Merci, monsieur Davezies, pour cet exposé. Tout ce qui pose question est porteur de réponses et tout ce qui est porteur de réponses peut éventuellement éclairer l'action…
La contrainte budgétaire peut en effet remettre en cause la solidarité vue comme le moyen de l'égalité. Précisons, à cet égard, que le ministère de l'égalité des territoires doit être perçu comme la traduction de l'idée républicaine de l'égalité des citoyens au regard d'un certain nombre de fondamentaux. Or assurer cette égalité, à laquelle, je crois, nous tenons tous pour des raisons historiques, sociales et culturelles profondes va être plus compliqué. Dès lors, ne faut-il pas penser cette solidarité comme une forme de coopération entre des territoires et des gens ayant des difficultés et des atouts différents, et donc potentiellement complémentaires, plutôt que comme une forme de niveau moyen qu'on devrait assurer partout, pour tous et tout le temps ? Peut-être faudrait-il passer à une forme d'optimisation de performances partagées et faire des différents territoires des alliés. Cela vaut aussi pour les métropoles, qui sont sans doute des points d'appui de la croissance de demain mais qui connaissent aussi un certain nombre de problèmes dont les solutions ne se trouvent pas forcément en leur sein, en tout cas au moindre coût.
Je suis l'élu d'une circonscription rurale, à la pointe du Morvan, et à égale distance de Lyon et de Paris, c'est-à-dire loin de tout. Certes, nous avons encore des industries de pointe mais la population est atteinte de toutes les caractéristiques du vieillissement, avec des niveaux de compensation importants, mais relativement bas. Néanmoins, ce type de territoire a des avantages comparatifs par rapport à la grande métropole voisine : la récréation, le soin, l'éducation. La vision que j'ai présentée nous permettrait de saturer des infrastructures ou des services que la population des seuls résidents, dans leur évolution naturelle, ne justifie pas, mais qui sont nécessaires à son maintien et qui coûtent très cher. Les élus de Bagnoles-de-L'Orne m'ont ainsi expliqué qu'ils n'étaient pas confrontés au problème de la désertification médicale, tous les médecins, et notamment les spécialistes, installés sur leur territoire étant présents, non pour les résidents de la zone mais pour rendre un service performant aux curistes dont bénéficient du coup tous les habitants. Que pensez-vous de ce type de complémentarité ?
Sur la mobilité, les territoires sont effectivement faits pour être parcourus au cours d'une vie par des individus. Selon son âge ou sa qualification, les besoins ne sont pas identiques. Mais nous souhaitons pour tous l'accès à un certain nombre de choses. Prenons l'exemple de l'enseignement : si le primaire est à peu près également réparti sur le territoire national, il en va tout autrement pour les universités. Si l'on veut que ses enfants aient accès à l'université, il faut donc être dans un territoire où, au moins le transport, la résidence universitaire, l'accompagnement dans cette petite expatriation soient favorisés. La mobilité est donc plus une affaire d'individus que de territoires.