Intervention de Roland Denis

Réunion du 24 octobre 2012 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Roland Denis, vice-président de l'UNSA, Union nationale des syndicats autonomes Défense :

Cette déclaration, nous tenons à le souligner, est commune à l'UNSA Défense et à Défense CGC.

Voilà maintenant plus de vingt ans que le ministère de la défense est sujet à des restructurations permanentes. Dans les dix dernières années, selon les chiffres publiés par la Cour des comptes dans son rapport de 2012, les effectifs civils du ministère ont diminué de 44 %, passant de 120 000 à 67 000 unités. Évidemment, cette réalité n'intègre pas les conséquences en matière d'emplois indirects auprès des fournisseurs ou sous-traitants. Les 54 923 suppressions de postes inscrites comme finalité de la loi de programmation militaire 2009-2014 se traduiront par une nouvelle saignée des effectifs de 17 % par rapport à ce jour.

La réforme du soutien de la défense, associée à la mise en oeuvre sans discernement de la révision générale des politiques publiques (RGPP), a conduit le ministère à fermer de nombreuses emprises, à réorganiser de multiples sites, à mutualiser de nombreuses fonctions. La réforme de la territorialité constitue un changement de grande ampleur marqué par l'avènement des bases de défense, des centres ministériels de gestion, des plateformes d'achats et de finances, des états-majors de soutien défense.

Évidemment, ces réalités ne sont pas sans conséquences sur le tissu économique des bassins d'emplois concernés. La simultanéité des réorganisations – chaînes métiers, finances, ressources humaines, paie, soutien général – a généré de grandes confusions dans les niveaux de responsabilité. Aujourd'hui, la situation est telle qu'il est difficile d'identifier « qui fait quoi » dans ce ministère.

Du point de vue financier, le rapport du Sénat du 11 juillet 2012 évoque la situation catastrophique des bases de défense, tout particulièrement dans leurs groupements de soutien. À ce jour, il leur manque plus de 130 millions d'euros pour clore l'exercice 2012 et certains commandants sont confrontés à des situations absurdes où ils doivent choisir, par exemple, entre entretien des sanitaires et mise en route du chauffage.

Sans surprise, et même si Jean-Yves Le Drian s'en est encore défendu le 2 octobre dernier lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2013, la défense reste la variable d'ajustement du budget. Pour preuve, la part imputable à la défense dans l'effort de réduction des effectifs publics pour 2013 comptera pour 58,8 % alors que le ministère ne représente que 12 % des agents publics. Les dépenses de fonctionnement diminueront de 7 %, ce qui ne sera pas sans conséquences en termes de dégradation générale du soutien aux armées.

Nous contestons notamment la baisse injustifiée et inacceptable de 10 millions d'euros de l'enveloppe prévue pour le personnel par rapport au budget précédent.

Par ailleurs, l'externalisation à l'excès ne peut servir de palliatif aux problèmes économiques que rencontre la défense aujourd'hui. Elle produit même des effets inverses, en termes de coûts bien sûr mais aussi en termes de perte de souveraineté de l'État français dans des secteurs essentiels et stratégiques de la défense. Bien des exemples passés ou récents attestent cette dégradation.

Des femmes et des hommes s'engagent pour la France, parfois loin de la France. Pour l'UNSA Défense et Défense CGC, le pouvoir politique ne peut pas faire reposer leur soutien sur des structures dont le seul objectif reste la rentabilité financière. Il s'agit bien, là encore, d'une question de souveraineté.

Les questions catégorielles et, en premier lieu, la question du pouvoir d'achat restent au centre des préoccupations de nos organisations syndicales. À l'heure où je vous parle, les agents civils de la défense connaissent un blocage de leurs rémunérations depuis plus de 800 jours. Comment comprendre cela quand, par ailleurs, les plus hautes autorités militaires ont connu un plan de revalorisation indemnitaire ne pouvant être perçu que comme une provocation à l'égard des personnels civils ? La Cour des comptes, dans son rapport 2012 sur le bilan à mi-mandat de la LPM 2009-2014, ne dénonce-t-elle pas cette situation en évoquant l'augmentation de la masse salariale de la défense de 1 milliard d'euros quand, dans le même temps, 23 000 postes ont été supprimés ? Les magistrats rappellent que le nombre d'officiers généraux est resté constant en dépit de la réduction du format des armées : 3 468 officiers pour 150 commandements. Vous admettrez que la pilule est amère pour les personnels civils. Est-ce ainsi que l'on conçoit la justice sociale au sein de l'institution ? C'est immoral et, au final, inadmissible. Nous sommes à même de fournir des pistes d'économies non négligeables qui ne remettent pas en cause les missions dévolues à nos forces armées.

À cet égard, nous exigeons de nouveau que les militaires cessent d'occuper les emplois de soutien qui reviennent aux personnels civils, en espérant être entendus une bonne fois pour toutes par la représentation nationale à défaut de l'être par nos autorités ministérielles depuis tant d'années. Malgré nos alertes répétées, les choses ne s'arrangent pas !

L'UNSA Défense et Défense CGC sont tout à fait conscientes des difficultés économiques de notre pays. Pour autant, il n'est pas admissible que l'on présente la facture aux agents publics. Ceux-ci ne sont pas une « charge publique », comme d'aucuns voudraient le faire croire, mais une chance pour la nation. Ils méritent respect et considération, alors qu'ils ont été malmenés par les politiques conduites à leur égard depuis des années. Ils ont entendu les soutiens et les déclarations dont le gouvernement actuellement en place et vous-même leur avez témoigné durant ces années. Vous avez maintenant l'occasion de passer des paroles aux actes. Les salaires des agents de la défense doivent être restaurés : le point d'indice des agents fonctionnaires et de certains agents contractuels, le bordereau de salaire pour les ouvriers. Sauf à brouiller le message et dégrader durablement la parole du politique, sauf à briser le rapport de confiance avec les agents publics, nous attendons de votre part, plus qu'un soutien, une cohérence entre le « dire » et le « faire ».

Pour aborder l'ensemble de ces sujets, nous sommes prêts à vous rencontrer de nouveau afin de vous exposer plus en détail notre analyse de la situation et nos propositions pour en sortir.

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