Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de finances pour 2013 est présenté comme un budget intermédiaire, un budget en attente des conclusions du Livre blanc et de l'élaboration de la future loi de programmation militaire. La rigueur budgétaire est le seul paramètre pour en définir les contours. La défense n'étant pas considérée comme une priorité et la CFDT le regrette.
Le budget de la nation dans lequel s'inscrit le projet de budget pour la défense constitue un enjeu fort face aux attentes des Français en matière d'emploi et de pouvoir d'achat. Le projet de loi de finances 2013 est à nos yeux une étape importante en matières de justice fiscale notamment, mais nous restons réservés sur l'objectif de ramener le déficit à 3 % du PIB en 2013 et nous estimons que les pays européens devraient reconsidérer ensemble leurs objectifs d'équilibre budgétaire pour tenir compte du contexte de dégradation de la croissance et de l'emploi.
En matière de défense, la nation se retrouve le dos au mur. Elle doit résoudre une équation impossible : comment réduire les dépenses et les investissements alors que les enjeux géostratégiques appellent la mise en oeuvre de moyens considérables et que l'Europe de la défense, toujours en panne, ne peut offrir de relais ?
Avec ses programmes dont les cycles longs, pour les matériels, peuvent atteindre trente ans, la défense n'est pas un secteur comme les autres. Négliger les investissements aujourd'hui aura des conséquences irrémédiables pour les capacités de demain. Pourtant, le calendrier des commandes et des livraisons nécessaires à nos armées pour jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale était déjà serré et le format réduit.
Le report du programme Scorpion aura des conséquences sur la modernisation opérationnelle de l'armée de terre. Quant à l'étalement du programme Barracuda, il pose un problème à la marine en attente du renouvellement de sa flotte.
Le budget de l'équipement des forces est a priori stabilisé en valeur grâce à des recettes extrabudgétaires de l'ordre d'un milliard provenant de la vente de fréquences hertziennes à des opérateurs de télécommunications. Mais cette ressource sera épuisée à la fin de 2013 et il n'existe aucune autre perspective de nouvelles recettes exceptionnelles. Le délégué général pour l'armement n'a-t-il pas déclaré ici même que cette stabilisation marquait en fait une inflexion dans la trajectoire budgétaire des opérations d'armement, qui s'écarte nettement de la référence de la LPM 2009-2014, et qu'il y aura donc un risque dans l'avenir pour les capacités des forces, avec des restrictions dans les programmes ?
Alors que l'Europe politique de la défense patine, celle des industriels s'impatiente. En témoigne la tentative de rapprochement entre EADS et BAE Systems, qui a posé la question de la souveraineté des États confrontés à la constitution de « meccano géants » dans des domaines qui touchent à la sphère régalienne.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale est actualisé au pas de charge. Celui de 2008 n'avait pas anticipé le développement de la piraterie et des conflits asymétriques et avait fait l'impasse sur le Printemps arabe. Les événements et les rééquilibrages en cours au niveau mondial font craindre le retour de conflits interétatiques. Des tensions se font jour dans l'arc Asie-Pacifique. La raréfaction des ressources naturelles et les bouleversements climatiques posent des questions cruciales.
N'oublions pas non plus les enjeux de la « maritimisation ». La France possède le deuxième espace maritime au monde. Or les nations souveraines de demain seront celles qui auront la maîtrise des océans. Posséder est une chose, encore faut-il avoir la capacité de protéger ses intérêts !
Dans le même temps, la nouvelle stratégie américaine se traduit par une forme de désengagement sur le vieux continent. Il est à craindre que, si l'Europe ne définit pas enfin sa politique extérieure commune et ses moyens d'intervention, la nation ne soit contrainte à défendre les intérêts français par ses seuls moyens.
Mais ce qui est annoncé ici en matière de budget d'équipement laisse à penser que ce n'est pas le Livre blanc qui conduira la nouvelle stratégie nationale et dessinera la future loi de programmation de militaire, mais plutôt l'objectif de réduction d'une dette publique qui atteint un niveau record. Alors que les missions de défense sont considérées, sur le plan budgétaire, comme non prioritaires, la réforme du ministère de la défense est confirmée, ce qui se traduit par la poursuite de la baisse de nos capacités en hommes et en matériels.
La CFDT récuse la lettre de cadrage du Premier ministre, qui demande à la défense de diviser par deux ses dépenses consacrées aux mesures catégorielles. Comme nous l'avons dit au ministre de la défense, ce n'est pas équitable. Les personnels de la défense ont déjà payé et paient encore la facture de la réforme. L'enveloppe budgétaire prévue pour les mesures catégorielles était la contrepartie d'un plan social d'envergure. Or elle diminue de 9 millions d'euros. Nous refusons cette double peine pour les personnels !
Les chantiers en cours – ou en panne – dans les filières administratives, techniques, sociales, paramédicales, ne peuvent être remis en question. Les personnels civils ne sont pas responsables des dérives que la Cour des comptes constate dans son bilan de mi-parcours de la LPM 2009-2014.
Le point d'indice des fonctionnaires est gelé, tout comme le bordereau des ouvriers de l'État. La CFDT n'acceptera pas que l'on invoque la crise et ses conséquences comme seule explication, pas plus que l'argument, avancé par la précédente majorité, de la prétendue équité entre des personnels condamnés à se serrer la ceinture. Il faut chercher de nouvelles pistes et trouver des solutions.
La conférence sociale a posé une méthode et la fonction publique a décliné son agenda social. La CFDT attend le même niveau de dialogue social à la défense. Nous devons pouvoir débattre de politique de recrutement, de gestion prévisionnelle des emplois et compétences, de formation professionnelle. Comme pour l'ensemble de la fonction publique, l'exemplarité de l'État employeur doit déterminer l'esprit et la démarche.
Le ministre a proposé des chantiers ainsi qu'une méthode. Mais attention : l'objectif doit être avant tout de dessiner un nouveau modèle qui permettra au ministère d'anticiper en matière de compétences, de juguler les pertes de savoir-faire et de mieux servir les missions de nos armées.
Pour les ouvriers de l'État qui assurent des missions qualité dans la Navale, l'aéronautique, la DGA, à DCNS, à Nexter et ailleurs, il est temps de cartographier les métiers en tension. Que l'on cesse de nous répéter qu'il faut revoir leur statut ! Si l'on veut comparer les ouvriers de l'État travaillant dans la défense avec d'autres, ce n'est pas dans la fonction publique qu'il faut regarder mais plutôt du côté des grandes entreprises du secteur de la défense. Comparons ce qui est comparable ! Alors que le ministère de la défense possède – faut-il le rappeler ? – un fort caractère industriel, les compétences se paient plus cher dans l'industrie privée, où les négociations annuelles obligatoires, les NAO, ne sont pas gelées.
Le ministère de la défense, nous assure-t-on, ne sert pas de variable d'ajustement. Pourtant, l'Agence France presse a indiqué, au sortir du Conseil des ministres où était présenté le projet budget pour 2013, que ce département était le plus sollicité, avec 7 234 suppressions de postes et un effort de 2,2 milliards d'euros.
Bref, quels que soient les discours, la défense continue d'être la variable d'ajustement de la calculette de Bercy.