Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du 19 juin 2014 à 9h30
Politique de développement et solidarité internationale — Présentation

Annick Girardin, secrétaire d’état chargée du développement et de la francophonie :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mesdames et messieurs les députés, c’est un honneur de vous présenter aujourd’hui le texte définitif du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Un honneur parce que j’ai eu le plaisir de siéger dans cette assemblée depuis 2007, et je sais combien ce moment de vote définitif est important pour vous tous : c’est la fin d’un processus riche et intense en travail, en échanges et en débats. Un honneur aussi, dans ce cas précis, car c’est la première fois depuis le début de la Ve République qu’une loi sur le développement est présentée au Parlement ; c’est la première fois que le Parlement débat, non pas sur les seuls documents budgétaires, mais sur l’ensemble des orientations de notre politique de solidarité internationale.

Le projet de loi a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 10 février et par le Sénat le 26 mai. Le 4 juin, le texte, examiné en procédure accélérée, a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire. La lecture définitive dans chacune des chambres du Parlement clôt l’élaboration d’une loi voulue par le Président de la République et annoncée dès le printemps 2013 lors des Assises du développement. Ce projet de loi a été élaboré par mon prédécesseur, Pascal Canfin, soutenu par Laurent Fabius.

Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur : ce texte résulte d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs de la solidarité internationale – les ONG, du Nord comme du Sud, les entreprises privées, les syndicats, les universitaires, les élus locaux – et d’un examen approfondi par vous, les parlementaires, qui l’avez véritablement enrichi, aussi bien sur la forme que sur le fond. Je vous en remercie.

Avec cette loi, la France va se doter d’un cadre d’action moderne dans le domaine du développement, pour apporter des réponses aux enjeux du XXIe siècle et promouvoir un développement durable et solidaire, notamment dans le cadre des négociations de l’Agenda post-2015.

Tout d’abord, ce projet de loi répond à la mobilisation d’un nombre croissant d’acteurs non étatiques. Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale, le CNDSI, jouera un rôle majeur pour permettre une consultation régulière des divers acteurs du développement.

Le projet de loi donne également plus de place aux collectivités territoriales en reconnaissant leur action extérieure. Il faut s’en réjouir. Le rôle de coordination de la Commission nationale de la coopération décentralisée sera renforcé et, à l’initiative des parlementaires, la loi Oudin-Santini sera étendue aux déchets. Ainsi, comme pour l’eau, les collectivités pourront désormais, si elles le souhaitent, affecter 1 % de la taxe sur les ordures ménagères à leurs actions extérieures.

Le rôle des collectivités d’outre-mer sera également mieux reconnu. Désormais, elles devront être informées des projets menés dans leur environnement régional. Notre politique de développement doit pouvoir s’appuyer sur leurs savoir-faire et leurs réseaux. D’ailleurs, j’arrive ce matin de l’océan Indien et je peux témoigner que, dans les départements de La Réunion et de Mayotte, beaucoup de projets de coopération sont mis en place, parfois en coordination avec des collectivités territoriales de métropole.

Ce projet de loi institue également plus de cohérence entre les politiques publiques qui ont des effets sur les pays en développement. Le CICID, comité interministériel qui rassemble tous les ministères concernés par la politique de développement, devra veiller à la cohérence de l’ensemble des politiques nationales. À l’initiative des parlementaires, il est également prévu une rationalisation de l’expertise technique internationale, notamment au travers du regroupement des expertises aujourd’hui éparpillées dans plusieurs ministères.

Le projet de loi apporte aussi des réponses quant à un indispensable accroissement de la transparence au travers de son élaboration, réalisée dans la concertation, mais aussi par la mise en place d’une grille de trente indicateurs de résultats de l’action de la France ainsi que par l’obligation de remettre au Parlement un rapport – vous l’avez souhaité – faisant la synthèse de la politique de développement tous les deux ans. La transparence est aujourd’hui indispensable.

Le projet de loi prévoit également une évaluation plus indépendante de cette politique. Ainsi, le Gouvernement a engagé le processus formel d’adhésion à l’initiative sur la transparence dans les industries extractives. Enfin, sachez que la présentation sur Internet de l’ensemble des projets d’aide au développement de la France au Mali sera généralisée d’ici à quelques mois à l’ensemble des seize pays prioritaires. Lors d’une visite au Mali, j’ai pu constater combien cela était apprécié tant par nos concitoyens français que par les citoyens maliens, qui consultent ce site pour suivre l’évolution des différents projets soutenus par la France.

La France concentrera ses efforts en intervenant prioritairement dans seize pays et dans un nombre limité de secteurs, définis conjointement avec les pays partenaire en fonction de leurs besoins. Le renforcement des partenariats différenciés permettra une meilleure prise en compte de la diversité des pays. Nous l’avons tous souhaité, la France travaille avec ses partenaires d’égal à égal, gagnant-gagnant, en toute transparence, là aussi, c’est une grande avancée.

L’intervention dans les pays à revenu intermédiaire se concentrera avant tout sur la préservation des biens publics mondiaux, tout en veillant à un meilleur partage des richesses et à la lutte contre la corruption. Pour les pays en crise, il est désormais précisé, à la demande des parlementaires, que l’action de la France se fera selon une logique de continuum entre urgence, reconstruction et développement. L’AFD pourra également porter des fonds multibailleurs, traduisant ainsi en termes de projet la mobilisation de la communauté internationale autour de thèmes qui nous sont chers.

Vous le savez, quatre domaines font l’objet de la priorité de la politique française de développement. Lors de l’examen du projet de loi, ceux-ci ont été précisés. Je profite de ma première intervention en tant que secrétaire d’État devant votre assemblée pour insister sur l’un de ces domaines, le développement humain. Je veux vous parler de la jeunesse, une thématique négligée ces dernières années dans le domaine du développement. La jeunesse, c’est l’éducation de base, et il reste encore beaucoup à faire si l’on veut mettre fin au déclin de la pratique du français chez les jeunes générations des pays francophones.

La jeunesse, c’est aussi l’insertion et la formation professionnelle, qui fait tant défaut dans de nombreux pays, alors que c’est une absolue priorité au vu de la démographie et de ces millions de jeunes qui rentrent chaque année sur le marché du travail.

La jeunesse, c’est l’enseignement supérieur, les échanges universitaires et le soutien à la recherche. La jeunesse, c’est aussi la formation à la citoyenneté, à la sensibilisation aux droits des femmes, aux problématiques environnementales, à la nutrition des enfants, à l’hygiène ou encore à la santé des plus jeunes.

Les plus grands maux de notre temps doivent être combattus à la racine. La jeunesse doit être la grande priorité de notre politique de développement, comme elle l’a été dans l’histoire de la République, et comme elle l’est actuellement en France sous le mandat de François Hollande.

Enfin, je voudrais évoquer le financement, qui a donné lieu à des critiques portant sur l’absence de programmation budgétaire. Je tiens à redire que les lois de programmation ne doivent pas nécessairement comporter des éléments budgétaires. Dans le contexte actuel et au vu du triennum budgétaire, cela n’aurait pas été opportun. Il est apparu plus judicieux de s’appuyer sur les moyens inscrits dans les lois de finances.

Toutefois, à votre initiative, l’objectif international de 0,7 % du revenu national brut dédié à l’aide publique au développement est mentionné. Comme l’a rappelé le Président de la République, la France reprendra une trajectoire ascendante vers ses engagements internationaux dès que la situation économique le permettra. Mais au-delà, nous devons encourager d’autres sources de financement. La France joue un rôle majeur dans le domaine des financements innovants. Le financement du développement passe aussi par la mobilisation des ressources nationales. Le projet de loi le précise : la France soutient la lutte contre l’opacité financière et les flux illicites de capitaux.

Les diasporas contribuent également – je l’ai vu aux Comores, il y a deux jours – au financement du développement et, à l’initiative des parlementaires, ces transferts d’argent seront facilités, pour éviter qu’une grande partie ne soit captée par des commissions exorbitantes.

Enfin, il est crucial d’amener les entreprises à être plus responsables et à transformer le développement économique en progrès social. Lors de l’examen à l’Assemblée nationale, vous avez particulièrement insisté sur ce point. Les entreprises sont de véritables partenaires de notre politique de développement, nous devons reconnaître leur capacité à nous aider. Elles doivent s’impliquer et être responsables.

Ainsi, le texte rappelle que la France promeut le renforcement des critères de RSE auprès des pays partenaires et des autres bailleurs de fonds. Il souligne la volonté de la France d’encourager les sociétés françaises à mettre en oeuvre les principes directeurs de l’OCDE et ceux adoptés par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

La loi précise également que les entreprises doivent mettre en place des procédures de gestion des risques pour identifier, prévenir et atténuer les dommages sur l’environnement et sur les droits de l’homme. De plus, il est rappelé que l’agence française de développement – l’AFD – doit être exemplaire et intégrer la responsabilité sociale et environnementale dans son système de gouvernance et dans ses actions. J’ai pu constater à l’île Maurice, que l’AFD est très en avance dans ce domaine dans son action menée avec le gouvernement mauricien et les entreprises.

Le mandat donné par le Gouvernement à la plate-forme nationale d’actions globales et l’engagement de la France à promouvoir cette démarche sont également rappelés avec force.

Enfin, la loi donnera la possibilité de soutenir les initiatives des entreprises dans les pays en développement, qui ont une mission explicite de générer un impact social ou environnemental. Les entreprises se mobilisent de plus en plus pour le développement : nous devons innover pour les inciter et les accompagner dans cette démarche.

Tous ces aspects rendront notre politique plus efficace, plus cohérente et plus transparente. Mais au-delà, je pense qu’il ne faut pas oublier l’essentiel, c’est-à-dire notre soutien aux populations qui en ont le plus besoin. Pour être le plus utile auprès des pays que nous aidons, la France se devait de mettre de l’ordre dans sa politique de développement, de réaffirmer ses objectifs, d’identifier des priorités, de rationaliser certains dispositifs. C’est ce que propose ce projet de loi.

Le Parlement a joué tout son rôle et au nom du gouvernement de Manuel Valls, je vous en suis très reconnaissante. Je tiens tout particulièrement à remercier les trois rapporteurs de cette assemblée, messieurs Jean-Pierre Dufau, Dominique Potier et Philippe Noguès ainsi que les présidents de commission Élisabeth Guigou, François Brottes et Jean-Paul Chanteguet.

À l’heure où le repli sur soi menace, où les égoïsmes nationaux se font plus forts, il est indispensable que l’Assemblée nationale réaffirme la solidarité de la France. Cette solidarité a construit notre République et fait aujourd’hui sa grandeur et sa fierté. Cette solidarité est universelle. Elle contribue à bâtir un monde où il fait mieux vivre, un monde plus humain.

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