Intervention de Pierre Mangin

Réunion du 18 juin 2014 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Pierre Mangin, président-directeur général de la RATP :

Je vous remercie pour ces nombreuses questions.

M. Jean-Yves Caullet a évoqué l'importance du management à tous les niveaux. Je partage pleinement cette vision. Pour moi, pour l'entreprise que je dirige, cette question de la responsabilité est essentielle : le pivot d'un changement réussi, d'un service public à visage humain et d'un service public qui réponde aux attentes des citoyens, c'est bien l'encadrement intermédiaire, celui qui anime, sur le terrain, des équipes de 10 à 20 salariés.

S'agissant de la saturation des réseaux, la limite physique est bien réelle, et elle est aujourd'hui atteinte. Avec le contrôle de commande des trains en cours de déploiement, nous n'avons plus de marge de manoeuvre avec un intervalle de 85 secondes entre deux rames (et deux minutes pour la ligne de RER A compte tenu de la masse des rames). La solution passe par de nouvelles infrastructures, et le projet du Grand Paris est à cet égard impératif – il reprend d'ailleurs un projet porté par la RATP par le passé –, il permettra de délester les trajets dans Paris intra-muros d'une partie de ceux qui correspondent à des trajets inter-banlieues. C'est par exemple le cas du prolongement de la ligne 14, dont les travaux ont été lancés la semaine dernière, qui desserrera de 15 % à 20 % la contrainte dans la partie nord de la ligne 13.

Il faut néanmoins trouver un équilibre qui permette de concilier à la fois l'amélioration du confort sur les réseaux existants et la desserte de nouveaux territoires, indispensable pour diminuer une circulation automobile qui demeure élevée, y compris lorsque l'on prend pour point de comparaison des villes chinoises.

Les plans de transport, le décalage des horaires font partie des sujets dont nous discutons avec les entreprises. Mais nous avons constaté que l'amélioration de la fiabilité de l'information fournie aux voyageurs avait un effet réel et mesurable sur l'étalement de l'utilisation des transports. L'application RATP leur permet une sorte de « transport à la carte » par la sélection des horaires et des moyens de transport.

Le recyclage génère quelques millions d'euros de recettes chaque année, et le coût global environnemental est déjà pris en compte, nous intégrons systématiquement la durée de vie dans tous nos achats. Nous avons ainsi fait le choix des LED pour réduire de 50 % l'utilisation de courant dans nos éclairages, et pour la maintenance des autobus, c'est bien la vision du coût sur la durée de vie totale (y compris par exemple les pneus etc.) qui est prise en compte.

La prévention dans les quartiers sensibles, évoquée par M. Jean-Yves Caullet, est un sujet essentiel à mes yeux. C'est un constat, les phénomènes de caillassage, d'agression de machinistes régressent lorsque nous menons des actions de sensibilisation dans les collèges – la Fondation est largement impliquée d'ailleurs –. Souligner ce qu'apportent les transports publics aux parents de ces élèves, en leur permettant d'aller travailler, ainsi qu'à eux-mêmes, en leur permettant de se déplacer, a un impact direct sur le respect manifesté envers les hommes et le matériel.

Je voudrais remercier M. Martial Saddier pour ses appréciations très positives à mon endroit. En matière de sécurité, la situation s'améliore. La RATP ne communique pas sur ce sujet car il relève de la responsabilité de l'État et du préfet de police, mais je peux vous dire que la tendance est bonne, avec une exception, celle des vols à la tire, qui a un impact négatif sur l'image de notre pays à l'étranger. Nous déployons beaucoup d'efforts pour empêcher ces vols, avec en particulier la généralisation de la « vidéo protection », avec 10 000 caméras, qui permet à la fois la dissuasion et l'élucidation de certaines affaires.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur la qualité de l'air. Je note d'abord que la RATP apporte déjà des réponses sur le plan de l'air ambiant à Paris, puisque tous les bus sont équipés de filtre à particules de norme Euro6. La généralisation des bus électriques sera un pas supplémentaire, qui sera aussi une contribution positive à la question du bruit et à celle des émissions des gaz à effet de serre. S'agissant des espaces clos, la première solution, très simple, c'est d'aérer (Sourires), et à cet effet, nous avons supprimé toutes les portes battantes du métro (au prix de quelques courants d'air pour nos agents…) et mis en place des ventilateurs puissants. Par ailleurs, autrefois mécanique, le système de freinage des rames est maintenant électrique, il n'entraîne donc plus d'émission de particules. Nous sommes très transparents, les mesures sont publiées sur le site d'Airparif, et elles sont toujours en dessous des seuils sanitaires, pour les PM10 comme pour les PM2,5. Je note d'ailleurs que les mesures effectuées dans les métros de Lyon ou de New York sont supérieures à celles effectuées dans le métro parisien.

Le transport par câble, évoqué par M. Martial Saddier, retient toute notre attention, car c'est aujourd'hui une vraie solution urbaine, nous le voyons bien en Amérique latine par exemple, et la RATP, aujourd'hui cinquième acteur mondial, a l'ambition de devenir le leader dans le domaine des transports urbains. Nous sommes en discussion avec l'entreprise concernée pour trouver le moyen de développer ensemble un savoir-faire, sous la forme d'un accord ou d'une joint-venture.

Cette expérience internationale implique d'ailleurs souvent des financements innovants, c'est le cas des projets conduits au Brésil, ou bien en cours de discussion à Manille, qui reposent sur des partenariats public-privé (PPP). Ces PPP ne sont pas une solution miracle, car il faut bien in fine rembourser l'emprunt mais ils ont le mérite dans certains cas de permettre une accélération des travaux. Le tronçon Orly-Saclay pourrait ainsi très utilement bénéficier d'un tel outil de financement, nous avons fait une proposition en ce sens à la Société du Grand Paris.

Dans le plan de remplacement des bus d'ici 2025, nous conservons un volet de 20 % de véhicules alimentés au biogaz, je viens d'ailleurs de signer une convention avec le PDG de GDF-Suez, M. Gérard Mestrallet. D'abord, parce qu'il ne serait pas sage de tout miser sur une seule technologie, ensuite parce que nous sommes encore dans une période de transition, la question de la capacité de charge et des batteries reste à régler sur le plan industriel. Les choses avancent, un bus tout électrique a ainsi été présenté il y a quelques jours au salon Transports Publics 2014 par une entreprise d'Albi.

S'agissant du RER, la question du voltage n'en est pas une puisque les matériels sont bivalents, aussi nous n'avons pas de raison de renoncer au voltage de 1 500 volts en courant continu, très performant.

Madame Laurence Abeille, la relève des conducteurs se produit tout au long de la ligne, en fonction des fins de service. Une solution satisfaisante est en revanche en passe d'être pleinement apportée à une vraie difficulté, celle de la sécurisation de l'information voyageurs. Aujourd'hui la RATP dispose des positions des trains sur la branche Nord Pontoise. À partir de septembre, un cadre de la SNCF sera affecté au PC RATP de Vincennes, avant une troisième étape qui verra une meilleure intégration de la liaison avec l'équipe SNCF de Saint Lazare. Le processus est en cours, un comité de pilotage se réunit chaque mois, et des scénarios sont mis au point de façon concertée afin d'être en capacité de mieux appréhender et donc gérer les mouvements des trains.

Il faudrait développer les liens avec les autres modes de transports. La RATP s'était d'ailleurs portée candidate pour Autolib, je le rappelle. Mais développer les parcs à vélo dans les gares RER, les parkings dans les gares à la périphérie de la région, toutes ces questions d'intermodalité ne relèvent pas de la compétence du STIF. Peut-être faudrait-il revoir la loi sur cette question.

La mise en concurrence doit être préparée, en effet, « tranquillement et sûrement », sans attendre d'être au pied du mur. Mais il faudra être attentif au risque de déstabilisation de l'unité du réseau.

Monsieur Yannick Favennec, nous avons longuement étudié la possibilité de faire circuler les métros la nuit, mais cette idée ne s'impose pas d'elle-même, en raison du coût des systèmes qu'elle engendre pour sécuriser un nombre relativement faible d'usagers, démesuré par rapport à des modes de transports privés, y compris les taxis. Elle se heurte de plus au problème de la maintenance, qui impliquerait de toute façon de fermer des lignes.

M. Yves Albarello a parfaitement raison, l'absence de desserte directe de CDG, première plateforme aéroportuaire continentale, est un problème national, le ministre des affaires étrangères et du développement international, M. Laurent Fabius l'a lui-même souligné. Le choix a été fait de retenir RFF et ADP ; il leur reviendra ensuite de choisir leur exploitant, et je rappelle que pour une attribution de ligne un appel d'offres n'est pas nécessaire.

Pour autant, il faut aussi mener de pair ce projet et celui qui concerne la ligne 14, via Saint-Ouen et Saint-Denis Pleyel, solution alternative pour les 25 à 30 millions de voyageurs annuels de CDG. L'échéance aujourd'hui prévue (2025-2027, et il ne faut pas écarter le risque d'un glissement à 2030) est trop lointaine, il faudrait la rapprocher, non seulement pour améliorer la desserte de CDG mais aussi pour aider les entreprises du bâtiment et des lignes ferroviaires – et les emplois qui y sont liés – à passer le cap de la fin des constructions de ligne TGV.

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