Intervention de François Rochebloine

Séance en hémicycle du 19 juin 2014 à 9h30
Activités privées de protection des navires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de l’examen de ce projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires, texte annoncé lors du Comité interministériel de la mer le 2 décembre 2013, et très attendu par tous les armateurs.

Même si son intitulé ne le dit pas explicitement, c’est bien de la lutte contre la piraterie maritime qu’il est question ; une piraterie maritime de plus en plus violente, qui connaît un renouveau inquiétant depuis le début des années 1990. En effet, entre 1993 et 2003, le nombre d’attaques de pirates a triplé dans le monde.

Selon le Bureau international maritime, l’année 2011 a même été une année record pour les attaques de pirates, notamment en Somalie. Cependant, nous ne pouvons que nous féliciter de voir que le nombre d’actes de piraterie constatés en 2013 est en baisse de 12 % par rapport à 2012 – deux cent soixante-quatre incidents restent tout de même à déplorer l’an passé.

Ces chiffres doivent donc nous alerter sur l’importance d’assurer une véritable protection à nos navires, régulièrement confrontés au risque d’attaques de pirates en mer. Il n’est plus possible, aujourd’hui, de considérer la piraterie maritime comme un simple phénomène ponctuel qui n’aurait pas de réelle incidence sur le trafic maritime.

Malheureusement, force est de constater que la piraterie maritime reste un fléau encore mal connu, insuffisamment pris en compte dans les débats publics et trop souvent sous-estimé, alors qu’elle représente une menace réelle pour la sécurité maritime.

Certes, il est difficile de concevoir qu’à des milliers de kilomètres de chez nous, des navires se fassent attaquer par des pirates qui n’hésitent plus à utiliser un armement lourd, à les dépouiller mais aussi à prendre en otage des membres de l’équipage. Nous sommes donc bien loin du folklore des livres et des films dans lesquels les pirates sont tour à tour caricaturés en personnages un peu simplets ou en héroïques aventuriers.

En effet, nous avons désormais tous en tête les récentes attaques qui ont pu faire la Une des médias, alertant pour la première fois l’opinion publique sur les dangers de certaines zones maritimes, comme en a fait état le rapporteur.

Je pense notamment à l’attaque très médiatisée du voilier breton Tanit, en avril 2009. Les trois pirates, jugés pour avoir pris en otage l’équipage au large de la Somalie, ont été condamnés en octobre 2013 à neuf ans de réclusion criminelle. Cette prise d’otage sanglante s’était soldée par la mort dramatique du skipper Florent Lemaçon.

Au cours de leur procès, ces trois pirates se sont présentés comme étant « affamés », « dans la difficulté », et n’ayant pas trouvé d’autres solutions pour survivre que celle de commettre des actes de piraterie.

Loin de nous l’idée de justifier des actes aussi violents, mais il me semble tout de même important de rappeler que la piraterie maritime est l’une des conséquences modernes de la pauvreté et du sous-développement de certains pays.

Alors que le fret maritime assure 95 % du transport mondial de marchandises, la piraterie est devenue une menace terrible pour le commerce maritime et la sécurité des approvisionnements.

En effet, au-delà des dramatiques pertes humaines, la criminalité maritime représente aussi un coût économique non négligeable, affectant le commerce international. Entre les dépenses de carburant, celles de sécurité, les frais d’assurance ou encore les primes de risque versées aux équipages, les surcoûts liés à la piraterie pour les armateurs sont évalués entre 7 et 12 milliards de dollars chaque année.

D’un côté, de nombreux États ne sont plus capables de gérer la sécurité de leurs eaux face à des mafias parfaitement organisées, très bien équipées et qui n’hésitent plus à recourir à la violence ; de l’autre, les navires ne sont absolument en mesure de se défendre seuls et se laissent rapidement rattraper par des pirates prêts à tout.

Autoriser les activités privées de protection des navires est donc devenu une absolue nécessité pour la France, qui pourrait ainsi renforcer la compétitivité du pavillon français et du transport maritime, qui souffre aujourd’hui d’une concurrence étrangère toujours plus rude.

Notre pays avait déjà pris conscience de l’importance de trouver des solutions concrètes pour lutter contre le développement des actes de piraterie en permettant, en 2008, aux navires battant pavillon français d’embarquer des équipes de protection composées de fusiliers marins.

Malgré un tel dispositif, la France est aujourd’hui en mesure de ne répondre qu’à environ 70 % de la trentaine de demandes de protection reçues chaque année, n’ayant pas les moyens de mettre des fusiliers marins ou des agents du GIGN à la disposition de tous les navires, ni d’organiser des convois dans toutes les zones.

Face à ce constat, il était donc nécessaire de recourir à des forces de sécurité privées. De nombreux pays en Europe, comme les Pays-Bas, l’Italie ou bien encore la Grande-Bretagne, ont déjà autorisé le recours à des sociétés privées de protection. Nous devons rattraper notre retard en la matière et permettre aux entreprises privées de protection des navires de venir compléter les missions de la marine nationale.

Grâce à ce projet de loi, nous pourrons désormais empêcher les armateurs de « dépavillonner » et permettre l’usage de gardes armés, dont la présence est autorisée par une dizaine de pays de l’Union européenne.

De plus, il ne faut pas se leurrer, certains bateaux battant pavillon français utilisent déjà des équipes de sociétés privées, et ce en toute illégalité. Il est donc urgent d’établir un cadre législatif clair afin d’éviter de tristes débordements.

Au cours de nos débats, le groupe UDI avait justement émis quelques craintes quant aux conditions dans lesquelles les agents de ces entreprises privées pourraient faire usage de la force. Il nous semble aujourd’hui que le recours à celle-ci est suffisamment encadré par ce projet de loi, puisqu’il n’est possible qu’en cas de légitime défense. Les conditions d’armement devront également être surveillées.

Même si le contrat commercial est signé entre l’entreprise de protection et l’armateur, l’État conserve un rôle de régulateur indispensable. Il s’assure notamment de l’aptitude de ces entreprises à exercer une telle activité, ce qui nous paraît une très bonne chose.

Le travail parlementaire, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, a su faire évoluer ce texte dans le bon sens, en le renforçant et en le rendant applicable plus rapidement.

Par ailleurs, le renforcement des prérogatives du comité qui formule des recommandations au Premier ministre pour redéfinir ces zones, au regard de révolution des menaces, va également dans le bon sens. Dans un souci d’efficacité, le groupe UDI approuve la mesure, votée en séance à l’Assemblée nationale, permettant au comité de se réunir dans les quinze jours suivant la demande d’un de ses membres.

Le groupe UDI réaffirme donc son soutien à ce texte. Nous le voterons, considérant qu’il est absolument fondamental pour la sécurité maritime et que la mer est au coeur des enjeux géostratégiques de notre siècle. Aussi, il est de notre devoir d’assurer la sécurité du trafic maritime.

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