rien ne vient vraiment nous y inciter, mais nous ne pouvons pas non plus vous faire confiance car, hélas ! les contraintes qui sont les vôtres et le poids politique que vous avez à porter n'augurent rien de bon pour l'avenir de la politique de défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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