Votre présentation paraît tout à fait lucide, mais elle est également très inquiétante. Vous indiquez explicitement que nous ne disposons plus de beaucoup de marges de manoeuvre en matière de recettes, compte tenu de l'affaiblissement de leur rendement – phénomène sur lequel nous devons continuer à travailler. De ce fait, le volet « dépenses » devient crucial. Or, selon vous, de vrais risques de dépassement pèsent cette année sur les dépenses, contrairement à l'année dernière. Vous observez que les économies de constatation que nous avons pu réaliser sur les frais financiers nous ont beaucoup servi, depuis plusieurs années – en 2013, par exemple, elles nous ont permis de respecter la norme de dépenses. De même, le projet de loi de finances rectificative constate une économie de 1,8 milliard d'euros à ce titre, mais cette situation ne devrait pas durer et nous ne pourrons donc plus compter sur cette possibilité.
S'agissant des autres types de dépenses, je rappelle que les économies s'expliquent par les gels et surgels. Celles que comprend le projet de loi de finances rectificative, s'élevant à 1,6 milliard d'euros, portent sur des crédits gelés mais aussi sur des crédits « pilotables », avant tout des crédits d'investissement. La masse salariale, soit plus de 80 milliards d'euros pour le budget de l'État, ne figure pas dans cet ensemble : est-il concevable de la maîtriser celle-ci à effectifs constants ? En revanche, relèvent des crédits « pilotables » les dépenses d'intervention sociale, qui s'analysent le plus souvent comme le résultat de la multiplication d'un montant unitaire par un nombre de personnes éligibles. Or, le nombre des personnes éligibles n'est pas maîtrisé et les montants unitaires ont tendance à être réévalués, ce qui crée une dynamique de dépense très puissante sur des crédits qui représentent près de 40 milliards d'euros dans le budget de l'État. Quelle méthode permettrait de mieux les maîtriser ?
Je voudrais évoquer ensuite une autre question de méthode. Il nous avait été annoncé en janvier un programme d'économies de 50 milliards d'euros pour 2015, 2016 et 2017. Le plan présenté par le Premier ministre comportait ensuite 30 milliards d'euros de baisses d'impôts et programmait dans le même temps des hausses d'impôts. Le rapport de la Cour des comptes fait état d'un solde net de 14 milliards d'euros de diminution de recettes. Or, les 50 milliards d'euros sont restés 50 milliards d'euros. D'où la question de la Cour : cela ne traduit-il pas une révision implicite, presque clandestine, du taux d'évolution spontanée ? Pouvons-nous continuer à raisonner à partir d'évolutions spontanées à la discrétion du Gouvernement ? La question est cruciale, car la discussion des précédents projets de loi de finances a montré que l'évaluation de ces évolutions divergeait entre le ministère des Finances, le rapporteur général et la Cour des comptes. Cette présentation par rapport à une évolution tendancielle exerce en outre un effet anxiogène sur l'opinion publique : on déclare que les économies portent sur 50 milliards d'euros et on communique sur ce montant, alors que les dépenses publiques continuent en réalité d'augmenter. Notre problème avec les dépenses publiques est donc d'ordre pédagogique. Quelles seraient les propositions de la Cour pour mieux faire comprendre qu'il faut dépenser mieux en dépensant moins ?