Intervention de Yannick Malenfant

Réunion du 24 octobre 2012 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Yannick Malenfant, secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs de l'état CGT :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, vous nous invitez à cette traditionnelle audition de la Commission de la défense nationale et des forces armées pour entendre notre avis sur le projet de budget pour 2013, dans le cadre de la discussion parlementaire.

Le printemps a été marqué par des élections qui ont entraîné un changement de majorité tant au niveau du Gouvernement qu'à celui de l'Assemblée nationale. Pour autant, nous n'avons constaté aucun changement dans la politique menée par le ministère de la défense. Le ministre poursuit la même politique que ses prédécesseurs. Dès le mois de juillet, il a signé la décision de restructuration pour 2013, laquelle ne fait qu'appliquer à la lettre la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la réorganisation du ministère initiée par Hervé Morin. Contrairement à ce qu'annonce le ministre, le budget pour 2013 n'est pas un budget de transition mais bel et bien un budget de continuité.

Nous n'allons pas, dans cette déclaration, détailler l'ensemble des problématiques liées au budget et leurs incidences sur les personnels civils tant du ministère que des sociétés nationales. Nous nous en tiendrons aux points majeurs qui nécessitent à nos yeux toute votre attention.

En matière de dialogue social, le Gouvernement a lancé au travers de la conférence sociale de juillet toute une série de négociations. La fonction publique en a fait autant, et le ministre de la défense a annoncé à son tour un certain nombre de chantiers lors de la présentation du budget qu'il nous a faite en début de mois.

Mais le dialogue social, la discussion avec les organisations syndicales, ce n'est pas seulement ouvrir des chantiers et faire des annonces. C'est avant tout respecter les organisations syndicales, écouter et négocier. Les différents chantiers ne sont pas encore lancés que l'on peut craindre le pire de l'attitude du ministère et de sa DRH. Le DRH a en effet signé une note datée du 1er octobre qui remet en cause purement et simplement l'accord-cadre sur la réduction du temps de travail au travers de discussions locales sur la prise des jours de RTT.

S'inscrit-il, lui aussi, dans la bataille de la présidence de l'UMP ? Rien ne peut nous étonner lorsqu'on reprend les mêmes hauts fonctionnaires qui ont détruit l'emploi pendant des années pour piloter les grandes directions du ministère !

Le Président de la République a annoncé l'élaboration d'un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale qui aura des conséquences directes pour les salariés du ministère mais aussi pour ceux des grands groupes industriels de défense. Des orientations définies par ce document dépendront l'avenir même des sociétés nationales, ainsi que la mise en chantier et le cadencement de grands programmes.

Dans la logique d'alliances que nous avons connue sous l'ère de la droite depuis dix ans, la création d'une société commune européenne avec les Allemands d'Atlas Elektronik dans le domaine des armes sous-marines serait imminente sans qu'à aucun moment l'État, actionnaire majoritaire à 64 % de DCNS, n'ait pris de position clairement affichée.

Avec ce projet de société commune ARES, la France s'apprête à sacrifier l'activité armes sous-marines sans que cette construction capitalistique repose sur un quelconque projet industriel. Pis, rien ne permettrait, dans cette vision, d'assurer à moyen terme la capacité de fournir des armes sous-marines à la marine nationale.

Nous avons été amenés à saisir, après le ministre de la défense, le Président de la République lui-même, chef des armées. M. Le Drian nous a affirmé ne pas être saisi du dossier de création d'une société commune. Nous avons du mal à croire un tel manquement s'agissant d'un dossier touchant à ce point à la souveraineté.

Le ministre nous a répondu qu'il « allait voir », mais le PDG de DCNS revient vers l'instance le 30 octobre pour une consultation sous réserve de la position allemande, donc des actionnaires d'Atlas Elektronik. Est-ce à dire que les actionnaires outre-Rhin sont moteurs des choix politiques et industriels en France, puisque l'État, actionnaire majoritaire de DCNS ne dit mot ?

Vous comprendrez que, puisque ni l'entreprise par la voix de son PDG ni le ministre de la défense ne sont capables de faire connaître une position validée de l'État français, nous profitions de cette audition pour vous en entretenir aujourd'hui.

La CGT est opposée à ce rapprochement déséquilibré en faveur de l'Allemagne qui, loin de faire l'unanimité dans les milieux militaires, notamment à la DGA, ne répond qu'à une logique capitalistique. Elle est en mesure de démontrer les risques d'un tel projet à terme pour l'emploi et pour la base industrielle et stratégique des armes sous-marines en France.

Il faut stopper ces perspectives de filialisation qui risquent à terme de mettre fin à notre indépendance en matière de souveraineté de défense. La CGT rappelle une nouvelle fois qu'elle revendique la mise en place d'un pôle publique national de défense.

Autre sujet d'importance : l'avenir de SNPE-Eurenco.

Lors d'un entretien le 1er octobre avec le conseiller industriel du ministre, il a été abordé la situation de cette entreprise et de ses activités industrielles, notamment de la production du NEH, additif de carburant diesel. Le 8 octobre dernier, le PDG de SNPE, M. Gendry, à l'occasion d'une rencontre avec le maire de Bergerac, a indiqué son refus d'engager les investissements nécessaires à la réalisation de cette production. Pour tenter de justifier cette position, il a évoqué le risque de conflits sociaux sur ce site, qui pourrait nuire à l'approvisionnement des clients. Si cette décision se confirme, au lieu d'être implantée à Bergerac, la deuxième unité NEH le sera en Asie. Concernant l'avenir de l'ensemble du site, le PDG n'a pas été plus rassurant.

Cette annonce de l'industriel suscite un émoi légitime parmi les élus locaux, la population de Bergerac et les salariés d'Eurenco, déjà très fortement exposés à une précarité abusive. De plus, elle contredit les engagements politiques pris publiquement par plusieurs personnalités avant les élections présidentielles et législatives, aujourd'hui pour certains aux responsabilités. C'est le cas de l'engagement du candidat François Hollande devenu Président de la République.

L'État est actionnaire à 100 % du groupe SNPE. Son rôle de soutien à une véritable politique industrielle est pour nous incontournable. Il y va de l'avenir de la plateforme Eurenco de Bergerac. Nous n'imaginons pas que l'actuel PDG, nommé par Nicolas Sarkozy, ait pu procéder à cette annonce sans un aval politique.

La revitalisation industrielle du site de Bergerac doit être clairement affichée comme un objectif politique de la majorité présidentielle, en rupture avec les politiques précédentes qui ont conduit nos entreprises et établissements d'État dans la situation que nous connaissons aujourd'hui.

Le projet de loi de finances prévoit la réduction du budget d'équipement, dans lequel 5,5 milliards d'euros de commandes prévues en 2012 et 2013 seront décalés par rapport à la loi de programmation militaire. Ces reports auront des conséquences, notamment à Nexter où le programme Scorpion n'est plus inscrit dans le budget 2013.

Au sein même du ministère, la désorganisation devient totale. La mise en place des bases de défense à la hache occasionne de trop nombreux dysfonctionnements. Cette réorganisation se fait avec un seul objectif : liquider les emplois. Il faut absolument mettre fin à cette logique comptable. Des dysfonctionnements majeurs ont lieu au sein des bases de défense que ce soit dans la gestion du personnel, dans la gestion des feuilles de paie ou dans les conditions de travail. Il y a un manque de clarté dans les responsabilités des employeurs. Dès qu'un problème survient, chacun se renvoie la balle.

Au-delà de ces dysfonctionnements, les personnels font encore les frais de cette politique de casse.

Mesdames et messieurs les députés, voter ce budget, c'est voter un plan social de plus de 7 200 emplois, exactement comme si vous validiez le plan social de PSA annoncé cet été !

D'autres choix sont possibles en matière d'emploi, en particulier l'arrêt immédiat des externalisations. Hier encore, un bilan nous a été fait de l'externalisation de la fonction restauration hôtellerie loisirs (RHL). L'article 43 de la loi sur la mobilité et le parcours professionnel qui devait permettre la mise à disposition de personnel civil et militaire au profit d'entreprises prenant les marchés d'externalisation est un fiasco complet. Mais cela ne nous étonne pas car nous l'avions fortement dénoncé à l'époque.

Seulement 33 personnels – dont une majorité de militaires – sur plus de 350 sont mis à disposition actuellement dans le cadre de cette expérimentation. Quel est le bénéfice pour le ministère lorsqu'il faut d'une part honorer financièrement les entreprises qui prennent ces marchés et d'autre part reclasser la quasi-totalité des personnels civils et militaires concernés ?

Ce qui est grave, c'est que bientôt les services du ministère n'auront pas d'autre choix que d'externaliser s'il n'est pas procédé en urgence à un plan pluriannuel d'embauche de personnel.

Il faut absolument stopper le moratoire sur l'embauche des ouvriers de l'État. Les services comme le SIAé, mais aussi des services de soutien comme le SMITer (service de la maintenance industrielle terrestre) ou la DGA ont besoin de recrutements pour pouvoir pérenniser leur mission. Ce n'est pas le choix d'embaucher des ouvriers contractuels qui est la solution mais bel et bien la reprise des embauches d'ouvriers de l'État.

Le ministre souhaite lancer un chantier sur la situation particulière du personnel sous ce statut. Bien évidemment nous y participerons mais en aucun cas nous n'accepterons la remise en cause des droits statutaires.

Actuellement les personnels civils sont dans une situation inacceptable. Cela fait plusieurs années qu'ils subissent le gel de leur salaire. Si l'on ajoute à cela les différentes réformes du précédent gouvernement en matière de retraites ou d'augmentation de la CSG, ils enregistrent non seulement une perte de pouvoir d'achat, mais une réelle baisse de salaire. Ils gagnent moins en 2012 qu'en 2010.

Nous le savons, la France, tout comme de nombreux pays européens, subit de plein fouet les effets dévastateurs de la crise économique et financière. Mais ce ne sont pas les salariés ministère qui sont responsables de cette crise. Et ce n'est pas réduisant leur salaire que celle-ci se résorbera.

Jamais un budget n'a été aussi pauvre en mesures pour les personnels civils. Celui-ci prévoit non seulement la poursuite du gel des traitements et salaires, mais aussi une baisse de 40 % des mesures catégorielles. Les 15 millions d'euros de mesures pour le personnel civil sont pourtant bien modestes quand on les compare au plus de 1,2 milliard d'euros dépensé l'année dernière pour les OPEX !

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