Intervention de Gilles Savary

Séance en hémicycle du 19 juin 2014 à 15h00
Réforme ferroviaire — Article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Cela s’est en tout cas vérifié à plusieurs reprises. Aujourd’hui, l’absence d’une concurrence sereinement acceptée ne fait que des perdants sur le rail. Jamais nulle part, sauf quand un État a voulu le détruire, l’opérateur historique n’en a fait les frais. Jamais !

Ce qui est clair, monsieur Saddier, c’est que jusqu’à présent, nous faisions des ouvertures honteuses à la concurrence – car la concurrence existe bien sur le rail : on compte trente compagnies aujourd’hui. On signait à Bruxelles et on résistait à Paris. Cela a commencé avec Jean-Claude Gayssot qui, le premier, a ouvert le marché à la concurrence. C’était le premier paquet ferroviaire, en 2001, avec prise d’effet en 2004, pour l’ouverture au fret international. Cela s’est prolongé, en 2007, avec le fret national, puis en 2010, sous les gouvernements de droite, pour l’international. Aujourd’hui, c’est la dernière phase qui doit être mise en oeuvre.

Ce qui est clair, c’est que si l’on n’anticipe pas à Bruxelles avant d’ouvrir à la concurrence ici, on va avoir l’open access, c’est-à-dire l’écrémage, car il n’y a aucune raison qu’une entreprise rationnelle investisse sur une ligne à perte. D’ailleurs, la SNCF elle-même est très critiquée à l’étranger, pour écrémer dans d’autres pays : elle l’a fait avec le Nuovo trasporto viaggiatori, ou NTV, en Italie – c’est pour cela que les Italiens sont furieux contre nous ; elle l’a fait également avec Westbahn en Autriche, et elle le fait dans bien d’autres pays.

Il existe des moyens d’éviter cela. Dans le transport aérien, par exemple, il a été décidé que les créneaux horaires ne pouvaient être ouverts que s’ils n’étaient pas occupés. C’est le principe : « Use it or lose it ». On devrait imposer ce même principe à Bruxelles pour les lignes de trains à grande vitesse : tant qu’une ligne à grande vitesse est occupée par la SNCF, celle-ci la garde – cela s’appelle le droit des grands-pères – et seuls les nouveaux sillons peuvent être ouverts. Il n’y a aucune raison de tuer notre industrie nationale, payée par les Français, pour les beaux yeux de la concurrence et de l’idéologie ultralibérale.

Pour ce qui est des trains de service public, la formule de la délégation de service public devrait être imposée à Bruxelles, car elle vaut mieux que la mise en concurrence à tout va des lignes, qui prévaut actuellement à Bruxelles. Je pense donc que le secrétaire d’État a raison de poser cartes sur table, en évitant à la fois d’agiter un épouvantail et de se cacher honteusement derrière son petit doigt, comme l’ont fait les précédents ministres, qui ouvraient la concurrence à Bruxelles et qui expliquaient à Paris qu’ils ne l’avaient pas ouverte.

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