Intervention de Pierre Mongin

Réunion du 18 juin 2014 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Pierre Mongin, président-directeur général de la RATP :

Cette audition constitue, pour moi, l'occasion de venir parler d'une entreprise en profonde transformation. Cette opportunité est d'autant plus précieuse que je ne me suis pas exprimé devant vous depuis longtemps, en dehors du cadre de commissions ad hoc sur l'industrie ferroviaire (janvier 2011), le RER (janvier 2012) et le Grand Paris (mars 2012).

Je voudrais présenter d'abord un rapide bilan de la situation de l'entreprise, décrire ensuite les changements qu'elle conduit et vous exposer en dernier lieu les défis qui l'attendent.

La RATP est aujourd'hui une entreprise en bonne santé, concentrée sur la qualité du service qu'elle offre aux voyageurs.

L'entreprise s'inscrit sur une trajectoire, fixée en accord avec l'État jusqu'en 2020 et déclinée dans notre plan d'entreprise « Vision 2020 ».

L'effort continu de productivité que nous avons engagé depuis plusieurs années a permis de réduire de 10 % le coût du transport. Les résultats nets sont en forte progression, multipliés par six depuis 2006, alors même que le chiffre d'affaires n'a augmenté que de 22 % en euros courants au cours de cette période ; la capacité d'autofinancement de l'entreprise, sur son seul segment francilien, a augmenté de 55 %, passant de 550 à 860 millions €.

Ces excellents résultats s'expliquent par la baisse des coûts (300 millions € en base annuelle depuis 2008), par des mesures concrètes et négociées comme le regroupement des centres bus ou l'automatisation de la ligne 1 ou encore par une rationalisation des achats. Tout cela nécessite naturellement une transformation des processes et une analyse systématique des prix de revient. Ces gains de productivité sont partagés de manière contractuelle et consensuelle avec le STIF, à raison d'un tiers pour le STIF – soit 100 millions € par an, que l'autorité organisatrice a décidé de réinjecter dans une offre supplémentaire au service des Franciliens – et de deux tiers pour l'entreprise – ce qui a permis à la RATP d'accroître sa capacité d'autofinancement en soutien d'un niveau exceptionnellement élevé d'investissements (1,6 milliard € en 2014), tout en maîtrisant sa dette.

Les capitaux propres de l'entreprise auront concomitamment augmenté de 2 milliards € entre 2006 et la fin du contrat actuel avec le STIF : ils auront ainsi doublé, au profit de l'État actionnaire, depuis mon arrivée à la tête de la RATP. Le niveau de rentabilité, tel que mesuré par l'EBIT (Earnings Before Interest and Taxes), atteint 10,3 % du chiffre d'affaires et place l'entreprise au premier rang du secteur, y compris en comparaison avec des entreprises cotées à l'étranger. Quant au ratio dettecapitaux propres, il ne cesse de s'améliorer, avec un objectif de 1 en 2020 contre 3 en 2006 : notre situation est extrêmement saine, justifiant une notation AA+ de la RATP par l'agence Moody's.

La séparation financière entre le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur de transport a été réalisée au 1er janvier 2012 : elle permet d'avoir aujourd'hui des modèles économiques distincts pour chacune de ces deux entités, au sein d'une entreprise unique et intégrée. Avec l'accord de l'État, la dette globale a ainsi été partagée entre une dette du gestionnaire – environ 2,5 milliards €, adossée à une valeur comptable nette des actifs de plus de 6 milliards € (pour une valeur de remplacement comprise entre 30 et 40 milliards €) – et une dette de l'opérateur – de l'ordre de 2,5 milliards € également et qui va progressivement diminuer à l'approche de la fin de la concession en cours avec le STIF. La dette de la RATP n'est plus, globalement, un problème, alors qu'elle dérivait à hauteur de 250 millions € par an lors de ma prise de fonctions en 2006.

Mon souhait est que nous demeurions sur cette trajectoire vertueuse jusqu'en 2020. J'ai l'ambition d'atteindre cet objectif non seulement sans sacrifier la qualité de service, mais encore en l'améliorant constamment : le service public peut être rendu dans de bonnes conditions au meilleur coût, dès lors que les objectifs sont clairs et compris des salariés.

La priorité absolue de l'entreprise est unique : c'est le voyageur francilien. La qualité de service perçue par le client est mesurée en continu par le STIF et nous la suivons avec une extrême attention. Cet indicateur est aujourd'hui de 80,4 % de voyageurs satisfaits (et même de 83 % sur le métro et le bus) – en Europe, dans le domaine du transport public, un niveau de 60 % de voyageurs satisfaits est aujourd'hui considéré comme satisfaisant.

L'encadrement de l'entreprise décline cet objectif de qualité de service jusqu'aux agents, puisque leur notation et leurs primes en dépendent partiellement.

Lorsque nous percevons des motifs d'insatisfaction, nous nous efforçons de réagir rapidement, comme en matière de propreté. Un plan ambitieux a été lancé en 2013 et commence à porter ses fruits : le marché « propreté », qui représente 70 millions € par an, a été renégocié ; des opérations « coup de propre » ont été réalisées dans les stations qui en avaient besoin ; la rénovation de certaines stations a été accélérée ; le traitement des infiltrations fait l'objet de travaux en permanence ; déchargés de leur mission de vente de tickets, les agents ont été invités à suivre quotidiennement l'état de la station et à déclencher des alertes en cas de problème lié à la propreté.

Les investissements considérables que la RATP réalise sont prioritairement orientés vers un renforcement de la qualité de service.

Il s'agit, en premier lieu, de desservir de nouveaux territoires en fonction des orientations et des demandes du STIF. Nous procédons ainsi actuellement à des extensions de réseau, qu'il s'agisse du prolongement des lignes 4, 12 et 14 du métro au-delà du périphérique ou du développement du tramway en petite et moyenne couronne – trois prolongements en 2012, deux nouveaux tramways en 2013 et deux nouveaux encore en 2014 : à maturité, le réseau de tramway sera appelé à transporter un million de voyageurs par jour (contre dix millions pour la RATP dans son ensemble, tous moyens de transport confondus). Ces extensions sont complétées par des renforts d'offre de bus décidés par le STIF, qui permettent d'accroître considérablement l'offre de transport.

Le réseau continue ainsi de s'étendre, principalement en banlieue, en créant de la proximité et en contribuant à requalifier des territoires qui étaient parfois isolés. En huit ans, la production sur le réseau de la RATP a globalement progressé de plus de 10 %, offrant l'équivalent d'un million de places supplémentaires par jour dans le métro, le RER et le tramway. Il faut souligner que, dans le même temps, la demande a augmenté de 8,5 %, soit moins que la production : la RATP a donc ainsi pu renforcer la proximité, le confort et la fréquence.

La modernisation passe aussi par le renouvellement du matériel roulant, avec les nouveaux matériels sur pneus, sur les lignes 1 et 14, et sur rail, sur les lignes 2, 5 et 9. Pour ce qui concerne le RER A, les nouvelles rames à deux niveaux Alstom-Bombardier (MI 09) sont en cours de livraison, à raison d'un train nouveau tous les mois.

L'intensification de l'offre aux heures de pointe passe également par une amélioration de la signalisation embarquée. Pour réduire les intervalles entre les trains, nous modernisons les systèmes de contrôle-commande (lignes 3, 5, 9, 12 et 13). Nous déployons même parfois des systèmes totalement automatisés, comme aujourd'hui sur la ligne 1, la plus fréquentée du métro parisien (750 000 voyageurs par jour), et demain sur la ligne 4, dite « ligne des gares ».

La continuité du service passe également par un entretien satisfaisant du réseau, qui constitue un patrimoine centenaire qu'il faut régénérer en permanence. Je m'enorgueillis d'être à la tête d'une entreprise qui a une longue tradition de maintien en bon état de son infrastructure. Parmi les chantiers actuellement visibles, il faut citer une série de travaux sur les viaducs des lignes aériennes du métro, qui datent souvent du début du XXe siècle.

L'entreprise est fière d'assurer la direction et la mise en oeuvre de ces grands chantiers : ils témoignent de la confiance des élus dans la capacité de la RATP à remplir ses engagements dans le respect du calendrier et des budgets initiaux. Ceci explique qu'un certain nombre de missions nous aient été confiées par la Société du Grand Paris, comme la réalisation du prolongement de la ligne 14 vers le Sud.

J'en viens à la deuxième partie de cette présentation : quelles sont les spécificités du management au sein de la RATP, qui permettent ainsi une transformation continue et sans rupture ?

J'ai un attachement viscéral au dialogue social : on ne peut pas transformer une entreprise comme la RATP sans conduire, en permanence, un dialogue social sur tous les projets et faire émerger une vision partagée des objectifs. Un tel principe d'action a permis d'apaiser l'entreprise : à l'heure actuelle, le niveau de conflictualité y est le plus faible des entreprises de transport urbain de toute l'Europe. La comparaison avec le métro de Londres, par exemple, est très largement en notre faveur : nous n'avons eu aucune rupture d'un mode de transport, au cours des années récentes, liée à un conflit social.

Sur chaque projet d'importance, nous prenons la peine, très en amont, de discuter avec les partenaires sociaux, avant que chacun, dans son rôle, ne prenne ses responsabilités.

Nous avons également mis en place un système « d'alarme sociale » : lorsque des risques de conflit apparaissent, tenant par exemple à l'environnement ou aux conditions de travail, la hiérarchie en est immédiatement informée et a alors l'obligation de dialoguer, afin de résoudre les difficultés. Les six cents alarmes déclenchées annuellement, en moyenne, ne se sont ainsi traduites par aucune journée de grève préjudiciable aux Franciliens.

L'entreprise se projette, par ailleurs, dans l'avenir et se prépare activement à la concurrence. Le règlement européen sur les obligations de service public et la loi sur l'organisation et la régulation des transports ferroviaires, votée en décembre 2009, ont en effet arrêté un calendrier d'ouverture du marché à la concurrence, à compter de 2024. D'ores et déjà, en matière d'ingénierie sur les lignes nouvelles, l'ouverture à la concurrence est effective : la RATP a perdu son monopole et la compétition est une réalité en Ile-de-France.

En nous appuyant sur les points forts de l'entreprise, nous avons inversement développé un savoir­faire que nous nous efforçons d'exporter. Les chiffres du développement du Groupe à travers ses filiales en témoignent : le chiffre d'affaires de RATP-Dev – il s'agit de la filiale de la RATP qui porte l'ensemble des activités concurrentielles de l'entreprise hors Île-de-France, avec une totale séparation comptable afin d'éviter tout subventionnement croisé – a été multiplié par 6,5 en cinq ans, avec une part dans le chiffre d'affaires du groupe passée de 3 à 17 % pendant la même période. Quant à Systra, filiale d'ingénierie commune avec la SNCF, elle est en constant développement, avec un objectif de doublement du chiffre d'affaires d'ici 2018 par rapport à 2012, en vue d'atteindre atteindre 800 millions € à cette date : présente dans plus de 150 pays, c'est un leader mondial dans le domaine de l'ingénierie ferroviaire.

Un groupe international s'est constitué autour de ces deux filiales. Les savoir-faire historiques de l'entreprise se trouvent donc désormais prêts à être valorisés, au profit non seulement de la RATP, mais de l'ensemble de la filière industrielle ferroviaire de notre pays.

La transformation de l'entreprise ne nous dispense pas de garder des objectifs d'intérêt général, indépendamment de notre mission de transport et que nous considérons extrêmement importante. La RATP s'est engagée dans une politique active en faveur de l'insertion et elle s'efforce de s'ouvrir aux jeunes en difficulté, avec notamment un programme de 500 emplois d'avenir. Notre présence visible sur les territoires facilite le dialogue avec les missions locales et Pôle Emploi et favorise le recrutement et la formation des salariés.

Je terminerai rapidement cette présentation liminaire en évoquant les défis importants que l'entreprise doit aujourd'hui relever.

Le premier est celui des finances publiques. Sous toutes les latitudes, le transport public a besoin du soutien et des contributions des collectivités publiques et la crise que nous connaissons actuellement nous inquiète, au regard de l'ampleur des besoins à satisfaire.

Le deuxième est celui de l'environnement : la prise de conscience environnementale, les risques que la pollution fait peser sur la santé et l'environnement rendent les règles du jeu plus contraignantes pour une grande entreprise de transports et constituent un défi d'importance, puisque l'entreprise tient à être exemplaire dans ce domaine également.

C'est dans cet esprit que nous venons de lancer le plan « Bus 2025 », qui a pour objectif de doter la RATP d'un parc intégralement non polluant dans dix ans. L'objectif est ambitieux, car les investissements à réaliser sont lourds tant en matière de recherche que de développement. Je salue la décision du STIF d'engager 100 millions € supplémentaires dans ce projet de conversion du parc, mais nous savons qu'il faudra aller au-delà et que nous aurons besoin de financements.

Le troisième sujet est celui de la renégociation du contrat STIF : la démarche de contractualisation nous conduit, tous les quatre ans, à renégocier avec l'autorité organisatrice. Ce contrat représente aujourd'hui la plus importante délégation de service public au monde, en volume, puisqu'elle représente plus de 8 milliards € d'argent public sur quatre ans.

Quatrième sujet : les règles européennes qui affectent l'entreprise sont multiples et elles nécessitent, de la part de la RATP et de ses partenaires, une vigilance de tous les instants.

Cinquième défi : l'ajustement de l'offre à la demande en Île-de-France. Malgré la crise, nous observons une tendance longue d'augmentation de la demande de transports, à laquelle nous désirons répondre avec le STIF. Afin de favoriser l'adaptabilité du service public, des efforts importants ont été réalisés de part et d'autre, avec la SNCF, pour parvenir à une gestion véritablement commune du RER B.

Face à l'extension des bassins géographiques à couvrir, dans la grande couronne, il nous faut néanmoins aller chercher nos clients plus loin et faciliter le désenclavement de certains territoires, notamment avec des bus à haut niveau de service et le développement de transports en site propre.

Un autre enjeu délicat est celui de l'augmentation des capacités de transport à l'heure de pointe, c'est-à-dire de réduire les intervalles minimaux entre les trains (85 secondes d'intervalle à l'heure de pointe, sur la ligne 14).

Un dernier sujet tient à la réussite des grands contrats internationaux. Avec RATP-Dev et Systra, la RATP est en voie de signer un contrat historique en Arabie Saoudite : la construction du réseau de bus de Riyad, soit 1 500 véhicules en circulation. Il s'y ajoute la gestion du métro en cours de construction, soit 200 km de lignes confiées aux ingénieurs de la RATP.

La réussite de l'entreprise serait impossible sans l'engagement de tous les instants de ses personnels : je tiens à saluer des équipes remarquables, dont le sens du service public et de l'intérêt général sont en tous points exemplaires.

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