Intervention de Laurence Denis

Réunion du 24 octobre 2012 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Laurence Denis, présidente fédérale de la Fédération ministérielle CFTC du personnel du ministère de la défense et des établissements et structures connexes :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, notre République a eu sa première femme ministre de la défense de 2002 à 2007. Elle a aujourd'hui, en cette Assemblée nationale, sa première présidente de la Commission de la défense nationale et des forces armées. Vous incarnez ainsi et donnez un visage, madame la présidente, à l'un des grands axes de l'agenda social : l'égalité professionnelle, à laquelle nous ajoutons l'égal accès aux plus hautes fonctions politiques. La CFTC Défense est heureuse que votre fidélité aux travaux de cette commission soit ainsi couronnée, et elle vous souhaite bon courage !

Si, comme nous le disions le 2 octobre dernier au ministre de la défense M. Le Drian, son projet de budget aurait pu être pire que celui qu'il nous et vous a présenté, il vous faudra néanmoins, madame la présidente, livrer un gros travail de persuasion pour maintenir un budget digne du rang de la France pendant toute cette législature.

Certes, un nouveau Livre blanc est en chantier, le deuxième en cinq ans, alors qu'il s'était écoulé une petite quinzaine d'années entre celui de 1994 et celui de 2008. Vous aurez ensuite à vous prononcer sur une nouvelle loi de programmation militaire 2015-2020 à l'aune d'un bilan de l'actuelle LPM 2009-2014.

Les rapports et les premiers bilans ne manquent pas : rapport de la mission d'information sur la mise en oeuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la défense, de MM. Cazeneuve et Cornut-Gentille à l'Assemblée nationale, bilan des bases de défense des sénateurs André Dulait et Gilbert Roger, etc. Que disent ces bilans ?

Pour les deux députés, sur le plan financier, la réforme génère des économies – niveau actualisé net de 5,7 milliards d'euros – à un niveau conforme aux prévisions initiales, sur la période 2008-2015. Ces gains ne permettent cependant pas de réduire les dépenses du ministère. Ils ne sont pas non plus suffisants pour atteindre l'objectif de revalorisation des crédits d'équipement.

M. Bernard Cazeneuve estimait pour sa part que la question du financement de nos besoins d'équipements à venir demeure sans réponse et que, malgré les sacrifices importants consentis par les personnels, l'objectif de réduction de la « bosse » des paiements n'est pas atteint. La sous-estimation initiale des dépenses d'accompagnement social et d'infrastructures semble quant à elle corrigée. La déflation des effectifs se poursuit, avec une avance de 1 560 postes par rapport aux prévisions.

Du second bilan, les sénateurs concluent que « les bases de défense sont au milieu du gué : « l'heure n'est pas venue pour une réduction drastique du nombre des bases » mais à la continuité, semble-t-il, consistant à poursuivre cette réforme dans un contexte budgétaire évidemment difficile. Nous sommes d'accord avec le ministre de la défense lorsqu'il dit : « Il y a eu assez de réformes comme cela, je ne vais pas remettre la réforme des BdD en cause. »

Constatons ensemble qu'un effort budgétaire réel a été accompli en faveur des armées et de leurs équipements ces dernières années. Dans le monde instable où nous vivons, cet effort est responsable.

Le projet de budget 2013 de 31,4 milliards d'euros hors pensions pour la défense, cinquième annuité de la loi de programmation militaire 2009-2014, est sensiblement comparable à celui de 2012. Nous l'avons échappé belle, si j'ose dire !

Mais n'oubliez pas, mesdames et messieurs les députés, que, tel « un bon petit soldat », notre ministère régalien a été l'un des meilleurs élèves de sa classe « RGPP fonction publique de l'État ». Le dernier comité de modernisation de décembre 2011 a pointé seulement quatre feux orange et deux feux rouges sur les trente-quatre items retenus.

Parmi ces feux orange figurent le renfort de la fonction financière en cohérence avec la rénovation de la gouvernance ministérielle et la préparation et l'accompagnement des externalisations.

Concernant cette problématique des externalisations, vous disposez d'un rapport de la commission des finances et nous avons pour notre part pris connaissance du premier RETEX (retour d'expérience) opéré par le secrétariat général pour l'administration, comparant enfin l'expérimentation RHL (restauration hôtellerie loisirs) en mode privé et en mode « régie » depuis 2011. Il ressort de ce document que l'initiative RHL1 présente un gain annuel TTC de 11,4 % sur la période 2009-2015, soit un gain total de 20,8 millions d'euros par rapport à un fonctionnement en régie, et de 21,4 % en régime stabilisé. Quant à l'initiative « régie rationalisée optimisée » (RRO), elle aurait, dans les six premiers mois de 2012, généré un gain estimé à 9 % ne s'appuyant que sur le levier « suppression d'emplois ». Le taux de « civilianisation » est incroyable dans ce domaine : on est passé de 40 % en 2010 à 44 % en 2012 !

Le projet de loi de finances, ce n'est pas un scoop, poursuit la diminution des effectifs prévue par le Gouvernement, soit 7 200 personnels dont près de 1 800 personnels civils. À la lecture du fascicule budgétaire, on s'aperçoit que cette déflation ne suffit pas pour parvenir au gel des crédits. Le Gouvernement vous propose de décaler, en matière d'investissements, 6 milliards d'euros de commandes sur les 22 milliards prévus en 2012 et 2013, en attendant le nouveau Livre blanc.

Pour ce qui concerne les dépenses de formation, le ministère, à ce stade de la procédure budgétaire, ne donne aucun chiffre détaillé. Mais la direction des ressources humaines nous a avoué en réunion qu'elles se monteront à 11 millions d'euros contre 17,5 millions réalisés en 2011.

Le ministère rogne également sur les dépenses des opérateurs – établissements publics à caractère administratifs tels que musées et écoles – et les dépenses de communication – sauf pour le budget des anciens combattants, où 10 millions d'euros sont prévus en sus en 2013 et 2014. Il diminue les mesures catégorielles du personnel civil de 10 millions, ainsi que les dépenses d'action sociale, qui passent de 106 millions à 78,4 millions d'euros. Ce sont toujours les salariés qui paient, eux qui ne sont pourtant pas responsables de la crise !

Nous craignions que ce budget ne redevienne la variable d'ajustement du budget national. Il semble que, pour le moment, le ministre de la défense ait su le préserver un tant soit peu. Mais pour combien de temps ?

Nous demeurons inquiets, et ce pour trois raisons.

Premièrement les restructurations, qui iront jusqu'à leur terme,

Deuxièmement la RGPP et son volet d'externalisations. Quelle sera, à ce sujet, la position de votre Commission ?

Troisièmement le reformatage des armées et services, qui risque de se poursuivre au détriment de la place laissée aux personnels civils dans les postes d'administration et de soutien commun ainsi que dans la restauration. La « civilianisation » est pourtant beaucoup moins coûteuse en termes de masse salariale que la part actuelle des personnels militaires dans le soutien interarmisé, qui s'établit à 56 à 58 %. La CFTC propose d'inverser ce ratio en faveur du personnel civil.

Ouvrirez-vous davantage les yeux sur ce que tous les syndicats ne cessent de dire depuis 2008 ? Il y a des gains de masse salariale et de productivité à faire en « civilianisant » davantage !

En ce qui concerne la condition des personnels civils, nous constatons et désapprouvons une nouvelle fois la baisse de 10 millions d'euros des mesures catégorielles, qui équivaut à la non-restitution, pour moitié, de ce que la précédente majorité avait commencé à octroyer aux personnels en compensation de l'effort fourni pour la RGPP et du non-remplacement des départs en retraite. Cette ligne s'élevait à 15 millions d'euros en 2010, 25,5 millions en 2011, 24,15 millions en 2012. En 2013, elle est de nouveau à 15 millions. Retour à la case départ de 2010, voire à celle de 2006 !

Pour finir, notre fédération a l'honneur de vous faire part de ses principales revendications en faveur du personnel civil.

Bien évidemment, l'arrêt du gel de la valeur du point d'indice et du bordereau ouvrier.

En raison de départs à la retraite moins massifs que prévu, il faut instaurer enfin une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

D'une manière générale, nous demandons la poursuite de la revalorisation des régimes indemnitaires du ministère de la défense. Un effort doit être fait pour les services déconcentrés, sans oublier l'administration centrale.

Quand on parle d'un SMIC à 1 500 euros bruts, il ne faut pas oublier que des pans entiers de la fonction publique vont y tomber, y compris en catégorie B. Ce sera le cas, par exemple, des jeunes secrétaires administratifs. C'est, malheureusement, le naufrage de la classe moyenne. Une refonte des grilles de rémunération des fonctionnaires de catégorie C devient indispensable et urgente.

Le projet de loi de finances pour 2013 aurait pu être pire que celui que le Gouvernement nous présente. Mais de nombreuses zones d'ombre demeurent pour le personnel civil. Soyez assurés que la CFTC prendra toute sa part aux chantiers annoncés par M. Le Drian.

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