Intervention de Paul Giacobbi

Séance en hémicycle du 19 juin 2014 à 9h30
Activités privées de protection des navires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce projet de loi est évidemment indispensable, puisque les échanges commerciaux de marchandises, au plan international, se font essentiellement par voie maritime. L’une des routes maritimes principales, celle qui relie l’Asie à l’Europe, passe par des zones minées par la piraterie – je pense en particulier aux rivages de la Somalie, et plus particulièrement à l’entité autonome du Puntland. Dans cette seule zone – et je ne parle pas du golfe de Guinée – ce sont 1 900 personnes qui ont été prises en otage par des pirates depuis 2008.

Il existe trois moyens de lutter contre la piraterie. Le premier, c’est la police en mer dans les zones à risques, qui est assurée en coopération par les grandes nations maritimes – et notre marine nationale y contribue. Le deuxième, c’est la coopération juridique, menée sur le plan international envers les pays côtiers où la piraterie sévit. S’agissant de la piraterie en Somalie, les Nations unies ont d’ailleurs fondé leur action sur un excellent rapport rédigé en 2010 et approuvé à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies. Ce remarquable rapport émanait d’un excellent professeur de droit international public spécialisé dans le droit maritime et qui est bien connu de cette assemblée, puisqu’il s’agit de notre ancien collègue et ami Jack Lang. Le troisième moyen de lutter contre la piraterie, c’est d’organiser la protection à bord des navires eux-mêmes. L’État, en France en tout cas, met déjà à disposition des navires de notre pavillon des personnels militaires de la marine nationale, mais la marine nationale ne peut répondre à toutes les demandes. Il est donc indispensable d’autoriser, mais aussi d’encadrer, l’activité privée de protection des navires.

C’est l’objet même de ce projet de loi, qui est donc parfaitement bienvenu. L’excellent rapport de notre collègue Arnaud Leroy, expert maritime reconnu et dont j’ai pu apprécier personnellement – sur un autre sujet maritime que M. le secrétaire d’État connaît bien puisque, malheureusement, il nous préoccupe tous deux – la compétence et la détermination.

Le droit de la mer m’a toujours personnellement fasciné. Peut-être est-ce une rémanence de mes origines insulaires. Il est fondé sur la libre circulation des navires de toutes les nations. Cela nous paraît aller de soi aujourd’hui, mais ça n’est pas toujours allé de soi. Les Britanniques voulaient imposer, au XVIIe siècle, un monopole de transport des marchandises à destination de leur pays, de leurs ports en faveur de leurs navires nationaux. Les Hollandais s’y sont opposés. C’est un Hollandais célèbre et remarquable, Huit de Groot, ou Grotius, avocat mais également théologien, qui a développé la théorie de la liberté des mers. C’est l’objet d’un livre admirable, Mare Liberum. Il a, en fait, créé le droit maritime des mers et, d’ailleurs, le droit international tout court.

Aujourd’hui, les violations de la liberté des mers par les nations ont été réduites. Il n’y en a plus beaucoup d’exemples, et la liberté des mers s’impose. Restent parfois des zones où, pour des raisons pratiques, il y a quelques entraves, mais enfin, globalement, les États respectent la liberté des mers. Ce qui pose problème, ce sont les zones côtières où le trafic est rendu dangereux, lorsque vous avez à la fois un trafic immense, vital pour l’humanité, et une zone politiquement instable et très pauvre, où la piraterie s’est développée.

Je saisis cette occasion – le secrétaire d’État aurait été déçu que je ne le fasse pas – pour rappeler que, s’il n’est pas question, dans mon esprit, d’assimiler toute entrave à la liberté de circulation en mer à la piraterie, il appartient à l’État d’assumer et d’assurer cette liberté de circulation et d’accès aux ports. J’ai donc d’ailleurs saisi le Premier ministre récemment pour lui rappeler cette obligation et son corollaire : si l’État décide – il peut le faire, au nom de l’ordre public dont il a la charge – de ne pas garantir ponctuellement cette circulation, il sera financièrement responsable de toute entrave qu’il aura tolérée. Cela vaut donc même si la tolérance de cette entrave pourrait se justifier pour des raisons d’ordre public. Le secrétaire d’État connaît ma détermination ancienne et renouvelée en ce domaine.

S’agissant de la piraterie, il va de soi que le groupe RRDP soutient totalement et approuve ce projet de loi. Il tient à remercier le secrétaire d’État et ses services, le rapporteur et tous les parlementaires qui y ont contribué.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion