Intervention de Didier Migaud

Réunion du 17 juin 2014 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Je parle en termes de moyenne européenne : la dette italienne est certes très élevée mais l'Italie est aujourd'hui à moins de 3 % et bénéficie de marges de manoeuvre que n'a pas la France.

Concernant les 3,8 % de déficit public, j'indique à M. Lefebvre que ce n'est pas un pronostic que nous faisons, mais la conséquence d'un constat fait à partir d'interrogations, non pas sur le niveau de la dépense sur 2014 – même si nous en avons au sujet des collectivités territoriales et de l'UNEDIC – mais sur le niveau des recettes. On sait aussi que la croissance estimée à hauteur de 1 % est incertaine et que la prévision du niveau d'inflation paraît élevée. Sur la masse salariale et la question des créations d'emplois, les prévisions du Gouvernement sont également optimistes. Or, si l'on se réfère aux indicateurs de l'INSEE ou de la Banque de France, ceux-ci confortent le sentiment exprimé par la Cour. Le chiffre de 3,8 % nous semble donc très incertain et devrait être plus proche de 4 %, voire plus, ce qui aura des conséquences sur les exercices postérieurs.

Concernant l'évolution de la masse salariale, la Cour propose un certain nombre de pistes afin que que vous soyez en mesure de respecter l'engagement de maîtrise des dépenses de personnel, inscrit dans les documents budgétaires. La Cour souligne que ces objectifs de maîtrise sont ambitieux – ils ont même été durcis, notamment dans le récent programme de stabilité. Mais même en restant dans le cadrage de 2013, l'évolution de la masse salariale de l'État ne devrait pas progresser de plus de 250 millions d'euros. Or, si l'on raisonne à politique constante, à savoir le gel du point d'indice et la réduction des mesures catégorielles, le compte n'y est pas.

Il faut donc prendre des mesures complémentaires pour respecter cet objectif. D'où nos propositions de réduction des effectifs, d'une autre politique d'avancement ou d'une autre programmation, ou bien d'actions sur la durée du travail, en partant du constat qu'il pourrait être intéressant de procéder à un bilan de la durée effective de travail dans les trois fonctions publiques, en faisant remonter l'information des chambres régionales. On voit que beaucoup de collectivités territoriales ne se situent pas au niveau de la durée légale et qu'il existe donc ici des marges de manoeuvre. Nous préconisons également un meilleur ciblage de certaines mesures générales, et notamment des rémunérations accessoires. Ceci afin de permettre le respect de l'objectif fixé, sachant que l'État a accompli beaucoup d'efforts en matière de dépenses de personnel, efforts que l'on ne retrouve pas pour ce qui est des collectivités territoriales, en dépit de ce qu'a dit M. Goua, parce qu'un certain nombre de créations de postes ne sont pas liées aux transferts de compétences. Le même raisonnement peut être tenu pour ce qui est des hôpitaux.

Le Gouvernement peut afficher 50 milliards d'euros de réduction des dépenses parce qu'il a effectivement modifié ses hypothèses d'augmentation tendancielle de la dépense, passant de 1,6 % à 1,5 %. Tous les pays le font et ce n'est pas spécifique à la France. On peut concevoir que l'on puisse s'appuyer sur une augmentation tendancielle : la Cour ne rejette pas ce raisonnement mais constate que la dépense publique continuera d'augmenter, y compris dans les propositions du Gouvernement. 50 milliards d'euros de réduction de la dépense par rapport à l'augmentation tendancielle sont affichés, mais la dépense publique aura augmenté de 62 milliards sur la même période. L'augmentation tendancielle de la dépense aurait atteint 112 milliards d'euros sans ces 50 milliards d'économies prévues. La Cour souhaiterait que les gouvernements fassent preuve de davantage de transparence, qu'ils expliquent les conventions retenues pour calculer cette augmentation tendancielle, les rendent publiques et qu'un débat ait lieu, notamment en commission des Finances.

Sur la réduction de 50 milliards, en dépit de la procédure de contradiction avec le Gouvernement, nous ne sommes pas en mesure de vous en dire plus car pour une bonne partie – 30 milliards d'euros –, elle n'a pas été documentée. Le Gouvernement devra le faire dans les lois de finances initiales pour 2015 et 2016.

Sur la déclaration du ministre allemand de l'Économie, je ne ferai pas de commentaire, car cela relève des autorités politiques, dont vous êtes. Je peux seulement dire que ce n'est pas en cassant ou en changeant le thermomètre que l'on change la réalité. Ce type de proposition est d'ailleurs un sujet récurrent depuis de nombreuses années mais quels que soient les critères retenus, la situation demeure la même : la dette doit être financée pour partie sur les marchés financiers.

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