Intervention de Gilles Goulm

Réunion du 24 octobre 2012 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Gilles Goulm, secrétaire général de la Fédération syndicaliste Force ouvrière de la défense, des industries de l'armement et des secteurs assimilés :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, nous tenons tout d'abord à vous remercier de nous permettre de nous exprimer sur le projet de budget de la défense pour l'année 2013, même si nous avons eu par le passé le sentiment de répondre à un exercice convenu, un passage obligé sans réelle prise en compte de nos remarques, observations ou suggestions.

Comme nous le rappelons tous les ans, il ne nous appartient pas de nous exprimer sur la politique de défense de la France, mais il est de notre responsabilité, en revanche, de mettre en évidence les difficultés auxquels les personnels civils sont confrontés et de dénoncer le cas échéant les décisions et arbitrages dès lors qu'ils sont défavorables aux personnels que nous représentons.

Contrairement à vos prédécesseurs, madame la présidente, vous nous avez adressé un courrier afin de nous faire connaître votre appréciation sur le budget de la défense pour 2013. Nous y sommes sensibles. Néanmoins, permettez-nous de débuter notre intervention par quelques remarques que suscite cette missive.

Dans un premier temps, vous évoquez l'accroissement de la dette du pays et les 10 milliards d'euros d'économie à réaliser en 2013. Croyez-vous un seul instant que les personnels civils du ministère de la défense, a fortiori les plus basses catégories, soient responsables de l'augmentation de la dette de la nation de quelque 600 milliards d'euros dans les cinq dernières années ?

Vous remarquez ensuite que le budget de 2013 est identique à celui de 2012 alors qu'il manque, vous le soulignez également, 3 milliards d'euros par rapport à ce que prévoyait la loi de programmation militaire. Et comment se féliciter d'un budget constant entre 2012 et 2013 quand on sait que rien ne nous met à l'abri de décisions arbitraires de Bercy en cours d'année, tels que les reports ou gels de crédits ?

Permettez-nous donc de vous dire que ce projet de budget ne peut en aucun cas nous satisfaire et n'est pas de nature à rassurer les personnels civils quant à leur devenir au sein du ministère de la défense.

Alors que le Premier ministre annonçait, lors de son discours de clôture de la conférence sociale du mois de juillet, qu'il mettait un terme à la révision générale des politiques publiques, la RGPP, force est de constater qu'au ministère de la défense il n'en est rien.

En effet, le ministre a confirmé l'objectif de 54 923 suppressions d'emplois dont 7 234 pour la seule année 2013. Il a également signé tous les arrêtés de dissolution, transfert ou réorganisation préparés par son prédécesseur. Et, comme la remise en cause des bases de défense n'est pas à l'ordre du jour, nous en déduisons que la RGPP suit son cours, ce qui, vous en conviendrez, limite considérablement la notion de changement.

Comme si cela ne suffisait pas, les mesures catégorielles en faveur des personnels civils subiront une baisse de 10 millions d'euros, passant de 25 à 15 millions, ce qui obérera les possibilités d'amélioration de leurs conditions de vie après deux années de blocage des rémunérations. Comme je l'ai précisé au début de mon propos, le Gouvernement présente aux salariés la facture d'une crise dont ils ne sont nullement responsables. C'est sans doute ce que le ministre appelle « la continuité républicaine ».

Et que dire de l'action sociale, dont les crédits subissent une baisse de l'ordre de 22 millions d'euros pour passer de 100 à 78 millions ? Plus le ministère se restructure et se réorganise, plus les conséquences pour les personnels, civils comme militaires, sont importantes, et plus on réduit les budgets alloués à l'atténuation des effets de la réforme. Les personnels risquent de sentir très prochainement le changement, surtout lorsque l'on sait que l'institution de gestion sociale des armées, l'IGeSA, subira pour sa part une baisse des subventions en provenance du ministère de l'ordre de 8 millions d'euros, ce qui aura inévitablement des conséquences sur son action en matière de secours financiers, de prêts ou encore de vacances pour les enfants des personnels.

Enfin, le budget de l'accompagnement des restructurations pour les personnels civils passe de 115,01 à 93,6 millions d'euros. Si cette baisse de plus de 21 millions marquait la fin de la RGPP, nous nous en réjouirions ; mais ce n'est pas le cas !

On le voit, le budget 2013 est socialement néfaste car il ne permettra ni d'atténuer les effets de la réforme en cours ni de compenser en partie la baisse du pouvoir d'achat des agents de l'État provoquée, sous le gouvernement précédent, par le gel du point d'indice et du bordereau de salaire des ouvriers de l'État. Ce n'est certainement pas en gelant le salaire des fonctionnaires et en réduisant drastiquement leur régime indemnitaire qu'on relancera la consommation et, par voie de conséquence, la croissance.

Pour en revenir à la situation des ouvriers de l'État, et même si le ministre a engagé des discussions sur cette question, l'interdiction d'embauche imposée depuis plus de cinq ans pose un problème de maintien des compétences de plus en plus préoccupant dans certains secteurs d'activité.

Ainsi, le service industriel aéronautique (SIAé), qui gère un compte de commerce, se voit appliquer une réduction d'effectifs qui met en péril ses capacités à répondre à son plan de charge. Si rien n'est fait, il sera amené à adapter sa charge à ses effectifs, ce qui reviendrait à lui demander de mener une compétition avec des semelles de plomb dans un l'environnement concurrentiel particulièrement féroce propre à ce secteur d'activité.

On aura beau tourner le problème en tous sens, le statut des ouvriers de l'État est le seul à même de garantir une certaine technicité dans ces professions et le seul susceptible de fidéliser les agents. Les autres types de recrutement ne sont pas satisfaisants, tant en termes de déroulement de carrière qu'en ce qui concerne le niveau de rémunération. Il est déplorable de former des agents de maintenance aéronautique pour les voir ensuite partir vers l'industrie privée.

Au-delà, on peut légitimement s'interroger sur la loi de programmation militaire à venir et sur les décisions en matière d'équipements qui en découleront. Si Force ouvrière ne s'exprime pas sur la politique de défense de la France, elle se préoccupe en revanche des conséquences des décisions prises en matière de maintien en condition opérationnelle, qui ont nécessairement des répercussions sur l'emploi des personnels civils, dans les services de soutien des forces comme dans les entreprises nationalisées telles que Nexter et DCNS.

Plus largement, il faut poser la question de la place réservée aux personnels civils dans les fonctions de soutien, et pas seulement pour l'entretien du matériel. Nous nous sommes plusieurs fois exprimés devant cette commission pour évoquer la répartition de ces fonctions entre militaires et civils, dénonçant le recours à des personnels militaires pour occuper des emplois dépourvus de tout caractère opérationnel et normalement dévolus aux personnels civils.

Hélas, on n'avance guère sur ce sujet : les référentiels en organisation (REO) laissent apparaître un déséquilibre toujours aussi flagrant, y compris pour les postes à responsabilité. Comment pourrait-il en être autrement dans la mesure où les bases de défense et les groupements de soutien de base de défense ont été constitués sur l'existant et, de fait, sur un déséquilibre issu de plusieurs décennies de mauvaises pratiques de ressources humaines et de réticence des armées quant à l'accueil de personnels civils ?

Là encore, le budget de 2013 ne laisse rien entrevoir de positif. En effet, sur les 22 000 recrutements prévus, 21 000 concernent les personnels militaires sans que l'on sache, une fois de plus, si ces recrutements serviront tous à occuper des emplois opérationnels ou non. À la fin d'août 2012, l'armée de l'air a déjà procédé à des recrutements de militaires du rang – militaires techniciens de l'air – sur des métiers de secrétariat et de systèmes d'information et de communication.

Même si l'état-major des armées semble aujourd'hui moins fermé sur ce point, il reste encore un chemin important à parcourir. Ce sera d'autant plus difficile que la situation budgétaire ne s'y prête guère.

Nous ne pouvons pas, pour notre part, évoquer le budget de la défense sans préciser notre point de vue relatif à l'emploi de la réserve. Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, et même si nous sommes nous aussi attachés au renforcement du lien armée-nation, comment justifier l'affectation de 71 millions d'euros à la réserve, pour 60 000 réservistes dont 2 000 dans la réserve citoyenne ?

Il est aujourd'hui quasiment impossible de savoir, sur les 58 000 réservistes dits « opérationnels », combien sont employés à des fonctions véritablement opérationnelles ou déployés en opérations extérieures.

Par ailleurs, l'opacité dans le recrutement des réservistes crée un climat de suspicion dans les établissements, les personnels considérant que ces recrutements sont le fruit de « copinage » ou de relations étroites entre les anciens militaires et leurs collègues d'active. Nos fonctions nous amenant à visiter de très nombreux établissements, nous pouvons témoigner d'un certain dévoiement du recours aux réservistes. Nous constatons fréquemment, par exemple, qu'on les emploie à des tâches de secrétariat ou de soutien général.

Vous l'aurez compris, les personnels civils du ministère de la défense vivent une période difficile qui, hélas, risque de s'aggraver compte tenu des éléments budgétaires pour l'année 2013.

Madame la présidente, vous évoquez dans votre courrier la rénovation du dialogue social dont, je vous cite, « il convient de se réjouir ». Force ouvrière attendra quelque mois avant d'afficher une quelconque satisfaction. Aujourd'hui, rien ne nous permet de nous réjouir des mesures qui nous sont présentées. C'est pour nous le point essentiel. Si certains veulent se contenter d'un dialogue social qui ne serait rénové que dans sa forme, nous attendrons, nous, pour nous réjouir, que des signes d'un dialogue social rénové sur le fond se fassent jour. Nous ne voudrions pas nous engager dans un dialogue où il serait interdit de parler d'argent.

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