La réduction proposée ne règle pas l'ensemble des questions qui se posent à propos du barème de l'impôt sur le revenu, non plus que celle posée par les changements brutaux de situation que peuvent connaître les ménages modestes du fait d'effets de seuil, amplifiés par toutes les mesures correctives qui se sont accumulées au fil des années.
Selon le barème actuel, restructuré autour de cinq tranches, un célibataire commence en théorie à acquitter l'impôt sur le revenu à partir de 6 085 euros de revenus annuels, et un couple avec un enfant à partir d'environ 15 000 euros. Dans la pratique, la décote et le seuil de mise en recouvrement font qu'un célibataire n'acquitte pas d'impôt en dessous de 12 000 euros de revenus. En d'autres termes, quasiment plus personne n'est imposé au taux marginal de 5,5 %, et l'on entre souvent dans l'impôt au taux marginal de 14 %, ce qui est brutal.
Quant à la polémique sur le nombre de ménages qui entrent ou sortent de l'impôt, je rappelle que, dès lors que les salaires augmentent plus vite que l'inflation, sur laquelle le barème est indexé, le nombre de nouveaux foyers imposables augmente chaque année, notamment dans le bas du barème.
Le gel du barème touche toutes les catégories de contribuables, mais ses incidences sont particulièrement sensibles pour les taux marginaux les plus bas. De même, la suppression de la demi-part dite « vieux parents » a créé beaucoup de nouveaux imposables. Par conséquent, il me semble qu'autant de gens sont entrés dans l'impôt du fait du précédent gouvernement que du fait du gouvernement actuel. D'autre part, je suis persuadé que nous avons eu raison de réintégrer dans le revenu imposable, dans le cadre du plan de rééquilibrage des retraites, la majoration de 10 % pour les retraités ayant eu trois enfants, car c'était une mesure totalement antiredistributive. En effet, les effets d'une majoration en pourcentage sont d'autant plus forts que la pension de base est élevée et la défiscalisation ne fait que les amplifier puisque plus le taux marginal est élevé, plus l'avantage fiscal est important.
Cela étant, comme la non-déductibilité de la CSG, les mesures de fiscalisation, si elles touchent toutes les tranches du barème, sont particulièrement douloureuses pour les titulaires des plus bas revenus.
Je rappelle également que, dès la loi de finances pour 2013, puis dans la suivante, nous avons revalorisé non seulement la décote, mais aussi les seuils du revenu fiscal de référence. Pour autant, un nombre notable de contribuables sont devenus imposables alors qu'ils ne l'étaient pas auparavant. L'objectif de la présente mesure est donc simple : faire sortir du bas du barème des ménages qui y sont entrés en raison, non de l'accroissement de leurs revenus, mais de la modification du calcul du revenu fiscal de référence.
Il ne s'agit que d'une mesure temporaire, en attendant une remise à plat du barème dont nous débattrons lors de l'examen de la loi de finances pour 2015, mais il n'y avait guère le choix : au cours des discussions entre le Gouvernement et le groupe socialiste, il est apparu que, pour que cette disposition puisse être prise en compte dans les avis d'imposition qui seront envoyés à l'automne, elle devait être mise en production le 15 mai – ce qui, entre parenthèses, limite beaucoup nos possibilités d'amendement. Cela étant, je le répète, la discussion du projet de loi de finances pour 2015 sera l'occasion de débattre sur la manière de restructurer le bas du barème de manière à éviter les effets de seuil, en attendant de réfléchir aux moyens d'un allégement plus général des prélèvements obligatoires, et cela sachant qu'aujourd'hui nos concitoyens ne commencent à payer l'impôt sur le revenu qu'à partir du moment où ils se situent entre les quatrième et sixième déciles de la pyramide des revenus.