Intervention de Michel Barnier

Réunion du 30 octobre 2012 à 17h00
Commission des affaires européennes

Michel Barnier, commissaire européen :

Je dis la vérité. Au sein de la Commission, nous n'avons pas tous la même sensibilité, nous débattons, et de cette alchimie, nous cherchons à faire naître des propositions conformes à l'intérêt général européen, qui peuvent être améliorées, complétées et rééquilibrées par les co-législateurs.

Madame Guittet, le commissaire Šemeta a courageusement proposé d'harmoniser l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Le texte est en discussion. Je vais par ailleurs vous faire parvenir la stratégie que j'ai définie à propos de l'entreprenariat social, auquel je suis personnellement très attaché, qui était totalement inconnu à Bruxelles et que j'ai fait inclure parmi les douze leviers de croissance de l'Acte pour le marché unique. Nous agissons sur l'environnement réglementaire, sur le financement des entreprises sociales et sur la visibilité des entreprises. Le fonds d'investissement solidaire est en cours d'approbation finale au Parlement. Je suis également très actif à propos du statut de fondation européenne que nous avons proposé ; j'ai ainsi visité récemment deux entreprises à Strasbourg et à Toulouse. Tout cela concourt à l'économie sociale de marché.

Monsieur Bernard-Reymond, les Anglais ont intérêt à ce que la zone euro reste stable. M. Cameron a donc annoncé qu'il soutiendrait la création de l'union bancaire sans s'y associer. Le seul point dont nous devons discuter avec lui concerne les relations, au sein de l'Autorité européenne des banques, entre les pays qui ne participeront pas à la supervision et les autres – au moins dix-sept.

Vous avez raison d'évoquer les deux autres piliers de l'union bancaire, mais il convient de procéder par ordre. La supervision est la condition préalable. L'étape suivante, que je prépare pour le début de l'année prochaine, sera l'autorité européenne de résolution. Parallèlement, le Parlement européen et le Conseil des ministres sont saisis de deux textes que j'ai présentés l'année dernière et qui portent sur un système national mais cohérent de garantie des dépôts, pour l'un, et de résolution des crises bancaires, pour l'autre. Que les banques, et non les contribuables, paient pour les banques !

Madame Lemaire, mon collègue M. Andor travaille sur la portabilité des pensions. Quant aux qualifications professionnelles, je ne crois pas que le texte d'adaptation de la directive que j'ai présenté – en me battant, conformément au souhait du Parlement, pour que les cartes professionnelles puissent être expérimentées dans six professions – soit bloqué. Grâce à la présidence chypriote, nous pourrions même aboutir à un accord au tout début de l'année prochaine, selon Mme Vergnaud, eurodéputée socialiste et rapporteure très active de ce texte.

Monsieur Zéribi, tous les textes européens doivent faire l'objet d'une étude d'impact sociale. Il s'agit de la fameuse clause sociale qui permet d'évaluer au préalable les effets sociaux de telle ou telle mesure de libéralisation.

Je rappelle que chaque État membre destine en moyenne 60 % de ses exportations aux vingt-six autres, la proportion variant de 50 à 75 % selon les pays, et que les pays limitrophes sont le premier débouché pour bien des entreprises : le marché unique est une source potentielle de croissance. Voilà pourquoi nous devons progresser en matière de commerce électronique, de sécurité des paiements et des livraisons.

Monsieur Gollnisch, nous ne devons pas faire obstacle à la création de pôles industriels et nous devons l'encourager lorsqu'ils font l'objet d'une volonté politique. Tel est le point de vue que je défends à la Commission depuis trois ans.

Je reconnais volontiers le crédit dont a joui l'ultralibéralisme, soutenu ces vingt-cinq dernières années par des gouvernements de droite – auxquels j'ai appartenu – comme de gauche. Voilà tout ce que j'ai voulu dire, madame Grelier. On a cru que la chute du mur de Berlin, la fin du monde bipolaire et la mondialisation apporteraient la croissance, feraient reculer la pauvreté et restaureraient la démocratie. Personnellement, je n'ai jamais cru que le commerce nourrirait l'Afrique ! Je crois au commerce et au libre-échange, à condition qu'ils soient équitables ; mais pour qu'ils portent leurs fruits, il faut des règles, une gouvernance et, dans le cas de l'Afrique, une production vivrière. Cela dit, la Commission n'est plus la même et les nouveaux commissaires, dont je fais partie, entendent tirer les leçons du passé et modifier la trajectoire. Il en est encore temps.

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